La nouvelle coalition de centre-droite en Finlande s’est engagée à lancer un projet pilote de revenu de base. Mais d’après Otto Lehto, président de BIEN-Finlande, il est peu probable qu’un véritable revenu de base inconditionnel ait une chance d’être expérimenté. Interview.
Interview initialement publiée sur www.basicincome.org, traduite par Amaru Mbape & Arthur Mignon.
La communauté mondiale des défenseurs du revenu de base s’est beaucoup réjouie de l’inscription d’une d’expérimentation de revenu de base dans le programme du nouveau gouvernement Finlandais. Partagez-vous cet enthousiasme ?
Nous vivons assurément un moment historique. Pour la première fois depuis les élections législatives d’avril 2015, la majorité des députés du parlement Finlandais ont exprimé leur soutien au revenu de base. Ces statistiques proviennent des réponses données par les candidats aux dernières élections. La population Finlandaise dans sa majorité a également exprimé son soutien à cette idée. Ceci est le résultat de plusieurs années de débat public et de discussion actifs, y compris notre très médiatisée mais infructueuse initiative citoyenne (2013).
Le nouveau gouvernement, mené par le Premier Ministre Juha Sipilä du Centre Party, s’est engagé à mettre en place un projet pilote de revenu de base. Cependant, le réalisme devrait tempérer un enthousiasme précoce. En effet, il n’est pas certain que tout le monde comprenne le concept de revenu de base de la même manière. Ainsi, plusieurs parlementaires défendent un revenu de base garanti sous conditions (de recherche de travail), de ressources et non universel.
De plus, d’autres membres du gouvernement, dont certains ministres influents s’opposent au RBI, et s’efforceront sans aucun doute de faire échouer ou du moins de freiner le projet pilote.
Par conséquent, il y a des raisons d’être optimiste mais également des raisons de s’inquiéter sur la réalisation du projet.
Comment l’expérimentation sera-t-elle menée ?
La gouvernement n’a pas encore donné de précisions, et même les déclarations publiques ont été rares. On s’attend à avoir davantage d’informations dans les mois à venir. Le Premier Ministre Sipilä a auparavant exprimé son soutien à l’idée d’une expérimentation menée sous les conseils d’un groupe d’experts.
Le Parti Centriste a‑t-il été un fervent partisan du revenu de base dans le passé ?
Il est dans la tradition du parti de défendre le revenu de base ou l’impot négatif, au moins depuis les années 1990. Mais contrairement aux Verts et à l’alliance de de gauche, qui présentent des calculs très détaillés, les centristes n’ont jamais précisé leur vision du revenu de base qu’il défendait. De plus, le parti a été longtemps discret sur la question. En revanche, l’aile “jeune” du parti collabore régulièrement avec la branche Finlandaise du BIEN pour plaider en faveur d’un vrai revenu de base.
Le soutien du parti au revenu de base s’est fait peau neuve depuis septembre 2014, lorsque le nouveau leader du parti, le Premier Ministre Sipilä a exprimé sa volonté de mettre en place un projet pilote en Finlande. Au même moment, l’influent think tank Sitra a financé un rapport en Novembre 2014, qui a fourni une feuille de route pour la mise en place d’un projet pilote de revenu de base garanti.
Voilà les avancées qui nous ont amené jusqu’ici. Mais les leaders du parti sont encore divisés entre une version inconditionnelle (et universelle) du revenu de base ou une version d’un revenu minimum sous conditions de ressources.
Qu’en est-il des autres partis impliqués dans la coalition au pouvoir actuellement ?
Les autres partis de la coalition (les ‘Vrais Finlandais et et les conservateurs) sont également divisés sur la question, ce qui rend incertaine la possibilité qu’une version “pure” de revenu de base inconditionnel soit testée. Les chefs actuels de ces partis sont malheureusement opposés à l’idée, ou du moins sceptiques, bien qu’il y ait de nombreux partisans parmi les rangs des deux partis.
Par conséquent, même si le Parti du Centre a réussi à inclure le projet pilote de revenu de base dans l’agenda gouvernemental, cela ne fait pas partie des grandes priorités des autres partis de la coalition.
Pour compliquer les choses, le nouveau gouvernement a exprimé son intention d’intensifier les exigences de conditions liées aux droits sociaux, notamment en termes de recherche de travail afin de réduire les coûts du système de protection sociale, alors même qu’il plaide en faveur d’une expérimentation du revenu de base ! Les déclarations faites aux médias reflètent la même ambivalence. Le va et vient schizophrène entre ces deux objectifs incompatibles – expérimenter un revenu de base inconditionnel tout en renforçant la conditionnalité des prestations sociales – rend le futur imprévisible.
Dans un tel contexte, comment se positionnera BIEN Finlande ?
Le réseau du BIEN-Finlande a des liens établis avec plusieurs partis d’opposition (notamment le Parti Écologiste et l’Alliance de Gauche, qui sont de fervents défenseurs du revenu de base). En raison d’accidents de l’histoire, nous avons de plus faibles connexions avec les partis de la coalition au pouvoir, à l’exception d’une poignée de parlementaires, think tanks et de l’aile “jeunesse” des centristes. Nous avons donc eu peu d’influence quant à la planification du projet pilote de revenu de base.
Néanmoins, nous continuerons de proposer notre expertise au gouvernement. Nous suivrons les développements en temps réel, et nous informerons le réseau Européen à mesure que nous en saurons davantage sur le projet pilote à venir.
Merci Otto !
Credit picture : CC Aaronigma
Le revenu universel, cela a déja fait l’objet d’une reflexion par le Grand Orient de France il y a quelques.