Certes, les bénéficiaires de revenus de transfert profitent du travail des autres. Mais n’est-ce finalement pas le cas de tout le monde ? Nous sommes tous bénéficiaires d’une richesse que nous n’avons pas créée : le capital commun.
On entend souvent dire que les bénéficiaires de revenus de transfert sont des assistés et qu’ils vivent des revenus issus du travail des autres.
En disant cela, on occulte le fait que les bénéficiaires de ces revenus de transfert participent aussi à la création de richesse : ils s’occupent de leurs enfants qui seront les travailleurs de demain, ils participent à des réseaux d’entraide, ils sont bénévoles dans des associations ou militent politiquement, ils participent à la vie sociale de la cité, ils travaillent à une œuvre artistique ou ils préparent un projet d’entreprise. Bref, ils participent à des activités qui créent de la richesse, même s’il est vrai que certains restent chez eux à regarder la télévision ou jouer à la Playstation, sans parler des activités illégales.
Une question de point de vue ?
Pour certains, les activités citées ci-dessus ne créent pas de richesse car elles ne donnent pas lieu à un revenu. Pour eux, ne peut être appelé richesse que ce qui est monétisable, c’est-à-dire ce qui a une valeur d’échange. Et souvent, les mêmes croient au « mythe de la contributivité », l’idée selon laquelle il y a et il doit y avoir « équilibre (supposé « de justice ») entre rémunération et contribution productive » (Ferry, L’allocation universelle, 1996).
Les revenus de solidarité seraient des revenus d’assistance reposant sur le travail des autres. Sur le plan comptable, ils ont évidemment raison : ces revenus sont financés par les prélèvements obligatoires, auxquels les revenus du travail sont assujettis. De ce point de vue, il est vrai que les bénéficiaires de revenus de transfert vivent du travail des autres, de ceux qui perçoivent un salaire.
Le travail d’aujourd’hui repose sur l’innovation d’hier
Creusons tout de même un peu plus cette question. Admettons que les revenus de la redistribution reposent sur le travail des autres, et ce d’autant plus qu’ils ont un revenu élevé et donc paient des impôts élevés.
Mais le salaire du travailleur (mettons à part le capitaliste) provient-il uniquement de son travail ? Peut-on dire que son revenu est purement proportionnel à sa contribution à la production de richesse ? Au sein de la même entreprise, si l’ingénieur qui met au point une innovation gagne 10 fois plus que l’ouvrier qui la met en œuvre, cela signifie-t-il que l’ingénieur produit 10 fois plus de richesse que l’ouvrier, alors que le travail du premier serait inutile sans le travail du second ? Cette question fait débat et nous n’y répondrons pas.
En revanche, à l’échelle inter-temporelle, la question prend un sens nouveau. Si l’ingénieur ou l’ouvrier d’aujourd’hui ont un salaire trois fois supérieur respectivement à l’ingénieur et à l’ouvrier des années 1950, serait-ce parce qu’ils produisent chacun 3 fois plus de richesse que leur homologue des années 1950 ? Et si oui, serait-ce parce que le travailleur d’aujourd’hui est trois fois plus travailleur, trois fois plus ingénieux et donc trois fois plus méritant que le travailleur d’hier ?
Il faut répondre oui à la première question et non à la deuxième. Oui le travailleur d’aujourd’hui est trois fois productif. Mais non, ce n’est pas lié à son propre mérite, au fait qu’il travaillerait trois fois plus ou qu’il serait trois fois plus ingénieux.
Si l’ingénieur et l’ouvrier sont plus productifs, c’est justement grâce au travail que leurs homologues ont réalisé depuis les années 1950 : grâce aux routes, aux chemins de fer et autres infrastructures construites depuis lors, aux machines qui font gagner du temps au travailleur et qui ont été mises au point et fabriquées par les travailleurs du passé, et surtout grâce aux savoirs et aux innovations réalisées par les scientifiques et les inventeurs depuis plus de deux siècles.
