Dans le cadre de la campagne Initiative Citoyenne Européenne pour un revenu de base, le MFRB demande à des organisations, mouvements ou personnes de réagir sur des thèmes mensuels liés au revenu de base. Le thème du mois de novembre étant la Démocratie, nous avons sollicité le collectif Un Projet de Décroissance afin qu’ils partagent leur point de vue.
Le Revenu de Base comme levier vers une décroissance choisie et autonome
par : Collectif Un Projet de Décroissance
C’est à travers nos réflexions sur la Décroissance que nous nous sommes intéressés au Revenu de Base. Notre Décroissance relève d’une démarche volontaire et non d’une réalité subie. Elle ne peut être que démocratique et choisie, comme le rappelle notre slogan : “Décroissance choisie ou récession subie ?”.
La Décroissance questionne notre modèle de société aliéné à la Croissance et nous invite à nous en émanciper. Une Croissance infinie n’est pas possible pour des raisons énergétiques et environnementales de plus en plus évidentes et comprises. Mais elle n’est pas non plus souhaitable d’un point de vue bien-être, vivre ensemble, solidarité ou encore démocratie tant notre système vacille. A travers la Décroissance on entend co-construire de nouveaux modèles de sociétés relocalisés, solidaires et ouverts organisés autour d’autres valeurs comme la convivialité, l’autonomie, l’éco-féminisme ou encore les low-tech.
Dans cette perspective, le Revenu de Base peut jouer un rôle intéressant d’accélérateur de transition en revitalisant la démocratie et l’autonomie. Dans une société de travail sans travail (1), dominée par le profit qui ronge le sens que l’on donne à nos activités, un tel revenu inconditionnel permettrait de recréer de la sécurité économique mais aussi une réappropriation de temps et d’activité choisis. Sortir de la centralité de la valeur travail est une urgence afin d’inventer des manières de produire qui ont du sens, de prendre soin des uns et des autres, de relocaliser nos activités et nos échanges et ce de manière soutenable et juste. Un tel revenu permettrait au citoyen de “vivre pleinement les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité » comme l‘appelait de ses vœux Thomas Paine en 1792. En découplant la notion de revenu de celle de l’emploi, les initiatives autour du revenu de base font bien plus qu’inverser les rapports de force à l'œuvre sur le marché du travail. Elles permettent aussi de laisser du champ et du temps à chacun pour s’investir en démocratie, que ce soit en politique, dans le militantisme ou l’associatif, ou encore dans des alternatives concrètes.
Dans notre approche, une telle proposition permettrait de s’intéresser à la première des Décroissances, celle des inégalités, en particulier en le couplant à la mise en place d’un Revenu Maximum Acceptable et à une réflexion sur des redistributions de capital tant les inégalités sont devenues insoutenables. Une société avec de telles disparités ne peut vivre sereinement la démocratie. Les intérêts des plus riches (tout comme les imaginaires associés) sont tellement en opposition radicale avec les limites physiques de notre modèle "croissanciste" et avec la survie des plus précaires, qu’une approche démocratique sereine basée sur le dialogue constant et les délibérations populaires semble difficile.
Nous allons même plus loin dans nos réflexions sur le Revenu de Base puisque nous souhaitons le coupler à nos réflexions sur une sortie du tout économique, c’est-à-dire une démarchandisation de nos vies, de nos activités, de nos productions, de nos échanges. Ainsi nous proposons une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie. Comme pour le Revenu de Base, elle acte l’accès inconditionnel pour toutes et tous, de la naissance à la mort, à ce que l’on considère démocratiquement comme suffisant pour avoir une vie digne. Cette dotation peut être donnée en droit de tirage sur des ressources (eau, énergie, surface pour se loger ou avoir des activités, nourritures), d’accès à des services (éducation, santé, services funéraires, transport, information et culture) mais aussi en s’appuyant sur d’autres systèmes d’échange non spéculatifs, comme des monnaies locales et dédiées ou encore de la réciprocité, des banques de temps, des SEL’s… L’enjeu est de créer des dynamiques citoyennes de démocratie plus directe et délibérative autour de questions primordiales: que produit-on ? Comment ? Pour quel usage ? En quelle quantité ? Quels sont les besoins de premières nécessités, quelles sont les consommations néfastes, et à partir de quels niveaux ?
En s’inspirant de dynamiques et d’expérimentations enthousiasmantes comme les listes citoyennes aux élections locales ou encore la convention citoyenne pour le climat, une telle dotation serait l’opportunité d’offrir un espace démocratique nouveau, émancipé de l’aliénation à la croissance donc à l’emploi contraint, aux productions inutiles voire toxiques, pour construire une première démocratie. La période de pandémie nous invite à repenser ce qui est vraiment important. Malheureusement, les décisions viennent d’en haut, de manière bureaucratique et technocratique et sous influence des lobbies. Un revenu de base, idéalement orienté vers notre proposition de dotation pourrait, offrir un nouvel espace d’expérimentations pour vraiment exercer l’autonomie telle que la définissait Cornelius Castoriadis. C’est-à-dire qu’un tel revenu de base permettrait la construction d’une société de citoyennes et citoyens à même de s’auto-instituer individuellement et collectivement des limites et de règles de vivre ensemble.
Collectif Un Projet de Décroissance, avec Vincent Liegey, Stéphane Madelaine, Thomas Avenel, Christophe Ondet
(1) "Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c'est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire." Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne (1958)
Initiative citoyenne européenne
« Nous demandons à la Commission Européenne de soutenir activement les pays membres dans l’introduction d’un RBI (Revenu de base inconditionnel) qui assure à chaque personne une subsistance matérielle et l’opportunité de participer à la société ».
C’est mon nouvel engagement social. Déposséder et partager. Jugeons les entreprises pour leurs bénéfices sociales…