Par Robert Jameson
Article original (traduction Fabien Cothenet pour le MFRB)
Et d’ailleurs, qu’entend-on par “bon pour l’économie” ?
Il nous arrive souvent d’entendre les gens parler de ce qui est ou n’est pas “bon pour l’économie”, sans qu’ils précisent ce que cela signifie réellement. Ils font habituellement référence à la seule question de savoir si quelque chose est bon ou mauvais pour les statistiques du PIB, ce dont les politiciens et les médias ont tendance à faire une obsession.
L’économie réelle, cependant, n’est pas un concept statistique abstrait. C’est la vie et les interactions de millions et de millions de personnes réelles. Ainsi, la santé de l’économie dépend en grande partie de la santé et du bien-être des gens qui y vivent.
Si les gens vont bien et que nous ne détruisons pas l’environnement, nous pouvons raisonnablement en conclure que l’économie va bien. Et si les gens vont mal – si leur niveau de vie baisse – et que nous détruisons l’environnement, cela signifie essentiellement que l’économie va dans la mauvaise direction, quoi qu’en disent les statistiques officielles du PIB. La croissance économique, mesurée par l’augmentation du PIB, n’est pas la même chose que la réussite économique. Et nous serions sages de toujours garder cela à l’esprit lors de toute discussion sur ce qui est ou n’est pas “bon pour l’économie”.
Par conséquent, la question de savoir si le revenu de base stimulera ou non le PIB n’est pas la plus pertinente. De façon beaucoup plus importante, il y a de nombreuses raisons de croire que le revenu de base sera bon pour la population ; il est donc raisonnable de dire qu’il sera bon pour l’économie.
Mais le revenu de base pourrait-il avoir un effet stimulant sur l’économie si nous décidions que c’est ce que nous voulons ?
Lorsqu’une économie est en récession ou que la croissance est léthargique, les gens exhortent souvent le gouvernement à stimuler l’activité économique et la croissance, à augmenter les profits des entreprises et à aider les gens à retrouver un travail. Dans de telles circonstances, le gouvernement peut réduire les impôts et augmenter les dépenses pour tenter de stimuler la demande et contribuer à l’accélération de l’économie. Une telle politique peut être qualifiée de “politique fiscale expansionniste”.
Nous devons garder à l’esprit qu’il existe des doutes quant au succès de telles mesures de relance, mais les gens se demandent parfois si le revenu de base pourrait fournir ce type de stimulation économique.
Il est important de comprendre que le revenu de base n’est pas conçu principalement comme une mesure de stimulation à court terme, nous pourrions par exemple vouloir l’utiliser pour nous sortir d’une récession, mais il serait versé aux gens pendant tout le cycle économique et non seulement en période de récession.
Il est tout à fait possible, cependant, que le gouvernement augmente les paiements du revenu de base pendant une période de récession, peut-être seulement de façon temporaire, afin de stimuler la demande et l’économie.
Les circonstances détermineront si c’est la meilleure option ou non. Le gouvernement devra évaluer quantitativement cette option à l’aide du tout dernier modèle économique informatisé et de toutes les variables à jour applicables à la période et à l’économie particulière en question. Il n’y a pas de réponse toute faite. Dans certaines circonstances, le modèle informatique suggérera que l’augmentation du revenu de base pourrait être le moyen le plus efficace de stimuler la demande globale. À d’autres moments, on peut prévoir que d’autres options donneront de meilleurs résultats. Mais augmenter le revenu de base en période de récession est certainement une possibilité.
Il se peut aussi qu’en offrant aux gens une plus grande sécurité financière à tout moment, un système de revenu de base pourrait rendre les récessions moins fréquentes et moins graves.
Le revenu de base pourrait-il également stimuler le PIB à long terme ?
Ce serait possible. Le revenu de base aiderait les gens à faire de meilleurs choix de carrière à long terme et à profiter des possibilités d’éducation et de formation. De cette façon, la productivité et la production pourraient s’en trouver accrues. La main-d’œuvre pourrait avoir un meilleur niveau d’instruction et de formation et les gens seraient plus motivés s’ils pouvaient accéder à des carrières qui les intéressent vraiment.
