Ces derniers jours, de très nombreux médias ont titré sur la Finlande en annonçant la mise en place d’un revenu de base à 800 euros par mois. On aimerait bien que le rêve se réalise mais il faut reconnaître qu’un tel projet n’est pas à l’ordre du jour. En tous cas, pas dans l’immédiat.

En mai dernier, Juha Sipilä a été porté à la tête du gouvernement dans le cadre d’une coalition entre son propre parti, le Parti du Centre (49 sièges au Parlement, centriste), le Parti de la Coalition nationale (37 sièges, conservateurs libéraux) et les Vrais Finlandais (38 sièges, parti populiste connu en Europe pour son opposition virulente aux plans d’aide au Portugal et à la Grèce). Dans son programme de gouvernement, une ligne sur quarante pages évoque la réalisation d’une étude sur le revenu de base : « A basic income pilot study will be performed. »

Travaux préparatoires jusqu’au 15 novembre 2016

Dès cet été, Juha Sipilä confirmait cet engagement en apportant son soutien à « une expérience géographique limitée » dont le principe serait de « tester l’idée en versant à 8 000 personnes appartenant à des groupes à faible revenu quatre montants mensuels différents, compris entre 400 et 700 euros. » Le cadre était ainsi donné et, courant octobre, le Kela, l’institution finlandaise qui finance la protection santé ainsi que les allocations sociales, familiales et de chômage, publiait les résultats d’un sondage auprès de la population finlandaise. Des chiffres encourageants : 69 % des finlandais sondés sont favorables à l’idée d’un revenu de base d’un montant de 1000 euros, un taux et un montant en légère progression par rapport à un sondage similaire conduit en 2002.

En novembre, Hanna Katariina Mäntylä, ministre des Affaires sociales et de la santé et également vice-présidente du parti des Vrais Finlandais, a confié la direction du projet à Olli Kangas, directeur de recherches au Kela, qui en a précisé le planning le 5 décembre. Étude et travaux préparatoires jusqu’au 15 novembre 2016. Expérimentation pendant deux ans à partir de 2017 pour une évaluation en 2019. Selon Dylan Matthews, journaliste à Vox dont nous reprenons les propos, Olli Kongas aurait précisé que « le montant de 800 euros repris par la presse est simplement une valeur possible parmi d’autres. Rien n’est encore fixé. Il pourra y avoir une ou plusieurs autres sommes ». Le groupe de recherche émettra des suggestions en novembre 2016 et il appartiendra alors au gouvernement de décider, en sachant que ce dernier entend consacrer vingt milliards d’euros à l’expérimentation qui durera deux ans à partir de 2017 pour une évaluation en 2019. De l’eau va donc encore couler sous les ponts d’ici là.

Plusieurs modalités d’expérimentation sont pour l’instant envisagées. La première consisterait à verser un revenu mensuel de 750 €. Une option qui risque de rencontrer l’hostilité des syndicats. Ceux-ci garantissent en effet à leurs adhérents un complément d’allocation en cas de chômage. Ce qui engendre, par souci de protection, un taux d’adhésion syndicale très élevé en Finlande. Si demain un revenu de base venait remplacer cette protection, un grand nombre de salariés renonceraient probablement à adhérer à un syndicat. La seconde option viserait un revenu de base mensuel de 550 €, soit le niveau moyen des allocations de chômage versées par le gouvernement. Une solution qui préserve les syndicats et qui semble donc plus réaliste. Une troisième hypothèse est basée sur l’impôt négatif. Un ménage sans revenu toucherait 10 000 euros par an. Les autres toucheraient un complément égal à 50 % de leur revenu jusqu’à atteindre 20 000 euros, seuil au dessus duquel ils ne toucheraient plus aucun complément. D’autres options sont encore envisagées par Olli Kangas comme la fusion des allocations de chômage, d’arrêt de travail et de maternité ou la rémunération des activités humanitaires, bénévoles ou participatives.

Un rapport d’étape en mars prochain

S’agira-t-il d’un revenu de base tel que le définit la charte du MFRB ? Il est un peu tôt pour effectuer des comparaisons, même s’il est clair que la troisième hypothèse, construite sur les ménages avec un seuil de revenu à 20 000 €, n’envisage pas un revenu de base individuel et inconditionnel. De même l’option consistant à rémunérer certaines activités aujourd’hui bénévoles ne peut pas être considérée comme un revenu de base. Mais ces propositions peuvent constituer des étapes et les dés sont loin d’être jetés. 

Faisons confiance à nos amis de Perustulo, le mouvement finlandais pour un revenu de base, qui soutiennent l’étude. Les propositions complètes du groupe de recherche seront connues en novembre 2016. Attendons d’en savoir plus. Un rapport d’étape, prévu en mars prochain, fera peut-être le printemps. 


Photo : Olli Kongas, directeur de recherche au Kela. Photo DG-EMPLFlikr – Licence CC 2. Generic