Kael ouvrit les rideaux et laissa entrer la lumière matinale dans la pièce. Le rayon de soleil raya la table sur laquelle fumait le café chaud. L’odeur de l’herbe coupée pénétra ses narines, et les oiseaux s’en donnaient à cœur joie depuis déjà plusieurs heures.
Quelques instants plus tard, suivi de sa femme, il prit sa veste dans l’entrée et ferma la porte derrière eux. Après 2 km de marche, ils sonnèrent à la porte de la petite maison.
— Bonjour papa, joyeux anniversaire !
— Merci mon grand, ça me fait plaisir de te voir.
81 bougies furent installées sur le gâteau.
— Va voir ta mère dans le jardin, les petites sont déjà là à courir partout.
Kael était heureux de prendre dans ses bras ses deux petites filles, et d’embrasser chaleureusement son fils et sa belle-fille.
— Dis papi, tu penses que je pourrai faire quoi comme métier plus tard ? J’adore jardiner mais j’aime aussi danser, et je suis bonne en mathématiques aussi. La maîtresse nous a demandé d’y réfléchir pendant le week-end, mais je ne sais pas quoi répondre…
— Eh bien, je pense que tu n’es pas obligée de choisir. Tu peux être tout ça en même temps si tu le souhaites. Ou bien l’un après l’autre. Regarde moi par exemple, j’ai été à la fois ingénieur et artiste, ce n’est pas incompatible, il y a de la créativité dans les deux, et chaque métier se complète finalement. Tu sais, tu as de la chance de pouvoir combiner plusieurs activités qui te plaisent. Ça n’a pas toujours été le cas pourtant. Tu peux demander à ton arrière-grand-père et à ton arrière-grand-mère. Eux ils ont connu le changement. Moi je n’avais que 3 ans quand tout cela a commencé.
La petite fille sauta sur ses pieds, et bondit sur les genoux de son arrière-grand-père.
— Dis, raconte-moi comment c’était avant. Papi me dit que tu as connu le grand changement. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Tout heureux et fier de pouvoir raconter son histoire, le vieil homme, mais toujours bel homme, se prit au jeu de narrer le changement qui avait eu lieu 48 ans plus tôt, en 2020.
— Cela faisait déjà plusieurs années que les gens commençaient à se poser des questions. Après une croissance indéfinie et une amélioration constante de la qualité de vie des gens, de génération en génération, on a soudain connu une baisse du niveau de vie à la fin du XXème siècle, début du XXIème siècle. En tout cas pour les classes moyennes et basses. Les nouvelles générations dont nous faisions partie étaient frustrées. En travaillant autant que nos parents, nous avions moins. La question écologique était partout, les inégalités se creusaient, et les gens ont commencé à ne plus vouloir continuer de courir dans leur roue comme des hamsters.
Sont revenues alors sur le tapis les questions du sens des choses. Le capitalisme mis en place nous avait aidé sur beaucoup de points, mais il reposait sur un principe de consommation accrue et de domination des uns sur les autres. Finalement c’était très animal et normal pour les mammifères que nous sommes, c’est quelque part le cours de l’évolution selon Darwin : il faut être le plus fort pour survivre. Il y avait donc une course incessante, et une comparaison entre les gens : qui avait plus que son voisin, qui avait mérité le plus de confort et le droit de partir le plus loin en vacances. Tout en haut de la pyramide, il n’était même plus question de convertir l’argent en biens. Il n’y avait même pas assez de choses à acheter pour étaler sa richesse. Le chiffre était devenu un résultat et un objectif en soi, une comparaison du pouvoir qu’il fallait garder.
Des courants avaient commencé à naître. On se disait que pour trouver du sens, il fallait retourner le “e” de sens pour qu’il devienne un “a” : on allait être heureux “sans”. Sans la belle bagnole, sans la maison de vacances à l’étranger, sans le téléphone dernier cri. Il fallait revenir à l’essentiel de nos valeurs.
Mais qu’il est difficile de faire marche arrière, d’accepter d’avoir moins. C’est contre-nature !
Et là est arrivée la pandémie du coronavirus. C’était en 2020, ce chiffre miroir, à croire que ça devait arriver à ce moment-là. Ce petit virus se répandait à une vitesse phénoménale, empruntant comme disait l’écrivain Sylvain Tesson les mêmes flux que les transports que nous avions mis en place à travers le monde, pour laisser circuler librement hommes et marchandises, et donc aussi virus.
Et là tout à coup le mot d’ordre fut : “Restez chez vous !”.
Coup de frein à main dans la société de la vitesse.
