Loïc Damey aborde dans cet article les deux principales approches de financement du revenu universel.

I – Deux familles

Lors des débats autour du sujet du revenu de base universel, la question du financement revient immanquablement. Et à chaque fois deux attitudes s’opposent, d’un coté il y a ceux pour qui cette question est un non sens et de l’autre ceux qui pensent que c’est une question insoluble. Les arguments semblent hors sujet et l’issue de l’échange mène à un sentiment de confusion et de frustration pour tout le monde.

En abordant les systèmes de financement sous un autre angle, nous pouvons comprendre ces postures. Souvent à une question, la réponse correcte est “cela dépend du système de financement”. Et il n’est pas envisageable d’expliquer pourquoi car alors il faudrait détailler les mécanismes économiques, l’explication deviendrait trop technique.

Pour avancer dans le débat, distinguons deux familles de financement d’un revenu de base universel. La première se caractérise par une logique de mutualisation. Le système est équilibré par définition, un impôt universel permet de reverser un revenu universel. Les ressources sont redistribuées équitablement mais ce ne sont que les flux à l’intérieur du système qui sont modifiés. Dans cette famille, nous pouvons classer les propositions de réformes de l’impôt sur le revenu et de la CSG, (par un impôt progressif ou une flat tax), ou de l’impôt négatif.

Dans la deuxième famille, nous trouvons toutes les propositions de collectes qui ne sont pas liées aux revenus des personnes. Sans être exhaustif, il s’agit de la TVA, la taxe sur les transactions financières, la taxe écologique, la taxe sur le patrimoine, la taxe sur les robots, la création monétaire. Dans tous ces cas, le revenu des personnes n’a aucune incidence sur le système de prélèvement.

II – Imaginons un débat

Imaginons un débat où la même question est posée à deux intervenants qui sont convaincus par des systèmes de financements différents. “A” privilégie la première famille et “B” préfère la deuxième famille.

Est ce que le revenu de base universel est cumulable avec les revenus du travail ?

A : en fait il est partiellement cumulable car un prélèvement de 25% sur les revenus (par exemple) est appliqué pour le financement.

B : oui il est totalement cumulable.

Est ce qu’il y a des perdants et des gagnants ?

A : les simulations montrent que la redistribution est presque similaire, sauf pour les 10% les plus riches.

B : il n’y a pas de perdant, le revenu de base universel permet d’augmenter le pouvoir d’achat de tous.

Est ce que le montant des revenus augmente ?

A : non, c’est une redistribution de l’existant

B : oui, de nouvelles taxes ou la lutte contre l’évasion fiscale permettent d’améliorer les revenus.

Est ce que le financement est équilibré ?

A : oui, le taux de prélèvement ou de crédit d’impôt est calculé pour que le système soit équilibré.

B : partiellement, un cumul des différents prélèvements peut permettre d’arriver à boucler le budget.

Est ce que les riches vont en bénéficier ?

A : non, car ils vont donner en impôt plus qu’ils ne vont recevoir en revenu de base universel.

B : oui, tout le monde y a droit.

Est ce que cela va créer de l’inflation ?

A : non, il n’y a pas de création monétaire donc pas d’inflation.

B : peut être, si les revenus augmentent, il peut y avoir un peu d’inflation.

III – Tableau comparatif

IV – Des questions pertinentes

Comme nous le voyons, scinder en deux familles les différentes propositions de revenus de base universel permet de clarifier le débat. La logique de mutualisation et redistribution des revenus est très éloignée de l’approche de cumul et agrégation de diverses taxes.

Après ce préalable, viendront les critiques pertinentes envers la famille de financement par mutualisation. Si le revenu de base universel ne permet pas d’augmenter le pouvoir d’achat, alors quel est son intérêt ? La réponse est l’inconditionnalité.

A propos de la deuxième famille, les remarques sur l’inflation, l’équilibre du système et pourquoi donner aux riches, deviennent tout à fait justifiées. Les réponses portent principalement sur les avantages obtenus en comparaison d’ajustements nécessaires.

Plusieurs auteurs ne facilitent pas cette vision puisqu’ils intègrent dans leur système de financement des mécanismes relevant des deux familles. Si lors des débats, les intervenants précisaient sur quelle famille de financement ils s’appuient, cela permettrait de comprendre leur logique de raisonnement et d’entendre leurs arguments.