Article écrit en 2014, remanié et complété pour des conférences sur le revenu d’existence.

Avant d’aborder la pertinence de l’allocation d’un revenu de base universel et inconditionnel, il faut analyser pourquoi, malgré les énormes progrès scientifiques et techniques, on subit une crise systémique globale dont on ne voit pas l’issue.

I. Pourquoi cette crise mondiale systémique ?

Une étude indépendante conduite par des scientifiques de l’université du Maryland et du Minnesota et financée par le centre de vols spatiaux Goddart de la NASA (lien) prédit l’effondrement du système économique existant dans quelques dizaines d’années seulement. Pour quelles raisons ? A cause de la chute d’une énorme météorite sur New-York ? Non. C’est bien en partie les inégalités dans la répartition des richesses produites par le travail qui en seraient la cause.

La rareté des ressources provoquée par la pression exercée sur l’écologie et la stratification économique entre riches et pauvres a toujours joué un rôle central dans le processus d’effondrement. Du moins, au cours des cinq mille dernières années

Pourtant en un siècle, nous sommes passés d’une économie de la rareté à une économie de l’abondance.

C’est le succès du salariat industriel, des trente glorieuses, du plein-emploi, dans les pays développés de l’OCDE qui ont permis ce miracle : Nous sommes capables de produire de tout, en trop, de plus en plus vite, avec de moins en moins de labeur humain. Le problème est que cette abondance n’ouvre pas les portes du paradis pour la très grande majorité, elle se réduit trop souvent en une formidable machine à cash pour quelques-uns aux dépens de la satisfaction des besoins fondamentaux de l’humanité.

On aurait dû aussi se réjouir qu’en un siècle, l’automatisation, la robotique et la numérisation de l’économie aient soulagé l’homme de tâches pénibles et répétitives ; que la productivité ait décuplé. Cette libération de l’homme du travail contraint qui est à portée de main n’a malheureusement pas encore eu lieu.

Si la part du travail diminue au niveau du partage de la valeur ajoutée, elle s’intensifie pour certains, se précarise et se raréfie pour d’autres enfermant les travailleurs dans l’angoisse de la déqualification et de la marginalisation.

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Le travail est dévalorisé :

  • Pour un Ipad d’une valeur HT de 400 $, le coût de la masse salariale pour sa conception et sa fabrication est de 28$ dont 8 $ pour l’assemblage en Chine ! alors que les bénéfices nets sont pour APPLE de plus de 120 $ par tablette (lien).
  • Facebook a acheté la messagerie WhatsApp qui emploie 55 salariés pour 19 Milliards de dollars, par comparaison la multinationale Kodak, en faillite, a employé jusqu’à 145 000 personnes.
  • Aux Etats-Unis, dans les vingt années à venir, la robotisation et la numérisation de l’économie vont « détruire » plus de 47 % des emplois existants (lien).

La diminution de la valeur travail par rapport au capital s’accompagne d’une production de masse aux dépens des ressources naturelles disponibles, dégageant des profits gigantesques à la condition toutefois de pouvoir créer la demande

Si l’industrie des médias et de la publicité met tout en œuvre pour faire naître ce désir d’acheter chez le consommateur, face à l’anémie des salaires, pour booster artificiellement le pouvoir d’achat et la consommation de masse, on a eu recours à la création monétaire par le crédit bancaire, ce qui n’a fait qu’accélérer le phénomène d’accroissement des inégalités et a conduit tout droit à la crise de la dette qui a débuté en 2007.

De plus le progrès scientifique et technique n’est plus accompagné de progrès sociaux qui permettraient un partage plus équitable des fruits de ces avancées technologiques. Au contraire, Bernard Stiegler décrit la disruption comme un phénomène où les entités qui s’approprient l’innovation technologique ( les G.A.F.A.M. : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) imposent des modèles qui détruisent les structures sociales existantes.

C’est l’ubérisation de l’économie où des plateformes numériques situées dans un paradis fiscal jouent les entremetteurs, avec l’aide d’une application numérique, entre des clients de par le monde et des prestataires de services qui doivent acheter et entretenir leur outil de travail, se payer une protection sociale. Ils n’ont de travailleur indépendant que le nom puisque le prix de leur service leur est imposé en fonction de l’heure, du lieu et des évènements en cours.

En 2014, le niveau des inégalités et le poids des patrimoines sur les revenus sont comparables à ceux qui existaient avant 1914, un siècle auparavant (Thomas Piketti- Le capital au XXI ° siècle).