On est resté confiné chez nous pendant plusieurs mois. Ça n’était jamais arrivé auparavant, surtout à l’échelle mondiale. La Terre était mise sur pause. Un arrêt obligé, bienvenu finalement. Les gens se sont mis à réfléchir, à prendre du recul. Une sorte de méditation à l’échelle planétaire.
Au début ce n’était pas simple de ralentir, on essayait de continuer le travail malgré tout, on gardait le rythme. Et puis il a fallu lâcher prise.
Tout à coup on redécouvrait les plaisirs de passer du temps ensemble en famille. Ce n’était pas évident pour tout le monde, il a fallu réapprendre. Et puis les gens sont devenus maîtres de leur temps. Certains ont même eu la chance, comme ton arrière-grand-mère, qui avait eu le droit au chômage partiel, de travailler quand elle le souhaitait. Uniquement quand elle y prenait du plaisir, pour faire avancer des projets, mais il n’y avait plus d’échéance.
Ce fut difficile au début pour elle.
— Oh oui !, dit-elle. J’avais été habituée à bien travailler à l’école, à répondre aux demandes de la société et aux attentes que les autres avaient vis-à-vis de moi. Cette option de ne travailler que pour le plaisir me parut comme un immense cadeau. Et en même temps on ne change pas de logiciel comme ça du jour au lendemain. Si je ne faisais plus les choses par obligation, en répondant à l’injonction “il faut”, qu’est-ce donc qui déterminerait telle ou telle action à tel ou tel moment ? Finalement il fallait que je revienne à l’écoute de moi-même, de mes envies, de mes besoins.
À cette époque on sentait déjà l’envie de changement de société. Une série faisait un carton à travers le monde et surtout pour les jeunes générations : La Casa de Papel. Elle faisait écho à cette envie de changement de système, de révolution qui naissait dans le cœur des gens. Sauf qu’en étant confinés, il n’y avait pas de mouvement possible dans le sens de manifestations comme cela s’était toujours passé. On a alors fait une révolution d’un tout autre genre : une révolution intérieure.
C’est chacun qui a dû remettre en cause son propre système de fonctionnement.
C’est chacun qui a pu faire le bilan de ce qui lui manquait ou pas de ce monde laissé derrière soi. C’est chacun qui a pu redécouvrir des loisirs perdus, des moments de joie, les personnes autour de soi, et souvent à commencer par soi-même.
— Mais alors, dit la petite fille, comment vous avez fait pour changer les choses si vous étiez obligés de rester chez vous ?
— Nous avions déjà ce magnifique outil qu’est Internet, répondit Malo.
— Oui, renchérit Laura en remettant en place sa tresse de longs cheveux blancs. En fait, avec l’obligation de rester chez soi, il y a aussi eu le droit de rester chez soi, sans culpabilité, sans peur pour la plupart grâce au chômage partiel. Les conditions de sécurité et de libre disposition de son temps étaient en place. C’était une sorte d’expérimentation grandeur nature du concept de Revenu universel de base. Plusieurs essais avaient déjà été faits dans des endroits précis et sur des durées déterminées. Mais là, du jour au lendemain, on voyait ce que ça donnait à travers des centaines de pays. Cette idée déjà dans les tuyaux est donc revenue sur la table de façon à être considérée vraiment sérieusement, et pas seulement comme une utopie, mais comme un plan d’action réaliste pour le futur. Un projet soutenu par la Commission Européenne vit alors le jour. C’était effectivement à l’échelle de l’Europe qu’il fallait commencer à agir, ensemble. Une pétition qui circulait sur Internet a alors réuni des millions de signatures allant dans ce sens. Comme quoi on trouve toujours une façon de se réunir, que ce soit de façon virtuelle ou physique. Et après de nombreux débats, réflexions philosophiques, sociales, éthiques, économiques, le revenu de base fut instauré à l’échelle européenne. Et cela ne tarda pas à suivre dans les autres pays du monde.
Malo reprit :
— En fait ce qui a permis de convaincre les sceptiques, c’est ce qu’on voyait en temps réel. Les gens étaient payés à rester chez eux. Ils auraient pu s’avachir dans leur canapé et regarder la télé toute la journée, vivre comme des parasites. C’est peut-être ce qu’on fait certains, et cela a peut-être permis à certaines personnes de ne pas traîner dans la rue et faire des bêtises. Ne rien faire était finalement préférable que de faire des conneries, d’un point de vue de la société. Mais pour beaucoup d’autres, il y a eu des mouvements d’entraide qui se sont mis en place, pour soutenir les soignants dans les hôpitaux notamment. Certains ont préparé à manger pour les médecins, d’autres ont cousu des masques de protection, d’autres ont réparé leurs scooters pour qu’ils puissent se rendre à leur travail…
Les voisins se sont découverts et se sont parlé depuis leur balcon, leur fenêtre. Chacun prenait des nouvelles des autres.
