Les pires ennemis du revenu de base ne sont pas forcément ses adversaires ; ils sont parfois ceux qui le défendent avec la plus grande ferveur, mais utilisent pour cela des mauvais arguments.
Voici un exemple de mauvais argument pour le revenu de base : « On dépense 670 milliards d’euros dans la Protection Sociale [régimes complémentaires de retraite inclus], mais nous n’avons pas mis fin à la pauvreté. C’est pour cela qu’il faut un revenu de base. » C’est un mauvais argument, car il sous-entend que les dépenses de protection sociale sont mal utilisées, et que l’on pourrait faire mieux avec le même budget. Il laisse donc entendre que le revenu de base irait en remplacement de certaines prestations, comme celles de l’Assurance Maladie ou des retraites.
Le MFRB s’inscrit en faux par rapport à cette idée puisqu’il stipule dans sa charte que « l’instauration d’un revenu de base ne doit pas remettre en cause les systèmes publics d’assurances sociales, mais compléter et améliorer la protection sociale existante ». En outre, il ne faut pas surestimer le budget des prestations sociales que le revenu de base viendrait remplacer. Le budget du RSA et de la prime d’activité représente à peine 15 milliards d’euros.
Il est donc faux de dire que le revenu de base permet de mieux utiliser la dépense publique. Non, le revenu de base augmente la dépense publique. Pour autant, il ne réduit que modérément le revenu disponible des contribuables les plus aisés. Certes ils paieront plus d’impôt, mais le revenu de base qu’ils reçoivent peut compenser cette hausse, comme l’explique la vidéo ci-dessous. Par ailleurs, l’éventuelle hausse des prélèvements obligatoires nets du revenu de base peut être compensée par une réduction des coûts administratifs ou par la relance de l’activité économique.
Est-ce alors dramatique que l’on augmente la dépense publique ? Absolument pas, puisque le budget brut d’une mesure comme le revenu de base n’a aucune conséquence économique. Seuls comptent ses effets redistributifs.
Il y a éventuellement une possibilité pour que le revenu de base n’augmente pas la dépense publique. La Comptabilité Nationale pourrait décider de ne comptabiliser que le solde entre le revenu de base perçu par chaque individu et l’impôt sur le revenu payé par chaque individu. Ce solde serait positif pour certains individus – et donc comptabilisé comme une dépense publique – et négatif pour d’autres individus – et donc comptabilisé comme une recette fiscale. En d’autres termes, cela revient à comptabiliser le revenu de base comme un crédit d’impôt, comme le proposent Marc de Basquiat et Gaspard Koenig.
Finalement, ce problème n’est qu’une question d’indicateurs qui n’a aucune conséquence économique. Et on voit bien que l’astuce de considérer le revenu de base comme un crédit d’impôt n’est intéressante que pour ne pas afficher de hausse de la dépense publique.
Toutefois, quel que soit le mode de comptabilité du revenu de base, il faudra veiller à ce que que chaque individu reçoive son revenu de base en début de mois. La proposition de ne verser que le solde entre revenu de base et impôt sur le revenu serait en effet une mauvaise idée car elle ne permet pas de sécuriser la situation des travailleurs au statut précaire et aux revenus aléatoires.
Pour en revenir à la question de la dépense publique, la Comptabilité Nationale peut décider de ne comptabiliser que le solde entre revenu de base et impôt – et ne pas afficher de hausse de la dépense – ou alors comptabiliser la dépense brute et les recettes brutes – et alors afficher une hausse de la dépense publique et des recettes fiscales. Et alors ? Je mets au défi quiconque de me démontrer que cela est un problème.
Aujourd’hui on pourrait tout comptabiliser en solde dans les dépenses publiques : ajouter tout ce qui est donné à un foyer (retraites, allocations) et retirer tout ce qui lui est pris (impôts, cotisations)…pour les foyers où le résultat est positif on inscrirait cela en dépenses et sinon en recettes. Le fameux ratio de 57% (qui n’a aucune signification économique pour cette raison) tomberait alors en dessous de 50%. Néanmoins il faut avoir l’honnêteté de dire que même en comptant les choses ainsi avant et après, les contributeurs nets y perdraient globalement avec le revenu de base ce qui est assez logique. Par contre, en comptabilisant les gains en fonctionnaires et en n’augmentant pas les revenus disponibles par baisse du coût du travail faiblement qualifié, on peut dire qu’il peut y avoir un très fort gain en compétitivité de l’économie.