Des chiffres qui donnent le tournis 

Au niveau mondial : 

  • La moitié de la richesse appartient à 1 % de la population, les 99 % se partagent l’autre moitié 
  • 8 personnes possèdent ce que possède la moitié de la population mondiale la plus pauvre.

Aux Etats-Unis :

  • Aux États-Unis, de 2009 à 2012, les 10 % les plus riches ont confisqué 115 % de la croissance post-crise financière, tandis que les 90 % les moins riches se sont appauvris de 15 %

En Grande Bretagne :

  • 5 familles sont plus riches que 20% de la population soit 12 millions de personnes.

En France : La crise frappe bien davantage les ménages les plus modestes

  • Entre 2008 à 2010, les 10 % des ménages les plus pauvres se sont appauvris d’un demi milliards d’€, alors que les 10 % les plus riches se sont enrichis de 14 milliards, en captant 58 % de la richesse créée.
  • En 2013,
    • Les 10 % des Français les plus riches captent un peu plus du quart (27 %) de la masse globale des revenus,
    • Presque dix fois plus que les 10 % les plus pauvres (2,9 %).
  • 21 milliardaires possèdent autant que les 40 % les plus pauvres

Comme dirait le regretté Coluche : « Il y en a qui sont plus égaux que d’autres »

En conséquence la pauvreté augmente. En 2016, En France on comptait plus de 9 millions de pauvres devant vivre avec moins de 1000 €, 60% du revenu médian.

  • La pauvreté touche 1 français sur 7,
  • Depuis 2008, un million de personnes ont basculé dans la pauvreté,
  • On compte plus de 2 millions de travailleurs qui malgré leur activité n’arrivent pas à sortir de la précarité,
  • 1,6 million sont à temps partiel contraint. Ce sont essentiellement des femmes.
  • Tout en s’épuisant à la tâche, de nombreux petits paysans, des petits commerçants, des artisans, des artistes, des autoentrepreneurs, n’arrivent pas à tirer de leur travail des revenus décents.

A ces inégalités de revenus et de patrimoine s’ajoutent les inégalités devant la maladie :

Dans un article du journal Le Monde du 1/04/2017 intitulé : « La vague de morts de désespérance a continué de déferler sur l’Amérique blanche  » Sylvie Kauffmann cite les recherches de deux universitaires américains sur la dégradation rapide de la santé de ces travailleurs blancs déclassés : « Cette histoire, de la mort prématurée, « est celle de l’effondrement des classes laborieuses blanches, non diplômées, après leur apogée des années 1970 ; c’est aussi celle des pathologies qui accompagnent leur déclin ». Accablés par un « cumul de handicaps » – perte d’emplois stables et de qualité, déclin de l’institution du mariage, délitement du lien social – ces Américains-là ont perdu espoir. Ceci expliquant peut-être cela, le nombre de bénéficiaires de pensions d’invalidité a presque doublé en vingt ans, passant de 7,7 millions à 13 millions d’Américains. ( …) .On aimerait ne voir là qu’une de ces curiosités américaines. Mais voilà qu’une double page publiée par Le Monde, vendredi 31 mars, sur la fracture territoriale française en matière de santé, alerte par un inquiétant petit air de déjà-vu. Cartes et données y mettent en lumière « de fortes inégalités face à la maladie » et « de profondes différences géographiques » sur la mortalité. On y apprend que les habitants des villes situées le long de l’autoroute A1, de Paris à Tourcoing, n’ont pas tous la même espérance de vie : la surmortalité avant 65 ans est, par exemple, beaucoup plus élevée à Hénin-Beaumont qu’à Senlis.

Notre système social, expression de la solidarité nationale, adossé essentiellement sur le travail salarié est à bout de souffle

  • Bien que dans nos sociétés, le travail salarié, indépendamment de son rôle dans la production des biens, reste encore la » médiation sociale » principale – Sans CDI, l’individu n’a plus accès à un logement, aux prêts et donc aux standards que nous impose le marketing – cette centralité du travail salarié est mise à mal par cette crise systémique, et les dégâts humains sont innombrables.
  • Avec l’augmentation du chômage et de la précarité, la dérégulation du marché du travail, les systèmes sociaux voient leurs recettes diminuer et sont déficitaires. L’État doit compléter leur budget par l’impôt (C.S.G.) à hauteur de 90 milliards d’€.