Et surtout on s’est rendu compte que notre humanité était très créative !
Avec le système D, les musiciens ont fait des concerts en live sur Internet depuis leur chambre, un tas d’humoristes ont aspergé la toile du web de blagues et de réflexions, de parodies musicales, cela peut paraître dérisoire, mais ça a maintenu le moral des troupes ! De nombreux talents se sont dévoilés.
En fait les gens avaient envie de créer, de participer à leur communauté. Et avec l’envie, le plaisir, venaient la fierté, le partage. Ces nouvelles valeurs mises en avant, on s’est rendu compte que les personnes étaient beaucoup plus efficaces dans les tâches qu’elles accomplissaient. Et il leur restait du temps libre à partager.
Finalement chacun prenait plus SA place. Et comme un immense puzzle qui se construisait, chaque personne trouvait son talent et contribuait à dessiner la grande image de la nouvelle société.
Alors certes comme toujours il y eut des individus qui voulaient avant tout avoir le pouvoir sur les autres. Mais finalement en utilisant leurs talents d’organisation et de vision, ils s’avéraient être de très bons leaders de groupes, en apportant leur pierre à l’édifice et en ayant leur propre satisfaction de réussite.
Bien-sûr, on ne trouve pas SA place du premier coup, et il faut d’abord faire des essais, expérimenter des métiers, des actions différentes avant de trouver ce qui nous va. Et cela était enfin rendu possible grâce au revenu de base. On pouvait ainsi décider de changer de métier sans craindre pour son loyer ou ses courses. De fait, les gens ne sombraient plus dans la dépression ou le burn-out. Il n’y avait plus ce moyen de pression sur les employés.
Beaucoup d’entreprises ont été créées, on avait éliminé une grande source de peur, et donc cela laissait la place à la confiance et à l’envie.
On a alors commencé à faire nos choix par un élan positif d’évolution et non par crainte.
Et cela a changé toute la dynamique de la société !
Quelque part c’était la suite logique de notre évolution en tant qu’humains. Après avoir survécu à la période chasseurs-cueilleurs, nous avions eu la sécurité de nourriture grâce à l’agriculture. Puis nous avions créé des hôpitaux afin que tous puissent avoir accès au soin. Puis ce fût l’école, qui a donné une éducation à chaque enfant.
Une fois acquis le confort sur tous les plans de base de la pyramide de Maslow, nous pouvions tenter l’ascension jusqu’à l’accomplissement de soi. Nous avions tous les moyens en place pour le faire, pourquoi s’en priver ?
— C’est ainsi que nous avons pu faire plusieurs activités en parallèle, plusieurs métiers à la fois. Ces croisements n’ont fait qu’enrichir chaque profession, en apportant de nouvelles idées, en brassant les inventions, en utilisant de nouvelles techniques. La créativité était au cœur de cette nouvelle société. Or on sait tous que, pour créer, il faut du temps d’inspiration, de maturation, de réalisation, enchaîna Malo. Il fallait donc reprendre le temps d’aller au bout des choses, et non plus penser en termes de rentabilité. Il en allait du résultat et de sa qualité.
— Je me souviens que ce n’était pas simple pour vous au début, intervint Kael. Vous étiez tiraillés par la culpabilité, vous ne vous autorisiez pas forcément à être qui vous êtes, à être heureux en somme. Plus de trente années de formatage avaient laissé des traces.
— Oui, et pour ça tu nous as bien aidés, toi, du haut de tes trois ans, répondit Laura. On s’est inspiré de toi, on prenait exemple sur ton comportement. Tu savais prendre soin de toi, tu t’installais bien sous des couvertures quand tu étais fatigué. Tu écoutais ton corps. Tu osais demander ce dont tu avais besoin. Tu étais notre petit sage de la maison et nous devions réapprendre en même temps que toi. Nous avons grandi ensemble finalement.
— Après, bien-sûr, pour mettre ce revenu de base en place, il a fallu créer de nouvelles institutions, un nouveau cadre, expliqua Malo. Il ne fallait pas qu’avec un revenu pour tous de 1 200 euros nets, tous les prix augmentent d’un coup et qu’on se retrouve avec la même problématique simplement 1 200 euros au-dessus, avec les mêmes écarts et difficultés du quotidien. Il fallut donc cadrer ces prix.
