Alors que la semaine internationale du revenu de base approche et promet d’être un moment historique pour le mouvement français, le moment semble opportun de faire un point sur la situation de la campagne européenne et de tirer les premières leçons après 6 mois de campagne.

Article écrit par Télémaque Masson et Stanislas Jourdan, coordinateurs de l’initiative citoyenne européenne pour le revenu de base en France.

Près de 73.000 signatures en ligne (et probablement plus avec les signatures papier) : tel est le score actuel que nous avons obtenu, soit moins de 10% de l’objectif total de un million de signatures. En France, plus de 12.000 signatures ont été récoltées, soit près de 20% de l’objectif initial (cliquez sur le graphique pour connaître le détail de chaque pays).

Que penser de ce résultat ? Difficile de répondre objectivement : pour les supporters passionnés de la cause (dont nous faisons naturellement partie), ce score est évidemment en deçà de nos attentes. Pour d’autres, c’est déjà pas si mal pour une idée soit disant utopique !

Plusieurs raisons expliquent néanmoins le score relativement décevant. On connaît par exemple les difficultés rencontrées par nombre de partisans du revenu de base au moment de signer – et de faire signer. La complexité du formulaire de signatures et l’obligation de fournir un numéro d’identité ne facilitent pas la tâche. De plus, le fait que le mécanisme de l’initiative citoyenne européenne (ICE) ne soit pas encore connu de la plupart de nos concitoyens explique aussi en grande partie le fait que le succès de l’initiative suisse ne soit pas aussi facile à répliquer dans les pays voisins.

Déjà qu’expliquer le revenu de base n’est pas une mince affaire, mais nous sommes en plus condamnés à faire un double travail : celui d’expliquer le revenu de base ET le fonctionnement de l’initiative citoyenne européenne ! Comme le demandent certains eurodéputés, un peu plus de communication de la part de la Commission européenne ne serait pas superflu…

À propos de la Commission, rappelons qu’elle est partiellement responsable du retard qu’a pris la récolte des signatures. Nous n’avons en effet pu lancer la récolte des signatures qu’en mars au lieu de janvier en raison des soucis techniques avec le logiciel de collecte des signatures fourni par la Commission européenne.

Au final, pour une campagne lancée sans moyens (contrairement à l’initiative pour l’eau par exemple, lancée, portée et financée par la Fédération des Syndicats de l’Union Européenne) ni véritable structure pour animer un agenda de campagne dynamique, et compte tenu des bafouillages liés à la jeunesse du dispositif de l’ICE, le résultat est assez honorable.

Il l’est d’autant plus qu’au-delà du nombre de signatures, le lancement de cette initiative a eu beaucoup d’effets secondaires très positifs, bien que moins visibles.

Des avancées en coulisse

Beaucoup ignorent peut-être par exemple que, à l’instar du mouvement français dont la création a été initiée par le lancement du site vps286884.ovh.net, des citoyens d’autres pays tels que la Grèce, le Portugal, la République Tchèque, la Pologne ou encore Malte sont également en train de s’organiser pour faire grandir un mouvement autour de la revendication du revenu de base.

La Grèce et le Portugal sont des exemples révélateurs de pays où, malgré la dureté de la crise, l’idée du revenu de base n’est pas vraiment connue ni appuyée par la société civile. Grâce à l’initiative européenne, les choses sérieuses sont désormais en train de commencer.

Les soutiens de poids commencent aussi à affluer. En Roumanie, c’est l’ONG Diaspora Progresista qui a pris en charge la campagne, en se fixant comme priorité de recueillir un maximum de signatures. Les longs efforts produits commencent tout juste à se répercuter dans les médias. De manière similaire en Pologne, c’est le député de gauche Ryszard Kalisz qui a fait de l’initiative européenne son cheval de bataille.

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Art de rue à Prague.

En lame de fond, partout en Europe, des militants isolés ou des groupes éclatés, sont en train de former des initiatives collectives trans-partisanes. Rien que pour cela, l’aventure en vaut la peine, d’autant qu’elle prépare le terrain des échéances électorales à venir en Europe.

Rappelons également qu’en France, seulement trois groupes locaux existaient il y a un an. Depuis, la carte des collectifs locaux est en train de se garnir joyeusement, et nous allons bientôt atteindre 30 groupes ! Les partisans et curieux de divers modèles se retrouvent pour travailler ensemble dans une formidable entreprise d’éducation populaire. Ils amorcent ainsi le grand débat démocratique qu’appelle cette initiative autour des termes précis du modèle de Revenu de Base qu’il conviendrait d’adopter, des objectifs qu’il faudrait viser en priorité, des politiques d’accompagnement dans d’autres secteurs qu’il conviendrait ou non d’engager, etc.

Petit à petit, les forces vives pour une société et une économie plus humaines, plus démocratiques et plus justes sont en train de s’aligner derrière le combat pour un revenu de base.

Ce processus de rassemblement prend du temps mais nous sommes peut-être bel et bien en train d’assister à la naissance d’un mouvement social européen pour un revenu de base, et ceci grâce à l’impulsion de l’initiative européenne. Pour certains de ses partisans, nous assistons même à la naissance d’une société civile européenne organisée et autonome, celle-là même qu’un revenu de base permettrait de supporter.

Dernière ligne droite !

Alors, que manque-t-il pour accélérer la tendance ? Plus que des moyens financiers (certes utiles), c’est surtout le mouvement en lui-même que nous devons renforcer et mieux coordonner. Nous y travaillons. Le comité de citoyens européens derrière l’initiative se réunit d’ailleurs ce dimanche à Berlin, en marge d’une grande manifestation précédent les élections fédérales, pour discuter des prochaines opérations stratégiques à mener pour finir la campagne en beauté.

Il nous faut aussi envoyer un message fort à la société française ! C’est précisément l’objectif de la semaine internationale du revenu de base, qui est organisée un peu partout en Europe et dans le monde entre le 16 et le 22 septembre. Si nous doublons le nombre de signatures en ce temps record, alors nous pourrons réellement prendre de l’élan avant le sprint final… avant d’écrire l’Histoire ! Nous comptons sur vous !

Télémaque Masson et Stanislas Jourdan


Crédits photos : grundeinkommen-ist-ein-menschenrecht.de