De nombreux entrepreneurs trouvent aujourd’hui dans l’allocation chômage un moyen de se lancer dans leurs projets. Et si on généralisait le mécanisme par l’octroi d’un revenu de base ?

Article initialement paru dans L’Inconditionnel

Donner un revenu de base à tout le monde, serait-ce vraiment “payer les gens à ne rien faire” ? C’est ce que j’entends souvent autour de moi lorsque le sujet est évoqué. Pourtant, les personnes qui en bénéficieraient le plus pourraient bien être ceux-là mêmes qui créent de l’activité et des emplois dans l’économie. J’ai nommé les entrepreneurs.

Je l’affirme avec autant d’aisance que mon métier est précisément d’investir de l’argent dans de jeunes entreprises. Au quotidien, j’ai donc en face de moi des hommes et des femmes qui se lancent dans l’aventure de créer leur propre activité.

C’est dans ses premiers mois d’existence que l’entreprise a le plus besoin de financement, en particulier pour payer les salaires des collaborateurs. Dans une économie de plus en plus immatérielle, les ressources les plus précieuses sont en effet la matière grise et le temps, plus que les machines ou le stock. L’enjeu est donc de permettre aux entrepreneurs de libérer leurs talents – et ceux des autres – pour les mettre au service de leur projet.

Bien souvent, ces personnes ont fait le choix de quitter le confort d’un emploi stable en CDI. D’autres démarrent directement dans l’aventure entrepreneuriale à la sortie de l’école ou après une période de chômage. Ceux-là n’ont même pas pu constituer une petite épargne avant de se lancer.

Entreprendre sans revenu ?

Comment les entrepreneurs font-ils donc pour survivre sans revenu de leur activité ? La réponse est irrémédiablement du même genre : « ASSEDIC Venture ! Je vis sur mon chômage et j’ai encore 6 mois devant moi avant de devoir me verser un salaire. »
En fait, Pôle-Emploi est en quelque sorte le premier investisseur dans les jeunes entreprises. Nous, les fonds d’investissements, ne faisons qu’apporter le complément !

Ce système fonctionne en partie. Mais nous constatons que de moins en moins de personnes passent par la case CDI et n’ont donc pas accès à l’assurance chômage. Quant au RSA, il est aujourd’hui insuffisant pour servir de revenu socle sur lequel bâtir une vie d’entrepreneur.

J’en suis donc intimement convaincu : avec la sécurité qu’offre le revenu de base, tout le monde pourra tenter l’aventure entrepreneuriale, ce qui permettra la naissance de nombreux projets innovants.

Plus d’autonomie pour les entrepreneurs

D’autant que le revenu de base renforcera l’autonomie des jeunes entreprises face aux actionnaires. En effet, plus tôt l’entreprise doit lever des fonds au début de sa vie, plus ses dirigeants sont contraints de céder une part importante de leur capital aux investisseurs. Ce qui implique une certaine perte de contrôle de celle-ci. En atténuant la pression financière qui pèse sur les entrepreneurs lors des premiers mois d’activités de la société, le revenu de base leur redonne des marges de manœuvre. Ils peuvent choisir de se présenter aux investisseurs au moment où l’entreprise est suffisamment mature.

Le revenu de base facilite aussi l’activité d’auto-entrepreneurs ou d’entrepreneurs à mi-temps qui émergent avec l’économie collaborative. Un travailleur du 21ème siècle peut vivre en étant chauffeur sur le site web Uber le matin, tenir une ruche une fois par semaine et donner des cours de dessin le reste du temps. Le revenu de base est le liant entre ces activités face à la non linéarité des revenus que l’on peut en tirer. Il rend possible et acceptable un avenir où nous n’aurons plus uniquement une seule activité dans notre vie professionnelle, mais une somme d’activités en parallèle, qui chacune nous enrichira d’une manière différente et complémentaire.

Enfin, le revenu de base apporterait un solide filet de sécurité si le projet ne décolle pas. Libérés de la pression de réussir du premier coup, les entrepreneurs et leurs projets ne s’en porteraient-ils d’ailleurs pas mieux ?

Accepter le revenu de base, c’est évoluer vers une société qui accepte le risque et l’erreur, deux conditions nécessaires pour soutenir l’innovation.


Crédit photo CC Darius Monsef