Cela explique aussi pourquoi, avec le même effort et les mêmes talents, le travailleur dans les pays développés gagne beaucoup plus que celui des pays en développement. Comme aime à le rappeler l’homme d’affaires américain Warren Buffett, « Si vous me parachutez au fin fond du Pérou ou du Bangladesh, vous verrez combien ce talent peut produire dans un contexte défavorable »[1].
Ainsi le travailleur des pays développés aujourd’hui – comme le capitaliste d’aujourd’hui – vit lui aussi sur le travail des autres : celui des ouvriers et des ingénieurs des siècles passés.
Un capital commun à partager
Serait-il alors justifié que la richesse monétaire issue des ces investissements physiques et scientifiques réalisés dans un passé lointain ne soit distribuée qu’aux apporteurs de capitaux (sous forme de profit) et aux travailleurs (sous forme de salaire) d’aujourd’hui, excluant de fait ceux qui n’ont pas de travail rémunéré ?
Non, car ces savoirs et ce capital physique sont un capital commun qui ne saurait être approprié par une minorité sans compensation versée aux autres. Cet argument rejoint celui de Thomas Paine, pour qui l’accaparement des terres productives par des producteurs capitalistes en Angleterre entre le XVIème et le XVIIIème siècle (le mouvement des enclosures) doit donner lieu à une compensation versée à tous, la terre étant un bien commun.
Soulignons ici que ce raisonnement ne remet aucunement en cause la possibilité pour une entreprise de tirer profit d’un investissement productif ou d’une innovation protégée par un brevet, jusqu’à ce que cette innovation tombe dans le domaine public. Il s’agit bien d’investissements et d’innovations scientifiques réalisés dans un passé suffisamment lointain pour qu’ils ne puissent légalement être appropriés par un individu ou une entreprise.
Un revenu pour tous, c’est un droit
Ainsi les revenus de la redistribution trouvent-ils ici une justification autre que celle de la solidarité. Ces revenus sont un droit dans la mesure où les innovations scientifiques et les investissements productifs réalisés dans le passé, tout comme les ressources naturelles, ne sauraient être légitimement accaparés par une minorité. La valeur marchande qu’ils permettent de créer doit donc revenir à tous.
Notre revenu à tous – ceux qui reçoivent un salaire comme ceux qui n’en reçoivent pas – repose sur ce travail passé et ces ressources naturelles. A ce titre, de tels revenus devraient être universalisés sous la forme d’un revenu de base, qui doit être compris comme un droit universel et non pas un revenu de solidarité.
[1] Citation originale en anglais : “If you stick me down in the middle of Bangladesh or Peru, you’ll find out how much this talent is going to produce in the wrong kind of soil.”
Crédits photo : Giuli‑O et Arti Sandhu
Je suis plutôt d’accord avec cet article, cependant : les entreprises privées ne versent-elle pas déjà une part de valeur marchande via l’impôt sur les sociétés ?
Dit autrement : le problème n’est-il pas plutôt que le bénéficiaire de cet impôt est l’Etat plutôt que de le verser directement au peuple sous forme de dividende ?
Très bien ! La Théorie Relative de la Monnaie n’aurait pas dit les choses autrement. Il ne reste plus qu’à creuser le calcul différentiel, et le raisonnement aboutira au résultat recherché !
http://www.creationmonetaire.info/2011/02/quel-montant-pour-le-revenu-de-base.html
Je vote pour. Comme ça demain je pourrai continuer à jouer à la “playstation”, à la différence que je serai payé. Merci M Hyafil.
Il est évident que cet outil ne peut être mis en place qu’en faisant confiance à l’être humain.
Il demande beaucoup de conscience de la part du citoyen.
Extrait marcheversparis.blogspot.fr touche Holande
Merci pour cet article intéressant, mais on peut encore pousser cette réflexion plus loin. Bien sur que ceux qui bénéficient d’un “salaire socialisé” (issu de la cotisation ou de l’impôt) produisent de la richesse. Mais non, il ne créent pas cette richesse en s’appuyant sur un salaire issu de ceux qui produisent dans le secteur marchand. Et le meilleur moyen de l’admettre, c’est de comprendre que si on supprime les retraites par répartition demain, nos salaires nets n’augmenteront pas (le brut sera réduit, la cotisation vieillesse supprimée, la monnaie correspondante sera détruite, et le prix de toutes les productions et marchandises diminuera légèrement).
