Que pensent les jeunes européens de la justice sociale et du revenu de base ? Quels sont les meilleurs arguments pour l’implémentation de ce dernier et quelles sont les craintes les plus tenaces qu’il suscite ? Une étude récente menée au niveau européen montre que le sujet clive toujours autant et met en lumière les points de blocage.

Nous savons déjà que près de 45% des Français seraient favorables à un revenu inconditionnel, mais qu’en est-il chez nos voisins européens ? L’étude menée conjointement par le magazine Europe & Me et FutureLab Europe auprès de 464 jeunes européens a mis l’accent sur la proposition d’un revenu de base à l’échelle européenne.

Menée entre avril et mai 2012, auprès de jeunes agés entre 15 et 30 ans provenant de toute l’Europe (mais majoritairement issus de l’Europe Occidentale), l’objet de l’étude était de recueillir non seulement des statistiques sur l’adhésion des jeunes à l’idée du revenu de base au sens large, mais également d’analyser les plus gros avantages et inconvénients perçus par l’échantillon interrogé, ainsi que le montant considéré comme approprié pour un tel revenu. Enfin, les personnes interrogées étaient invitées à décrire comment les richesses devraient idéalement être réparties dans la société.

Une idée clivante

Premier enseignement de cette étude, ou plutôt confirmation d’un constat habituel : l’idée du revenu de base inconditionnel divise.

Ainsi, comme le montre le graphique ci-contre, les réactions à l’affirmation “Un revenu de base inconditionnel est globalement une bonne idée” sont assez polarisées (en foncé, les répondants favorables au revenu de base). “En général, les répondants sont soit clairement en faveur, soit clairement contre le revenu de base” indique le rapport, qui note tout de même une plus forte adhésion dans les pays d’Europe Occidentale qu’en Europe de l’Est.

Quant au profil socio-professionnel des répondants, celui-ci ne semble guère déterminant, si ce n’est que les femmes semblent être plus enclines à adhérer à l’idée, et ce d’autant plus si elles exercent une profession indépendante.

Autre résultat surprenant : plus l’âge des répondants est élevé, plus l’adhésion au revenu de base semble forte. (Une histoire de sagesse, peut-être?)

Le montant idéal imaginé dépend… du revenu disponible

Une corrélation intéressante se dégage par ailleurs : plus le revenu disponible des personnes interrogées est élevé, plus elles pensent que le montant du revenu de base devrait être élevé. Par exemple, 40,5% des personnes interrogées touchant entre 200 et 600 euros par mois pensent que le montant adéquat du revenu de base dans leur pays serait situé entre 200 et 500 euros. Dans le même temps, chez les personnes touchant entre 600 et 950 euros, une majorité de 33% des répondants estime que le montant approprié se situerait entre 500 et 700 euros.

Par conséquent, on observe logiquement que, selon l’échantillon interrogé, le montant du revenu de base serait plus élevé dans les pays du nord et de l’ouest de l’Europe que dans les pays de l’est et du sud. 

Le revenu de base est perçu comme un filet de sécurité efficace

Interrogés sur les principaux avantages du revenu de base, les répondants ont majoritairement souligné le fait que le revenu de base apporterait un filet de sécurité sociale de base, et que cela simplifierait et améliorerait l’efficacité de l’administration et des systèmes de protection sociale.

La fin de la stigmatisation des pauvres et l’augmentation des libertés individuelles sont aussi généralement considérées comme des avantages du revenu de base.

En ce qui concerne les inconvénients perçus, reviennent inlassablement le fait que les gens arrêteraient de travailler et que c’est une mesure impossible à financer :

58% des jeunes sont utopistes !

Malgré les réticences vis-à-vis du revenu de base, une grande majorité des jeunes désirent une meilleure répartition des richesses. On en veut pour preuve l’analyse des réponses à la dernière question du sondage : “Quelle serait selon vous une répartition juste des richesses ?

Pour répondre, les participants devaient choisir une répartition possible parmi différents diagrammes représentant des répartitions des richesses dans une sélection de pays du monde, en plus d’un diagramme “utopique” correspondant à une répartition relativement égalitaire des richesses. Sans surprise, la majorité des gens (58,2%) ont choisi le diagramme “utopique” de répartition des richesses  :

A noter également, 73% des personnes interrogées pensent que les politiques sociales adressées aux individus devraient être davantage harmonisées en Europe. Cela est plutôt positif dans la perspective du lancement de l’initiative citoyenne européenne à l’automne !

Les résultats de l’étude étaient présentés à Belfast (Irlande) en juin dernier, et ont donné lieu à un débat notamment animé par une intervention de Guy Standing, auteur de The Precariat : The new dangerous class (le précariat, la nouvelle classe dangeureuse) et co-président du BIEN (réseau mondial pour le revenu de base).

Voici une synthèse de la discussion, en vidéo :


L’étude complète est consultable ici en format pdf

Illustration : courtesy © FutureLab Europe