Grâce au soutien de nouveaux partenaires financiers, le projet pilote lancé en 2008 dans le village de Otjivero en Namibie peut reprendre les versements aux habitants.
Reportage depuis la Namibie par Simone Knapp pour 02elf.net. Traduction : Sébastien Désautel
« Je pensais qu’on nous avait oublié, mais maintenant, tout est à nouveau possible ! » se réjouit Rudolphine Eigowas, au moment d’apprendre le 9 mai dernier que de nouveaux fonds sont disponibles pour la poursuite du projet de revenu de base inconditionnel dans le village namibien de Otjivero. « Nous avions perdu l’espoir et nous étions très contrariés, mais maintenant il va y avoir des changements une nouvelle fois ».
Depuis juillet 2013, le revenu de base du projet pilote, qui avait déjà été réduit à 80 dollars namibiens (environ 6 euros) à la fin du projet, ne pouvait plus être payé aux habitants du village car les fonds manquaient. C’est l’Église évangélique vaudoise basée en Italie et son fonds « Otto per Mille » (« 8 pour mille ») qui vient de prendre le relais. L’Église luthérienne évangélique de Namibie « ELCRN », promoteur local du projet, a ainsi pu annoncer la poursuite du versement pour une année supplémentaire – et ce avec le montant initial de 100 N$.
Aujourd’hui, les quelques 950 habitantes et habitants du village déjà enregistrés pour le projet pilote ont pu aller chercher leur revenu de base à la poste locale.
« Les habitants faisaient déjà la queue à 7 heures ce matin alors que la poste n’ouvre qu’à 8 heures », rapporte Rudolphine Eigowas à Christian Sandner (Église évangélique de Rhénanie) et Ute Hedrich (MÖWE Westphalie), les représentants sur place avec Simone Knapp (KASA – Kirchlichen Arbeitsstelle Südliches Afrika) des organisations partenaires allemandes. Ils étaient accompagnés de Wilfried Diergaardt de l’ELCRN, coordinateur actuel de la coalition BIG (Basic Income Grant) en Namibie.
L’expérience positive du projet pilote mené entre 2008 et 2009 à Otjivero, tout comme celle du programme d’urgence de la fédération luthérienne mondiale pour les victimes des inondations dans la région du Kavangoland – qui prévoit également une aide financière de 100 N$ en lieu et place d’une aide matérielle – montrent clairement ce qu’il advient lorsque les gens peuvent choisir d’eux-mêmes la manière dont ils veulent améliorer leurs conditions de vie. Avec ces exemples, on espère désormais un changement de politique qui apporterait la mise en place d’un revenu de base inconditionnel et universel pour tous les citoyens et citoyennes de Namibie. Même l’ONU presse le gouvernement Namibien de le faire.
« Grâce aux fonds de l’Église évangélique vaudoise, nous avons désormais une année supplémentaire pour renforcer notre travail de plaidoyer en Namibie et en Europe et pour veiller à ce que ce changement politique ait lieu bien concrètement en cette année électorale », souligne Simone Knapp de la KASA. « Nous devons nous assurer que la coalition et le secrétariat du BIG aient également suffisamment de ressources pour intensifier leur lobbying. Les dons venant d’Europe pourraient également servir à cela ». Pour beaucoup d’habitants du village, le jour du versement tombe très bien : « Les parents des enfants inscrits aux écoles secondaires à l’extérieur d’Otjivero étaitent les premiers à faire la queue pour chercher leur revenu de base ce matin », rapporte Frida Nembwaya. « Car aujourd’hui c’est le début du trimestre et de nombreux parents n’avaient pas encore réuni tous les frais de scolarité, d’internat et de transport. »
Rudolphine Eigowas n’est pas la seule à avoir eu l’espoir d’une amélioration à Otjivero. La clinique a mis en place une liste de tous les patients qui n’avaient pas assez d’argent pour des petits soins, mais qui tenaient à les rembourser aussitôt le revenu de base versé.
Les magasins qui ont été créés juste après l’introduction du revenu de base ont particulièrement souffert de l’arrêt des versements : le chiffre d’affaires de ‘Sella Nuses’ par exemple est tombé de 5000 N$ à 1400 N$ pendant cette période. De nombreux clients viennent aujourd’hui demander un crédit mais Sella ne peut pas le leur accorder, car elle a besoin des recettes pour acheter son stock. Les magasins comme celui de Sella sont tributaires de l’argent qui circule dans le village.
Mais il y a aussi d’autres exemples qui montrent que la mise en place du revenu de base peut avoir des effets durables sur les revenus des habitants du village. Uno Molelekeng vivait déjà à Otjivero lors du début du projet – aujourd’hui, le jeune homme a un travail de consultant à la clinique locale pour les patients atteints de tuberculose. Au moment d’aller chercher son revenu de base, il tient sa petite fille fièrement dans ses bras. « C’est son argent, que je viens chercher, je peux le mettre de côté ! » Et il n’est pas le seul à avoir trouvé un emploi pendant le projet pilote.
Une enquête sur ces derniers mois sans revenu de base est actuellement en cours d’analyse et devrait apporter des conclusions plus précises sur cette période.
Crédit photo : BIG Namibia
[…] 2007 et décembre 2009 une expérimentation de revenu de base dans les villages Otjivero et Omitara grâce au soutien de dons privés. 80 puis 100 dollars namibiens (environ 8 à 10 euros) avaient été distribués mensuellement aux […]