Notre erreur est de croire que seuls les employés du privé produisent dans le PIB, mais pourtant, cela fait des décennies que l’INSEE reconnait bien comme productrices (de valeur ajoutée) les administrations publiques et les protections sociales (dans les nomenclatures d’activités et de produits) :
http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=1&nivgeo=0&type=2
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=nomenclatures/naf2008/naf2008.htm
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=nomenclatures/cpf2008/cpf2008.htm
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’écart entre le brut et le net n’est pas produit par les employés dans la sphère marchande, mais bien produit par ceux-là même qui en bénéficient… et il suffit de bien comprendre la création monétaire pour admettre qu’en effet, si le PIB a tant augmenté ce dernier siècle, c’est aussi (et surtout) grâce à la cotisation et à l’impôt, qui ne sont pas DU TOUT une taxe sur le travail des autres, mais la reconnaissance de valeur que l’on attribue à l’activité de ceux qui touchent un salaire socialisé (salaire issu de cette répartition, une répartition faite en effet depuis le chiffres d’affaires des entreprises marchandes, puisque c’est le seul moyen d’avoir de la lisibilité sur cette valeur créée par les pensionnés et fonctionnaires).
Toute la production non marchande, bien reconnue par l’INSEE dans le PIB, n’apparaît sur aucun chiffre d’affaire, mais sa valeur est comprise dans le prix des marchandises et donc des productions marchandes (car pour payer un retraité, nous créons bien la monnaie nécessaire à son salaire à vie, ce qui rentre donc dans le prix des biens et services marchands qui permettent de définir un PIB).
Je vais encore passer pour le vilain petit canard… mais au risque de me répéter, je tenais à rappeler que NON, les retraités ou les fonctionnaires ne puisent pas leur salaire sur notre travail. C’est réparti depuis notre salaire brut, oui, et la valeur reconnue de leurs activités ne trouve de visibilité qu’à travers le prix de ce que nous produisons comme marchandises… mais le brut n’est pas NOTRE salaire, c’est uniquement du salaire indirect (et surtout pas de la solidarité nationale ou inter-générationnelle, comme on veut nous le faire croire depuis 50 ans, notamment à travers cette lecture erronée de notre fiche de paie qui devrait plutôt afficher le net et les profits, au lieu d’afficher le salaire direct et indirect, faisant croire à tout le monde qu’on produit cela alors qu’on ne produit concrètement que le net et le profit, pas la cotisation).
Cordialement.
Yvan
http://www.reseau-salariat.info/
L’article est bien, posé et tout.
(j’sais bien qu’on vit dans un pays de droitards de merde, mais y’a rien a faire,argumenter posement, sur des immondices type “assistés”, j’sais pas comment vous faites pour ne pas avoir envie de juste répondre a coup de kalashnikov (c’est ce que ca mérite quand meme, à la base))
bisous
Ah oui dites donc, y’en a qui enfreignent la loi et jouent à la playstation toute la journée(z’ont de la chance parce que le matos chez sony comme chez microchiottes, c’est un peu d’la marde m’voyez ? alors tourner toute la journée, sans surchauffe ? putain de veinards les cocos !! ^^)c’est absolument terrifiant, tous ces oisifs irl, qui sont peut être pas plus productifs ivl, absolutely cataclysmique ! Enfin infiniment moins certes que tout les bankster de la terre, que tous les pervers narcissiques qui détruisent de l’humain en continu, que tout ces sois-disant “entrepreneurs modèle certifiés capitaliste-libéral-compatible” qui ne font qu’exploiter la misère et la détresse humaine tout en détruisant(AUSSI)la planète, à longueur de temps, et qu’on continu d’encenser un peu partout, tel des petits capitaines(des petits caporaux, plutôt)d’industrie en devenir, telles les colonnes vertébrales de l’économie mondiale(on croît rêver !!)…
