Pour les chrétiens, le revenu de base pose une question morale : est-il normal de donner sans conditions à son prochain ?
Le revenu de base inconditionnel – ou allocation universelle – propose de lutter contre la pauvreté en remplaçant les aides disparates d’un système fiscal en forme de mille-feuilles par une aide unifiée, versée à tous, sans condition. La faisabilité économique faisant l’objet d’études prometteuses, pourquoi restons-nous hésitants ? Sans doute parce qu’une inquiétude nous taraude : est-ce une incitation à la paresse ? Ne portons-nous pas au fond de nos cœurs la crainte de briser un tabou séculaire : un revenu obtenu sans travail est-il pleinement légitime ? Faut-il encore travailler à la sueur de son front ?
L’inconditionnel, fondement de la logique divine.
Recevoir sans contrepartie : Dieu nous donne de quoi manger
Dès le commencement, Dieu nous donne de quoi manger : « Je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture. » (Gn 1,29). Plus tard, Dieu offre la manne à son peuple (Ex 16,4), et Jésus partage les pains en abondance pour ses auditeurs (Mc 6,30 – 44 ; 8,1 – 10). Il nous invite à prier Dieu le Père en nous tournant vers lui et en lui redisant nos besoins fondamentaux : « donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Cette manne et ce pain ne sont pas un dû à accumuler sans contrepartie, mais un rendez-vous de confiance, d’espérance, d’engagement et de louange à renouveler chaque jour.
L’inconditionnel, source de vie : Dieu se donne en nourriture
Dieu est par excellence le Dieu de l’Amour inconditionnel incarné : il aime tous ses ouvriers, de la première à la onzième heure (Mt 20,12 – 16) ; il accueille tous les invités qui voudront bien venir à son festin (Mt 22,8 – 9‑1) ; il pardonne à tous les pécheurs et nous demande d’aimer nos ennemis (Lc 6,27 – 38). Par amour encore, il va jusqu’à donner son propre Fils en nourriture pour nous donner la vie en abondance. L’eucharistie, pain-de-vie, complète le pain-subsistance-du-quotidien dont nous avons besoin pour nous ouvrir aux autres (reconnaissons qu’il est plus facile d’ouvrir son cœur quand on n’a pas le ventre trop vide.)
Le revenu de base : incitation à la paresse ou appel à se réaliser ?
Notre vocation humaine : porter du fruit
L’homme est un être de relation, appelé à une vocation innée et indélébile à la fécondité et au travail : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et assujettissez-la ; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. » (Gn 1,27 – 28). Cet appel est pour chacun de nous, tel l’appel à aller au-devant adressé à Abraham : une interprétation propose ainsi de traduire l’hébreu « Lech Leka » par « va vers toi, va pour toi ».
Devenir ce que l’on a reçu
La question morale ne doit pas être entendue comme un « que faut-il faire ? », mais plutôt comme une découverte continue de « qui puis-je être ? » pour devenir en plénitude le don d’amour et de vie reçus de Dieu. Ainsi, au docteur de la Loi qui demande « qui est mon prochain ? », Jésus désigne « celui qui a agi avec bonté », le bon samaritain qui me sauve, me relève et me fait être (Lc 10,25 – 37). Remettons les choses dans le bon ordre. Nous ne sommes plus à l’époque où il suffisait de cultiver son potager pour vivre dignement.
Le principe de « destination universelle des biens » fait face au défi de l’explosion des richesses, des populations et des inégalités. Inviter à un partage fraternel et respectueux de la vocation unique de chacun est plus que jamais nécessaire.
