Bientôt 10 ans que je sillonne la manif du 1er mai avec l’idée du revenu de base, et les réactions ont bien changé !

En 2013, lors de la création du Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB), les syndicalistes et partisans de gauche étaient très méfiants : difficulté à dé-corréler le revenu de l’emploi, soupçon d’outil capitaliste, méfiance envers « les gens » qui sont fainéants, peur de perdre les acquis sociaux et les luttes collectives…

Aujourd’hui, seules 2 manifestants sur les 50 que j’ai interrogées, tous âges (de 18 à 66 ans), étiquettes et genres confondus, se méfient du RdB.

5 ont refusé de signer l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) sur le revenu de base, par manque de confiance dans l’outil et dans l’Europe.

Et les 43 autres ont signé des deux mains.

Tour des bonnes raisons.

1 : Expérimenter pour rassurer sur les effets d’un revenu de base

Plusieurs personnes connaissaient déjà quelques expérimentations (voir la carte des expérimentations) et la plupart étaient déjà convaincus par l’impact bénéfique, individuel comme collectif. Passer par une phase d’expérimentations leur semblait intéressant pour non seulement relancer le débat, mais aussi rassurer les gens en étudiant les effets du revenu de base sur différents territoires, publics…

2 : Vers une Europe sociale

La dimension européenne de l’ICE a suscité plusieurs réflexions aussi notamment sur le fait d’harmoniser les niveaux de vie entre les États membres, grâce au revenu de base, ce qui renforcerait la conscience individuelle et collective d’être des citoyens européens. Certains le voient aussi comme un outil de transition vers une vraie Europe sociale, qui sécuriserait ses habitants, amortissant ainsi les effets des crises et des conflits.

3 : Éradiquer la pauvreté et la précarité

Évidemment, tous ont dénoncé les régressions sociales actuelles et certains même ne se satisferaient pas d’un RdB au niveau du RSA (environ 575€ pour une personne seule [1]), même s’il soulageait les allocataires (ni démarches, ni stigmatisation, ni heures de travail, visibilité au-delà de 3 mois…). Un manifestant dénonçait les privations que s’imposent les allocataires du RSA : « pas les moyens de se chauffer, de sortir avec des copains, aller au ciné, constituer une épargne pour devenir propriétaire ou payer les études des enfants… »

Le montant proposé ? Au moins le seuil de pauvreté, pour pouvoir se passer d’emploi, en refusant ou négociant les conditions de travail. Et l’affirmation que l’égalité des droits doit se doubler d’une certaine égalité des moyens de vivre. Exemple « d’un gamin de 18 ans qui ne peut pas se payer ses études » et témoignage d’étudiantes : « On ne peut pas bien étudier quand on ne peut pas se chauffer, manger à notre faim… ».

Au-delà de l’urgence individuelle, la plupart voient dans le revenu de base un levier pour réduire les inégalités, pour partager les richesses : « comme une égalité de base, au-delà du patrimoine, de la culture … »

4 : Amortir les transformations du monde du travail

Défendant tous de meilleures conditions de travail, les manifestants étaient sensibles à l’impact sur les relations entre employeurs et salariés. Partant du principe qu’il n’y a plus assez de travail pour tous, dans le système actuel, le revenu de base leur apparaît comme l’outil efficace d’une transition qui détruirait les bullshits job (“boulots à la con”), toxiques pour l’humain comme pour la planète … « sans mettre des gens sur le carreau ».

Le revenu de base est donc un levier de négociations salariales… mais aussi domestiques ! Un manifestant a développé l’idée que, comme dans un couple les 2 percevront leur RdB et auront donc leur sécurité matérielle individuelle, la femme pourrait revendiquer une meilleure répartition des tâches ménagères !

De même, avec la montée du télé-travail qu’il faut légiférer pour mieux assurer le consentement du salarié, le revenu de base accompagnera une plus grande souplesse (choisie cette fois !) entre les sphères privées et professionnelles, avec des espaces diversifiés comme les Tiers Lieux, un temps de travail et des horaires adaptés à la vie de famille, … tout cela négocié collectivement ET individuellement. Chacun aura plus de marge de manœuvre pour prendre soin de ses Risques Psycho-Sociaux, et les expérimentations nous montrent qu’il y a moins de maladies professionnelles et d’accidents du travail !

5 : De la valeur travail à la transition écologique

Tout le monde s’accorde à dire que le « travail », en soi, peut nourrir nos besoins de se sentir utile, de créer des liens, d’apprendre, de bouger, de donner un sens à sa journée et à sa vie…

La plupart des manifestants réclament aussi un « droit au travail » ou « un travail pour tous » et précisent qu’il doit être décent, utile, bien payé… et dans le cadre d’un contrat moral entre citoyens que chacun contribue à la hauteur de ses moyens et reçoit à la hauteur de ses besoins.

La « valeur travail » ici quitte le sens très capitaliste de « valeur emploi subordonné à un patron qui peut faire du chantage à la faim ». Ainsi, le RdB permet de reconnaître la contribution de nombreuses formes d’activités : domestique, bénévole, artistique, soins aux proches, éducation des enfants… et même soin de soi, formation, culture…

Plusieurs personnes sont allées plus loin en évoquant la transition écologique indispensable et en voyant, dans le RdB, un outil vital pour sécuriser les salariés ou entrepreneurs le temps d’une réorientation professionnelle, d’une formation vers l’agriculture soutenable, la rénovation thermique, l’accompagnement aux personnes… mais aussi plus largement la santé, l’éducation, les services publics en général… La destruction d’emplois due aux transformations numériques et à la suppression d’emplois toxiques sera compensée par d’autres secteurs essentiels.

Concluons avec cet appel : signez l’ICE sur notre site revenudebase.info/ice et faites grandir l’idée du revenu de base pour réenchanter notre imaginaire et reprendre le pouvoir sur nos ambitions sociales, écologiques et démocratiques !

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[1] Barème RSA – caf.fr