Si les aides se concentrent sur les plus faibles, leur complexité et leur conditionnalité maintiennent l’allocataire dans l’insécurité et la précarité

  • Le RSA qui évolue avec les ressources et la situation familiale – seul(e) ou bien accompagné(e) le montant n’est pas le même – peut aussi disparaître à la vue de quelques subsides gagnées dans une activité. Conditionnalité qui incite à la fraude et induit les contrôles, cette aide devenant alors une trappe à l’inactivité et à la marginalisation. Face à la complexité et à la stigmatisation les non-recours sont aussi très nombreux.
  • L’impôt sur le revenu est payé par un nombre de plus en plus réduit de foyers fiscaux (47 %), l’I.S.F. ne concerne que 1% des contribuables. Contribuables qui rechignent de plus en plus à venir en aide à tous ces « ayants droit » que stigmatise en permanence une partie des responsables politiques, pendant qu’une petite minorité à coup d’optimisation fiscale ou d’évasion fiscale se dispense de ses obligations. Division de la société entre assistés, contributeurs et ultra riches qui développe la défiance et l’esquive au lieu de renforcer l’unité et la solidarité.
  • Les Etats endettés, à cause à la fois du manque de recettes fiscales et du service de la dette dû aux banques privées, n’ont plus les moyens d’augmenter leur contribution aux budgets des services sociaux. Les aides diminuent, accélérant l’anémie d’une demande déjà bien faible à cause des politiques d’austérité et du dumping social qu’impose la mondialisation par la mise en concurrence des travailleurs du monde entier.

Tout cela ne peut que conduire à la stagnation et… Si rien n’est fait à l’effondrement prédit par les l’université du Maryland et du Minnesota.

  • Le taux de croissance du PIB en France est passé de 5,6 % dans les années 60 à moins de 1% dans les années 2010. Croissance anémiée qui, avec l’augmentation de la productivité, interdit toute inversion durable de la courbe du chômage.
  • Au FMI aussi on s’inquiète et on réalise enfin que les inégalités peuvent fragiliser la croissance, par une demande à bout de souffle d’une part et par une captation d’une partie de la richesse dans des investissements spéculatifs et improductifs d’autre part. (Œuvres d’arts, spéculation boursière, immobilier de luxe).

Les premiers mots prononcés par Anselme Jappe à San Cristobal de las Casas (Mexique) lors du second séminaire international de réflexions et d’analyse : Planète Terre, mouvements anti-systémiques (30/12/2011 – 2/01/2012 pour le 18° anniversaire de l’insurrection zapatiste) , expriment clairement dans quelle impasse nous nous trouvons :

Il y a deux nouvelles. La bonne nouvelle est que notre vieil ennemi, le capitalisme, semble se trouver dans une crise gravissime. La mauvaise nouvelle est que pour le moment aucune forme d’émancipation sociale ne semble vraiment à portée de main et que rien ne garantit que la fin possible du capitalisme débouchera sur une société meilleure. C’est comme si on constatait que la prison où l’on est enfermé a pris feu et que la panique se diffusait parmi les gardiens, mais que les portes restaient verrouillées.

Face à cette situation encalminée, pour immuniser le corps social de la pauvreté, pour ne plus perdre sa vie à essayer de la gagner, il faut absolument changer de paradigme en assurant inconditionnellement à chacun un minimum vital sous la forme d’un revenu universel . C’est le seul moyen de permettre à chacun de retrouver une vie digne, la maîtrise de son temps, et ainsi permettre à tous de participer, selon ses capacités et ses aptitudes, par son travail, à enrichir ce patrimoine commun que nous léguerons aux générations futures.

Certes on nous dira qu’il est déjà là, ce satané revenu de survie, dans notre organisation sociale, mais tellement défiguré que personne ne le reconnait tant l’ « épreuve du guichet » peut être humiliante pour les ayants droit. Il se cache aussi, bien amoché, chez le smicard ou le travailleur à mi-temps avec la prime d’activité dont le calcul du montant est incompréhensible, avec les réductions de charges ( C.I.C.E. et réduction Fillon ) octroyées à l’aveugle à des entreprises qui n’en n’ont pas toujours besoin. Un temps on a failli le reconnaître dans les allocations familiales qui, il y a encore quelques années, étaient versées inconditionnellement à partir du deuxième enfant. On nous le cache, parce qu’il faut souffrir pour l’obtenir, prouver que l’on est bien abimé par la vie pour le toucher. Aujourd’hui il est temps de sortir des placards de la bureaucratie ce revenu de survie, de le toiletter pour le rendre inconditionnel et universel et de lui donner toute la place qu’il mérite dans la société.

