Note de contexte par le MFRB :

En octobre 2016, des membres du Mouvement français pour un revenu de base ont rencontré de nombreux activistes et personnalités politiques espagnols à l’occasion de la rencontre du réseau européen UBIE à Madrid. Activistes de Marea Básica, de Campamento Dignidad ou députés Podemos, nous avions découvert quelques différences et spécificités de la protection sociale espagnole. En effet, en Europe, d’après ce rapport de la DREES, sur 14 pays européens, tous disposent de dispositifs de revenu minimum sauf l’Italie. En revanche, les modalités sont très variables d’un pays à un autre, voire d’une région à l’autre. C’est le cas de l’Espagne, un pays fédéral où les minimas sociaux dépendent des gouvernements des régions. C’est en Andalousie et en Estrémadure que l’on trouve les politiques sociales les plus proches de nous en matière de revenu minimum. Ils appliquent la “renta basica de inserción”, “revenu de base d’insertion”, sorte de RSA mais conditionné à l’existence d’une cellule familiale. Nous précisons donc que l’article qui suit les protestations concernent la mise en danger du dispositif actuel et que Marea Básica revendique l’instauration d’un revenu de base universel et inconditionnel pour remplir les objectifs de la charte sociale européenne.

Le mouvement Marea Básica apporte son soutien aux activistes du Pays Basque et de Malaga qui effectuent une grève de la faim. Il appelle également à une mobilisation pour l’accomplissement de la charte sociale européenne ainsi que pour l’introduction d’un revenu de base inconditionnel.

Article original paru sur terc3raTraduction : Elena Ambühl.

La Marea Basica contre le chômage et la précarité, mouvement réunissant différents collectifs espagnols engagés sur la question des droits sociaux, s’est montré solidaire et a manifesté son soutien total aux grèves de la faim qui se déroulent actuellement à Malaga et à Bilbao. À Malaga, le camarade Paco Vega est resté 30 jours en grève de la faim, exigeant du gouvernement régional andalou l’introduction d’un revenu de base dans cette région – droit inscrit de manière explicite dans les statuts relatifs à la loi d’autonomie interne. Dans son article 23.2, il est stipulé que “toute personne a droit à un revenu de base qui lui garantisse des conditions de vie digne et à le recevoir, si le besoin en est, de la part des pouvoirs publics, en accord avec la loi en vigueur.” Le gouvernement andalou méprise encore cette demande légitime, alors que des centaines de milliers d’andalou-se‑s souffrent des conséquences du chômage et de la misère.

En parallèle, à Bilbao, cinq activistes poursuivent une grève de la faim depuis maintenant 14 jours afin de protester contre les coupes budgétaires dont a été objet le revenu garanti mis en place par le gouvernement basque. Concrètement, le montant accordé aux prestations sociales pour l’année 2017 a subi une coupe de l’ordre de 7%, alors que depuis plusieurs années les critères d’obtention se sont considérablement endurcis. À titre d’exemple, une personne doit figurer depuis au moins trois ans dans les registres administratifs afin d’être éligible à ce revenu garanti, alors que ce délai était d’un an auparavant. Comme l’ont justement fait remarquer les camarades basques, ce revenu garanti est un droit conquis grâce à une forte mobilisation et donne actuellement une sécurité à plus de 60 000 familles à bas revenus.

Mais ce que dénoncent les camarades au Pays basque et en Andalousie survient dans l’ensemble de l’État espagnol sous différentes formes. Comme l’a de nouveau dénoncé le Comité Européen des Droits Sociaux, le système espagnol de revenus minimums ne satisfait pas les exigences de la Charte européenne des droits sociaux dans la plupart des régions. Les puissants, les patrons, les personnes plus riches ainsi que les partis qui défendent des politiques néolibérales aimeraient nous voir comme des quémandeurs-euses, comme des sujets de charité et ils coupent dans le système de protection sociale existant, déjà si lacunaire.

D’autre part, les gouvernements ont converti les revenus minimums en instruments de charité et de clientélisme, en un calvaire bureaucratique qui stigmatise et criminalise la pauvreté. Pour toutes ces raisons, le mouvement Marea Basica tient à souligner deux revendications : d’une part l‘accomplissement de la charte sociale européenne, d’autre part l’implémentation d’un revenu de base inconditionnel.

« Nous exigeons de la part des gouvernements la garantie qu’aucun individu ne vive en dessous du seuil de pauvreté et qu’ainsi la charte sociale européenne soit respectée. Actuellement en Espagne, ce seuil serait fixé à 663.41€ par mois et par personne avec une augmentation en fonction du nombre d’individus par foyer. C’est pourquoi nous déployons depuis quelques mois une campagne de dénonciation et de mobilisation (voir : http://mareabasica.es/).

En parallèle, nous continuons à revendiquer l’implémentation d’un revenu de base avec les caractéristiques qui le définissent : l’universalité, l’inconditionnalité, l’individualité et la suffisance. Nous considérons que l’heure est venue de mettre en place un revenu de base, une mesure pleine de bon sens, une utopie réaliste qui marque l’avancée vers un autre monde possible. Dans la situation actuelle, celui-ci est devenu un impératif, une mesure d’urgence pour faire face à la confluence des crises économique, sociale et écologique, ainsi qu’à la profondeur d’une crise de civilisation. »

Le mouvement Marea Basica soutient et soutiendra fermement les grèves de la faim engagées par les camarades du Pays Basque et d’Andalousie. Comme le disent nos ami-e‑s basques, nous n’avalons pas les propos xénophobes et racistes qui servent de voile de fumée afin de mettre à mal nos droits sociaux à tou-te‑s. Nous n’avalons pas le fait d’occulter la fraude fiscale en reportant la suspicion sur les personnes les plus précaires. Nous n’avalons pas non plus la condamnation de la pauvreté et n’accepterons en aucun cas l’exclusion sociale de milliers de personnes.

Par ailleurs, nous plaidons pour la mise en place d’une mobilisation durable au niveau national où chacun‑e pourra trouver la modalité de lutte qui lui sera propre. Une mobilisation contre le chômage forcé et la précarité tous deux organisés par les puissants, pour l’accomplissement de la charte sociale européenne, pour l’introduction d’un revenu de base inconditionnel qui, en plus de cela, prendra en compte les spécificités de chaque territoire. Nous appelons à organiser la mobilisation dans chaque région, dans chaque ville, chaque quartier, en faisant converger et en coordonnant nos diverses actions – groupes de réflexions, marches pour la dignité, assemblées de chômeurs-euses et précaires, collectifs pour les droits sociaux etc.