En choisissant de renoncer à l’universalité des allocations familiales, le gouvernement Hollande a pris une mauvaise décision qui va à l’inverse de la logique du revenu de base.

Ce jeudi 16 octobre, le gouvernement a donc décidé de rendre les allocations familiales dégressives à partir d’un certain revenu. Ainsi, un couple avec deux enfants verra ses allocations familiales divisées par 2 si ses revenus sont supérieurs à 6000 euros net par mois, par 4 s’ils sont supérieurs à 8000 euros.

L’objectif du gouvernement est louable : s’assurer que la politique familiale ne bénéficie pas plus aux familles riches qu’aux familles pauvres.

Mais avec la modulation prévue, le gouvernement supprime le seul élément universel de la politique familiale. Ce qui est non seulement déplorable d’un point de vue symbolique, mais qui demandera de surcroit aux CAF de mettre en place des mécanismes de calcul et de contrôle forcément complexes et intrusifs.

Les allocations familiales deviennent ainsi une prestation ciblée sur les ménages modestes et moyens, un outil de réduction des inégalités de revenu… alors qu’elles avaient été conçues et vécues depuis 1938 comme un droit associé à l’enfant, à tous les enfants, quelque soit le revenu familial. En réservant un droit aux pauvres on appauvrit ce droit, car ceux qui en sont exclus – les moins pauvres – vont vouloir se dispenser de contribuer à la réalisation de ce droit.

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Il y a pourtant des alternatives

Le plus idiot, c’est qu’il aurait été possible d’avoir peu ou prou les mêmes effets redistributifs sans remettre en question l’universalité des allocations familiales.

On aurait par exemple pu baisser encore un peu le plafond du quotient familial (aujourd’hui à 1500 € par enfant et 3000 € à partir du troisième), ce qui aurait joué sur le revenu des classes moyennes supérieures qui n’ont pas encore atteint ce plafond.

On aurait aussi pu baisser le coefficient associé à un enfant dans le calcul du nombre de parts pour l’impôt sur le revenu (par exemple en le passant de 0,5 à 0,3) tout en universalisant certaines prestations sous condition de revenu, comme l’allocation de rentrée scolaire (ARS).

Un revenu de base pour les enfants

Mieux encore, on pourrait remplacer la complexité de mécanismes apportant des réponses diverses, incohérentes et opaques, par la distribution d’une somme forfaitaire par enfant mineur à tous les parents – définie selon les besoins de l’enfant, pas selon le niveau de vie de la famille. Autrement dit, une sorte de revenu de base pour les enfants.

Concrètement, cette allocation forfaitaire se substituerait à l’ensemble des mécanismes évoqués : allocations familiales, complément familial, différentiel de RSA par enfant, quotient familial, voire allocation de rentrée scolaire ou même supplément familial de traitement. Son versement pourrait être assuré par les allocations familiales, en simplifiant radicalement leurs prestations, ou mieux, par l’administration fiscale qui gère déjà un fichier exhaustif de l’ensemble de la population. En supprimant le mécanisme du quotient familial, les familles nombreuses aisées cesseraient d’être avantagées, ce qui satisferait la revendication de la gauche.

Des calculs détaillés ont été réalisés : verser par exemple 200 euros par mois à tous les enfants, jusqu’à 20 ans, requiert de mobiliser environ 39 milliards d’euros. C’est du même ordre que le budget actuel des allocations familiales. Ainsi avec cette mesure simple, universelle et inconditionnelle le message est clair : tous les enfants méritent la même attention. Fils de pauvres comme fils de riches, un enfant est un enfant. Cette vidéo explique plus en détail l’idée :

Nous l’avons montré, il existe une issue simple et efficace au conflit récurrent droite-gauche sur la politique familiale. Seulement voilà, ce gouvernement préfère les mesures qui réduisent les prestations versées aux plus riches plutôt que d’augmenter leur impôt – quand bien même ces deux opérations ont exactement les mêmes effets. Il peut ainsi se vanter auprès de Bruxelles que les prélèvements obligatoires n’augmentent pas. En obéissant aux sirènes du ras-le-bol fiscal, non seulement on dévalorise l’impôt, mais surtout on sacrifie inutilement un pilier fondateur de la protection sociale : le principe d’universalité. C’est vraiment dommage.

Guy Valette, Jean-Eric Hyafil et Marc de Basquiat