Jouez ! Jouez autistes ! Jouez délinquants ! Jouez chômeurs-volontaires-fraudeurs-oisifs ! Jouez miséreux à qui on postillonne que leur vie, décidément, “c’est pas zolà non plus hein !?! t’as une bugstation et une connexion internet alors enjoy l’assisté-accro-au-téton-étatique !”, jouez récalcitrants de tout poils, procrastinez votre “dossier”(et les numéro de fichage qui vont avec) de recherche d’emploi, remettez à plus tard votre “insertion” dans une société décidément toujours plus MALADE de tous les côtés, n’ayez pas peur d’être furieusement égoïste devant les injonctions d’un système toxique(le capitalisme)et de ses sordides rejetons idéologiques tels que le libéralisme(et voggle les libertarés, je vous lis tous, certains vont même jusqu’à se dire de gauche, mais je me gausse !! certains parlent d’humanité, de solidarités, quand ils n’ont que les mots dettes et économie à la bouche, ce ne sont pas des humains face au monde, mais des CLIENTS-comme ceux qui font le choix d’aller aux putes oui-face au monde, des foutus et irréductibles CLIENTS, pathétiques ersatz d’humains, porteurs de non-valeurs et de délires productifs oui, mais productifs de souffrances et de voies de garages ! oui désolé les cons mais sur le plan humain, c’est la voie de garages vos idées, à part le revenu de base, et encore, si c’est réellement de “lumières” dans votre genre(si dieu existe, il doit aimer les malentendus)faudrait voir a pas essayer de me vendre vos salades, les seuls bénéfices de votre système, c’est bien pour vos gueules de larbin, ET ENCORE !! parce que vous êtes également des idiots-utiles, des victimes consentantes et collaboratrices d’un système qui vous opprime vous même !! faites donc l’apologie de l’égoïsme à la Ayn Ran(d)ce(qu’on devrait rebaptiser Haine Rance, ca lui irait tellement mieux 🙂 tiens, vous le valez bien ! changez rien surtout ! ^^)… Bref, que ca ne vous empêche pas de promouvoir le revenu de base entre deux parties endiablées amis grand-gameurs, et autres “parasites” assimilés de tout poils, n’hésitez pas a dispenser la bonne parole quand bien même vous seriez schizophrènes !! Vous ne serez jamais aussi fous et hors de propos que tout ces salauds de bien-pensants/mal-pensants hypocrites et autres tarés de tout poils, le revenu de base va dans le sens d’un progrès, dans le sens d’un mieux. A bas la prédominance des chevaliers-blancs à la carnation aussi pure et pâle que leurs vertus, toutes et tous, nous pouvons, chacun à notre niveau et avec nos moyens qui souvent, il faut le répéter, sont bien modestes mais, toutes et tous nous pouvons promouvoir cette solution qu’est le revenu de base.
Ne vous laissez pas démonter camarades-aigris-de tout poils(les glabres aussi ;-)!! 😉
(et quand même, bravo à l’auteur, malgré tout, de m’avoir inspiré ces quelques lignes…)(et ne te sens pas visé, auteur, c’est pas le but ! 😉
[…] Source : Revenu de base […]
Ok avec l’article et le point de vue sur un capital commun qui n’est que l’héritage du capital du passé enrichi par les progrés du présent. Et nous pouvons donc acté le fait que si nous pouvons innover aujourd’hui ce n’est que parce que le travail d’hier à été établi.…
Donc, il devient légitime d’affirmer que n’importe quelle trouvaille, création, innovation ou découverte ne peut exister sans que le capital du passé existe. Et donc, il devient légitime de dire que tout Brevet ou Droit d’auteur ou autre propriété intellectuelle ne peut être attibuée à un seul homme ou entreprise mais qu’il s’agit du fruit d’une simple avancée de L’HUMANITE TOUTE ENTIERE !!!
SUPPRESSION DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE !!!
Tout nouveau système monétaire ne pourra exister que sous cette condition
[…] biens communs, ce que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici. Le revenu de base peut en effet être justifié par le fait que nous disposons d’une propriété commune sur le capital culturel, […]
[…] des biens communs, ce que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici. Le revenu de base peut en effet être justifié par le fait que nous disposons d’une propriété commune sur le capital culturel, scientifique […]