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II. Le revenu d’existence : une urgence vitale

Voici la définition que notre mouvement, le Mouvement français pour un revenu de base, a donné de ce revenu universel :

Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, alloué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, individuellement, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.

  1. Le revenu de base, c’est un revenu individuel garanti, dont le montant, identique pour tous, est indépendant de toute activité rémunérée. Alloué à toute personne du seul fait de son existence, il est le fondement d’une réforme majeure dans l’organisation des transferts sociaux.
  2. Ce revenu découplé de l’emploi est tout simplement l’expression d’un droit universel et inconditionnel à une existence digne. Il doit assurer à chaque être humain le minimum pour se loger et se nourrir correctement.
  3. Avec le droit à l’accès gratuit aux soins, le droit à l’instruction publique, il complète les conditions minimales et nécessaires à l’émancipation et à l’épanouissement de l’être humain. En ce sens le droit à un revenu de base inconditionnel et universel n’est que le prolongement du chantier ouvert par le Conseil National de la Résistance en 1944. Dans ce programme du CNR figure en effet l’établissement d’ « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail.”
  4. Le revenu de base est une incitation à l’activité. Contrairement au R.S.A., tout revenu supplémentaire, provenant d’une activité rémunérée ou des fruits d’un patrimoine, s’ajoute au revenu de base sans limitation.
  5. Le partage des emplois avec une réduction du temps de travail librement consentie, sera à nouveau à l’ordre du jour, comme la semaine de 4 jours, ce qui participera à une diminution drastique du chômage.
  6. Ce revenu additionnel augmente le pouvoir d’achat, allège les dépenses sociales des organismes publiques et contribue à la diminution du déficit budgétaire de l’État.
  7. Le revenu de base évite la stigmatisation et la condescendance. De par sa simplicité, distribué à tous de manière automatique, quelle que soit sa situation, il met fin au maquis inextricable des diverses aides à la personne, à la dépendance et libère les employés publics des tâches de contrôle pour les orienter vers des missions d’accompagnement.
  8. Le revenu de base permet réellement de se libérer du carcan du travail salarié de survie pour s’occuper de soi, des siens et du bien commun, c’est du temps conquis pour permettre à chacun d’exercer ses talents, d’être un créateur, un entrepreneur, de créer de la richesse autrement, d’être un citoyen engagé dans la vie de la cité et dans des activités associatives. Grâce à ce filet de sécurité chacun pourra oser entreprendre, oser créer. Avec le temps libéré, chacun pourra participer pleinement au développement d’une économie sociale et solidaire, à des activités non marchandes et assumer ses responsabilités familiales, politiques et sociales.
  9. Chacun aura le pouvoir de dire non à des conditions dégradantes ou dangereuses pour sa propre intégrité que ce soit dans le cadre familial ou dans l’entreprise.
  10. La relocalisation de l’économie, la revitalisation des villages et des centres-villes, le développement d’une agriculture paysanne familiale, de l’artisanat et des services de proximité seront viabilisés.
  11. La formation, le changement de métier, les ruptures dans une carrière professionnelle, l’intermittence, la mobilité, pourront être envisagés plus sereinement.
  12. Enfin la modulation de ce revenu de base entre l’enfance, la jeunesse, puis au long de sa vie professionnelle et à la retraite, permettra à chacun de construire son avenir en totale autonomie et de révéler ses talents enfouis, indépendamment de ses propres origines sociales.

Les pouvoirs publics, les travailleurs pourront en finir avec ce chantage permanent à l’emploi imposé par le patronat où, pour créer ou sauver des postes de travail, on doit accepter soit une diminution de salaire ou une augmentation du temps de travail (usine SMART en Lorraine) avec en plus la contribution financière de la collectivité (ALSTHOM à Belfort). On pourra en finir avec ces aides à l’emploi hors de prix, distribuées indistinctement aussi bien à des grands groupes bénéficiaires qu’à une entreprise en difficulté (C.I.C.E- Réduction Fillon). Emplois qui sont quelquefois inutiles dans un monde aux ressources limitées et où la technologie est capable de remplacer l’homme dans beaucoup de tâches.

Donnons les possibilités à chacun de décider en fonction de ses propres moyens, de ses compétences et des besoins réelles de la collectivité, quelle activité, quel travail peut-il faire pour enrichir notre capital commun sans être obligé d’accepter un emploi de survie précaire ou un « job à la con », sans être contraint de devoir se vendre sur un marché du travail dont on ne maîtrise rien.

III. Comment le financer ?

Pour son financement, l’argent ne manque pas.