— Avec ce retour à nos valeurs, l’écartement de l’insécurité financière, l’écoute de soi et les relations vraies aux autres, ainsi que la créativité, une autre notion a refait surface : la spiritualité, ajouta Laura. Ce phénomène est surtout arrivé par les femmes, plus à l’écoute de leur intuition peut-être que les hommes, en tout cas au début. Après des millénaires de sociétés construites par les hommes de façon pyramidale, basées sur la domination et les rapports hiérarchiques verticaux, les femmes, qui ont tout à coup eu la place dans le champ politique et sociétal, ont proposé de nouvelles façons de manager les équipes en entreprise, de façon plus horizontale, où chacun se complète pour former une équipe pluridisciplinaire basée sur l’écoute et la communication, orientée vers l’objectif commun. Réussir à plusieurs apporte une gratification souvent supérieure à la seule réussite personnelle. Car on peut partager la réussite, se remémorer le parcours, s’entraider dans les creux de vagues.
Mais comme le dit Yona Friedman dans son petit livre “Comment vivre avec les autres sans être chef et sans être esclave ?”, ce mode de fonctionnement marche pour de petits groupes de maximum 16 membres. Il y a donc eu de nombreuses petites sociétés et communautés qui se sont formées à cette échelle-là. Au-dessus de ce chiffre, pour une question d’organisation et de transmission des informations dans le groupe sans perte de données, il fallait une structure pyramidale. Mais avec un chef bienveillant. La bienveillance était le mot d’ordre, la clef de voûte de ce nouveau système. Avec la bienveillance venait l’acceptation. Des autres, de soi, de la réalité. Sans cette ouverture aux différences, sans cette vision réaliste et objective des choses, on ne pouvait pas être bienveillant de façon pure.
Mais pour atteindre cet état de bienveillance, il fallait s’être débarrassé de ses frustrations, remords, sentiments d’injustice, qui nous polluaient auparavant.
Ce fut le grand chantier de ce début de XXIème siècle.
Psychothérapies, coaching, méditation, hypnose, de nombreux outils pouvaient aider à faire ce travail, et chacun pouvait choisir sa méthode. Parfois rien de tout cela, simplement la contemplation d’un paysage, l’écoute de musique, la lecture, les discussions entre amis, le sport… Peu importe le chemin finalement, mais les gens sentaient qu’il fallait emprunter cette direction pour que la nouvelle société puisse fonctionner.
Certes, tout le monde n’a pas voulu suivre ces routes, et ce n’est pas grave. Il faut respecter la diversité des parcours.
Mais un nombre suffisant de personnes a pu faire ce chemin, et cela a permis à notre nouveau système de s’installer, et de durer.
Comme Gilles Clément me l’avait appris à l’école, nous devions, en tant que paysagiste (c’était mon métier déjà à cette époque), écrire, inventer une utopie, pour pouvoir imaginer le futur au-delà des barrières de l’existant, et utiliser l’imagination pour donner la direction à prendre. D’ailleurs nous passions notre temps à sauter par-dessus des clôtures pour découvrir des terrains en friche, et imaginer les futurs paysages de nos villes. Lors d’un projet, lorsque nous étions coincés dans la résolution d’une problématique, la cohérence d’un espace, nous devions toujours dézoomer, et la solution était plus loin, ailleurs, et apportait un autre élément qui venait résoudre le problème sur lequel nous étions focalisés. Ce confinement fut donc le point de départ de ce dézoome.
Alors, comme l’a si justement bien décrit Cyril Dion dans son “Petit manuel de résistance contemporaine”, il fallut inventer un récit. Le changement vers une nouvelle ère devait passer d’abord par les idées, par un imaginaire commun, un récit auquel pouvoir s’accrocher.
Dans cette optique, le MFRB (Mouvement français pour le revenu de base) avait lancé un appel à candidatures pour que chacun puisse écrire une nouvelle, et ainsi ils avaient amorcé le mouvement et donné la place, la possibilité et l’espace d’écrire ce récit.
Une femme américaine de la fin du XIXème siècle avait déjà porté ce discours : Florence Scovel Shinn. Elle était à la fois artiste, illustratrice de livres, enseignante, écrivaine. Et elle a écrit un court manuel qui résume déjà beaucoup de choses dans son titre : “Tu attires ce que tu imagines”. Il fallait donc déjà commencer par imaginer, sans contraintes, de façon fluide et libre, le monde dans lequel nous voulions vivre, les personnes que nous voulions devenir.
Ce premier acte d’imagination était le premier acte de notre révolution.
C’est ainsi que nous pourrions être créatifs et progressistes, plutôt que simplement destructeurs et revendicateurs.