Crédits photo Fr.Bessonnet
Là, vu que cet article m’a fait pouffer de rire, je me suis dit qu’il fallait que je lâche un commentaire quand même. Alors comme ça, tout à coup, certains s’intéressent à Dieu ; Dieu dont ils ne se sont jamais souciés durant des décennies. C’est à présent qu’il y a des difficultés que les arguments des Évangiles font le poids, sont les bienvenus pour quelques-uns. Ben dis donc, ça n’est pas l’hypocrisie qui vous étouffent apparemment. Car Dieu a aussi dit, dans le verset 22 du chapitre 18 du livre de Lévitique, qu’un homme ne couchera pas avec un autre homme comme il couche avec une femme. Comme il a dit d’ailleurs de s’abstenir de la fornication dans 1 Thessaloniciens 4;3. Pourtant, l’homosexualité va bon train et trouve toute sorte de défenseur et l’acte sexuel en dehors du mariage est la norme. Et à présent, La parole du Seigneur fait sens et peut même servir pour la justice sociale ?! Mais c’est que vous êtes drôlement marrants ! A qui rappelez-vous les recommandations de Dieu et de Jésus quant à mieux apprécier son prochain contenues dans La Bible ? Est-ce aux miséreux dont vous souhaitez défendre la cause ou est-ce aux puissants qui sont aussi les plus corrompus et qui, chose extraordinaire, savent mieux que vous ce que dit La Bible ? Parce qu’entre nous, vous semblez ignorer ou, oublier une chose. C’est que ceux qui ont le pouvoir politique, financier et industriel ; oui toutes ces choses dont ils usent pour nous tenir à leur service et en esclavage ont délibérément choisi de servir le dieu Mammon voire, carrément, Satan en personne. Aussi, mes bons, j’ai peur que vos tentatives de sensibiliser celles et ceux qui n’ont que faire des humains et de leurs états d’âme soient des coups d’épée dans l’eau. Dieu, lui, il vous voit, vous entend et se soucie réellement de vous. Même, il vous protège et cherche à vous ramener à lui afin que par la foi vous combattiez les démons, la méchanceté et la corruption. Mais les nantis, eux, pauvres, ils n’ont que faire de vos pleurnicheries et encore moins que vous veniez leur dire : ”Dieu a dit…, et Jésus demande que.…”. Non, franchement, vous êtes des monstres d’hypocrisie !
Bonjour,
N’étant pas très religieux, j’apprécie tout de meme beaucoup cet article.
En effet, en France, certaines valeurs sont, inconsciemment, associées au travail (souffrance, repentir, …) et ont pour origine la culture judéo-chrétienne. Je soupsonne que ces associations de valeurs sont à l’origine du blocage que l’on peut avoir avec le revenu inconditionnel. Donc, le fait d’aborder le problème sous l’angle religieux est en quelque sorte un retour au source, qui permettra peut etre de voir le problème sous un autre jour.
cordialement
Dans le livre de Ellul, “pour qui, pour quoi travaillons nous?”, il dit au contraire que s’il y a quelques phrases du type “tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”, il n’y a pas d’idéologie du travail dans la bible et qu’on doit seulement travailler si l’on en a besoin. Bref, il cite pas mal d’extraits de la bible et je pense que a peut être intéressant de compléter l’article avec ce livre.
Réponse à Oscar :
Merci pour votre commentaire. Vous écrivez ” qu’il n’y a pas d’idéologie du travail dans la bible et qu’on doit seulement travailler si l’on en a besoin”
Si vous regardez la pensée sociale de l’Eglise (http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_fr.html) , le chapitre 6 sur le travail humain commence par des aspects bibliques, et rappelle :
1) Le devoir de cultiver et de conserver la terre
2) L’exemple de Jésus qui toute sa vie a été homme de travail
3) Le devoir de travailler : le travail représente une dimension fondamentale de l’existence humaine comme participation à l’œuvre de la création, aux énergies sociales et communautaires.
Dans la même logique, Jean ‑Paul II a rédigé toute une encyclique sur le travail, qui distingue bien son caractère objectif et subjectif : le travail est avant tout pour l’homme, et non l’homme pour le travail.
Quand vous parlez de travailler si l’on en a besoin, le mot travail est ambigu. Car l’homme a besoin de travailler pas seulement pour gagner son pain mais aussi pour s’accomplir et œuvrer dans le monde. Si l’on observe bien la vie en “3 huit” des moines, on y trouve à peu près le découpage auquel nous pouvons réfléchir dans nos vies, même si nous ne sommes pas croyants. Ainsi les 8h de travail, prière et sommeil des moines peuvent être pour nous 8 heures de participation à la vie du monde (sous un mode salarié ou non) , 8 heures de gratitude, émerveillement et don de soi (famille, culture, rencontres,…), 8 heures de pause (sommeil, détente, repas).