En outre, le revenu de base peut renforcer les incitations au travail en soulageant la pauvreté. Contrairement aux prestations d’aide sociale soumises à conditions de ressources, les gens ne verront pas leurs paiements de revenu de base réduits lorsqu’ils travaillent plus d’heures et gagnent plus d’argent. Ils ne seront donc plus découragés de trouver du travail ou d’augmenter leurs heures de travail.
Et le revenu de base peut stimuler la création d’entreprises en apportant un soutien aux travailleurs indépendants. Elle pourrait conduire au développement de nouveaux biens et services intéressants, ce qui pourrait stimuler la demande et le PIB.
Par ailleurs, d’autres mécanismes pourraient donner au revenu de base l’effet inverse. Avec un revenu de base pour les soutenir, certaines personnes choisiront de travailler moins d’heures ou de prendre leur retraite plus tôt. Ils peuvent décider qu’ils aimeraient faire d’autres choses de leur vie que simplement produire et consommer toujours plus. Et cela pourrait faire baisser les statistiques du PIB.
Quel sera l’effet général ? En toute honnêteté, je crains que nous ne le sachions pas. Il y a beaucoup de facteurs en jeu qui interagissent. Et nous n’avons que peu de données sur lesquelles travailler, car aucun véritable système de revenu de base n’a encore été mis en œuvre à grande échelle. Toutefois, même avec plus de données, l’effet général à long terme dépasserait les capacités des modèles informatiques, dont même les plus sophistiqués ne pourraient prévoir les effets de façon fiable.
En fin de compte, cependant, il se peut que cela n’ait pas d’importance particulière. Toutes les activités économiques ne sont pas positives et bénéfiques. Nous devrions certainement cesser de nous demander s’il est vraiment dans notre intérêt de nous efforcer continuellement d’obtenir toujours plus d’activité économique et un PIB toujours plus élevé.
À long terme, il est tout à fait possible que nous puissions, en moyenne, avoir avantage à produire moins et à avoir plus de temps pour les loisirs, les activités sociales, intellectuelles et culturelles. Le revenu de base pourra être un élément moteur d’un tel changement. Et si ces changements nous permettent d’être en meilleure santé et plus heureux, le revenu de base pourrait raisonnablement être considéré comme un énorme succès économique, même s’il n’améliore pas nos statistiques du PIB.
Pour répondre à ces questions, BIEN étudie les effets de différentes expériences de plusieurs pays sur l’application de variantes de l’UBI. Malheureusement, leur durée et leur ampleur sont assez faibles (Finlande)
Le revenu de base est-il bon pour l’économie ? Avant de tenter de répondre à une question aussi vaste (que vague), ne devrait-on pas s’interroger sur la pertinence de la question ?
Personne ne soutient que l’allocation de chômage classique est bonne ou mauvaise pour l’économie. C’est une mesure publique qui répond à un des problèmes économiques. Or, le revenu de base n’est qu’une allocation de chômage modifiée. Il n’y a rien à attendre de plus du revenu de base que de l’allocation de chômage classique. Notons bien que lorsqu’un politicien propose une réforme d’une allocation de chômage classique, personne ne cherche à faire des simulations pour en déterminer l’impact économique : le politicien affirme que sa réforme aura un impact positif, ses opposant clament le contraire et c’est l’expérience pratique qui permet de déterminer la forme la plus adaptée de l’allocation.
Maintenant, si l’on veut à tout prix se demander si le RDB est bon pour l’économie, clarifions la question : demandons nous quel type de RDB serait utile à l’amélioration de l’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI). A priori, le RDB y contribue s’il remplit les quatres conditions suivantes :
1° Pas de précarisation sous couvert d’inconditionnalité : Le RDB versé aux personnes sans emploi n’est pas d’un montant moin élevé que les allocations qu’il remplace.
2° Pas de prime effective ou apparente à l’oisivité : Le RDB versé aux salariés déclarés est significativement plus élevé que celui versé aux personnes sans emploi.
3° Facilitation de l’embauche : Chaque employeur reçoit le montant du RDB salarié par salariés déclarés.
4° Plan financier crédible : Il faut trouver un mode de financement crédible. Pour moi, cela signifie un financement aussi défiscalisé que possible, reposant essentiellement sur les recettes fond d’investissement complété par le recours à la monnaie hélicoptère.
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