C’est ainsi que nous pourrions sortir de notre rôle de victimes râleuses, et devenir les acteurs de notre vie. Cet appel, le chanteur et rappeur Kery James l’avait déjà maintes et maintes fois lancé dans ses chansons puis ses films en s’adressant d’abord aux jeunes des banlieues, mais finalement ce message s’adressait à toutes et à tous.
Alors comment trouver la force de s’élever, et d’élever ainsi petit à petit, par spots éparpillés dans le monde, l’Humain, et l’humanité ?
En utilisant les mêmes méthodes que ce virus.
En propageant les idées, les options, les potentialités, les rêves, les envies, les utopies.
D’abord petit à petit, avec nos proches, puis comme des neurones qui créeraient des liens avec d’autres neurones, enrichir le système de pensée.
Le risque aurait été de s’enfermer dans des discours et des réflexions. Mais nous avons su poser des actes rapidement. Les politiques se sont rendu compte qu’ils pouvaient agir et non pas simplement subir, comme le décrivait bien Sylvain Tesson dans son article “Que ferons-nous de cette épreuve ?”. Certains ont donc eu le cran de le faire.
Après, c’est en expérimentant, en vivant ce nouveau cadre au quotidien que nous avons pu l’ajuster, le réformer, le perfectionner. Il fallait rester attentif, comme on prend soin d’un nouveau-né, comprendre ses besoins, avoir confiance en ses capacités, lui donner les clefs d’apprentissage.
Dans ces moments-là de transition, nous avions besoin de guides. Mais nous avions également de par l’Histoire peur de ces guides qui peuvent vite devenir des charlatans ou des dictateurs.
Comme une des chansons du groupe de métal symphonique finlandais Nightwish, nous avions espéré avoir un ange gardien pour nous guider : “I wish I had an angel”.
C’est là que la spiritualité a joué un grand rôle dans cette transition. Certains se sont rapprochés de leur religion familiale, d’autres se sont rapprochés des mythes et légendes, certains se sont reconnectés à la mère Nature, d’autres à leur foi en la science, d’autres en l’humanité.
Dans tous les cas il s’agissait de combler le vide de nos existences, de retrouver l’essence de nos êtres. Ou plutôt les sens de nos êtres.
Ces forces nous les avons trouvées en nous, et autour de nous, en nous rendant compte que cette évolution intérieure était commune à de nombreux êtres humains.
La petite fille n’avait pas tout compris. Mais elle se dit qu’elle aussi allait expérimenter cette nouvelle vie en grandissant, elle aurait donc tout le temps de découvrir et comprendre les détails de ces nouvelles règles du jeu. Sûrement qu’elle aussi pourrait en inventer d’autres encore.
Pour l’instant, ce qu’elle avait retenu, c’est qu’elle avait le droit de choisir qui elle voulait être, et qu’elle pouvait être plusieurs à la fois. Cela la ravit, et elle courut dans le jardin rejoindre son frère.
Pour l’instant l’heure était à la construction d’une cabane.
morgane.ilin@laposte.net
Ah ! Qu’il est doux d’imaginer que les grands-parents pourront transmettre suffisamment de valeurs positives pour que la génération à venir sorte l’humanité pléthorique de l’impasse où nous l’avons précipitée ! Spiritualité, bienveillance, solidarité… prendre son destin en mains… tout ça naîtrait des confinements à répétition imposés par la pandémie en cours ? Imaginer, c’est facile… mais créer du réel avec ce virtuel, créer une nouvelle réalité, une société planétaire viable, durable, compatible avec le biotope, à partir d’un agrégat de près de huit milliards d’égocentriques tétanisés par la peur de la mort ? Vouloir vivre plusieurs vies dans la même, belle pirouette pour vivre plus ! Satisfaire tous ses désirs, pour servir la collectivité, belle destinée pour survivre dans la reconnaissance des descendants ! Merci de finir par cette image terrible, si anthropocentrique, si essentielle, synthétisant ce que fait l’homme : une cabane construite dans un jardin… alors que la planète n’est pas un jardin mais le lieu unique du processus de vie et de toutes les formes nécessaires à sa pérennité. Merci de dire, implicitement, que le revenu universel… c’est la planète qui le budgète.
Eh, oui,
“Ce premier acte d’imagination était le premier acte de notre révolution”.
C’est bien pour remettre les “imaginatoires” en branle que le MFRB à initié ce concours.
La nouvelle de Morgane Ilin de tendance “décroissante” dessine les grandes lignes d’un futur possible et nécessaire.
Alain Véronèse.