  • 1 300 milliards de revenus pour l’ensemble de la population,
  • 11 500 milliards de patrimoine privé très inégalement répartis.
    Ensemble nous sommes riches. De nombreuses solutions sont possibles : TVA sociale, redistribution par l’impôt, taxe sur le patrimoine ou sur les transactions financières, etc.

Par exemple :

  • Une cotisation individuelle, se substituant à la CSG et à l’impôt sur les revenus, sur l’ensemble des revenus d’activités et qui ne souffrirait aucune exemption, pourrait assurer une partie importante du financement. Comme avec la sécurité sociale, chacun contribue selon ses moyens pour jouir du droit à une existence digne.
  • Une taxe sur les patrimoines privés, dont la concentration atteint aujourd’hui des sommets, contribuerait à redistribuer à chacun de nouveaux atouts dans son jeu.
  • Enfin un prélèvement sur l’excédent brut d’exploitation (E.B.E.) permettrait de mettre aussi à contribution les machines qui se substituent de plus en plus au travail humain et allègerait du même coût le fardeau qui pèse sur les salaires par la suppression de la cotisation des allocations familiales.
  • La création monétaire pourrait éventuellement abonder le dispositif.

Administré par une caisse comme celle des allocations familiales, il n’en coûterait rien au budget de l’État. Dans ce nouveau mode de redistribution, l’effort des plus aisés envers les plus démunis ne dépend que du niveau des inégalités mais l’ensemble du corps social est assuré de recevoir un minimum de ressources vitales. En remplaçant toutes les aides à l’emploi, à la famille, aux plus démunis par cette allocation universelle l’État pourrait se passer des ressources actuelles de l’impôt sur le revenu ( I.R.), de la C.S.G. et de l’I.S.F.

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Ce revenu universel contribuerait à apaiser les maux de nos sociétés comme la marginalisation et l’exclusion par le chômage, et la misère, les maladies et souffrances dues à un travail contraint ainsi que la criminalité et l’économie souterraine, soulageant du même coup les budgets de l’État, des collectivités publiques et des organismes sociaux.

Il faut être convaincu que ce revenu citoyen par son caractère universel, tant dans l’allocation que dans la contribution, peut contribuer à ressouder et à redynamiser nos sociétés émiettées, éreintées, divisées entre ayants-droit (« le monde des assistés »), contributeurs (« ceux qui se lèvent tôt pour payer l’impôt ») et les ultra-riches qui se défilent et nagent dans la démesure, divisions entretenues, profondément injustes et révoltantes.

En passant d’une société de la défiance en une société de la confiance, nul doute que le pays se portera mieux. Pour Philippe Van Parijs (Le Monde du 14/12/2013), il s’agit de construire « un État social qui mise intelligemment sur l’épanouissement du capital humain plutôt que sur l’astreinte d’un emploi non choisi. »

Pour terminer, prenons l’exemple de l’enfant qui naît aujourd’hui. Il reçoit dès sa naissance un revenu mensuel parce qu’il existe. Même si ces parents peuvent en partie en faire usage dans une limite fixée par le législateur, le voilà à sa majorité civile, à 18 ans, apte à l’autonomie économique, libre de disposer de son revenu d’existence, qui entre temps aura augmenté régulièrement avec la croissance du PIB. Il sera ainsi doté avec son revenu de base de ce « capital-temps » si précieux pour son émancipation. L’horizon s’éclaircit, cette rente peut lui permettre, en toute indépendance, d’étudier sereinement, de réaliser un projet, de surmonter des échecs, d’entreprendre ou de voyager, de découvrir ses talents et de produire à son tour de la richesse dont on pourra alors tous jouir.

Comme l’écrivait Yoland Bresson, fondateur de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence (AIRE) :

Le revenu d’existence est bien de nature à modifier génétiquement la société. Il n’impose pas une forme préconstruite clé en mains, mais son instauration pousse l’ensemble de la société à se réorganiser spontanément. C’est pourquoi il faut en apprécier ses conséquences dans l’espace et dans le temps.

Avec le revenu de base, on a peut-être retrouvé les clés de la prison que A. Jappe décrit pour s’évader de ce monde finissant et se libérer du carcan d’un emploi à n’importe quel prix, pour aller à la conquête du temps pour soi pour son émancipation et son épanouissement.


Pour poursuivre : LE DIAPORAMA

Sources : Observatoire des inégalités, I.N.S.E.E., OXFAM

Image : CC Pixabay, khfalk.

Article lisible sur le site de Guy Valette.