Que feront de leur revenu de base les militant(e)s qui se sont levé(e)s ce 1er mai pour manifester ? Et comment définissent-ils la Valeur Travail ?
Voici un florilège de témoignages, tous aussi riches et percutants les uns que les autres : de quoi décoloniser nos idées !
Elle, retraitée de la culture, craint qu’un revenu de base soit détourné pour réduire encore les droits, tant au travail que pour les minimas sociaux et l’accompagnement professionnel… Elle regrette que la valeur Travail soit autant mise en avant car l’utilité sociale est réduite aujourd’hui au fait d’avoir un emploi. Mais l’émancipation ne passe pas que par le travail ! Elle évoque le régime des intermittents du spectacle qui permet d’avoir des périodes rémunérées sans emploi et qui gagnerait à être automatisé… jusqu’à l’instauration d’un Revenu de base 😉
Lui, 53 ans, salarié d’une association…s’engagera encore plus avec son revenu de base, dans d’autres structures. Il pense que les Jeunes surtout ont besoin et ont droit au revenu de base, pour avoir plus de temps pour choisir leur vie plutôt que de la subir. Pour lui, les mots Valeur et Travail sont totalement opposés car le travail est un moyen de subsistance et au mieux d’épanouissement mais pas une valeur comme la solidarité par exemple.
Elle, 42 ans, travaillera toujours car ça fait partie de ses valeurs et qu’un métier est non seulement un moyen d’indépendance pour les femmes, mais aussi d’épanouissement individuel. Donc, tant qu’elle aura la santé, elle travaillera ! La Valeur Travail est donc cette capacité à subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, sans dépendre de qui que ce soit. Et selon la situation de chacun.e, si on aime son métier, une source d’enrichisssement personnel.
Lui et elle, 24 et 22 ans, auront plus de temps pour leurs loisirs comme le sport, écrire, lire, faire de la musique ou voir leurs potes. Mais ils continueront à travailler pour se réaliser, rencontrer des gens même si les liens sont moins proches. Lui se réfère à Marx pour définir sa Valeur Travail : c’est ce qu’on réussit à faire quand on est libéré de toute aliénation. A ce titre, il reconnaît ce pouvoir au revenu de base 🙂 Il évoque aussi le livre de Simone Veil La condition ouvrière où un emploi est aussi source de reconnaissance.
Elle, retraitée, donnera plus à ceux qui en ont besoin car les minima sociaux sont insuffisants aujourd’hui pour vivre. La Valeur Travail est pour elle un mode d’expérience sur sa vie : soit on le subit car on n’a pas choisi son emploi, on rejoint alors ceux pour qui « travailler plus, c’est gagner moins » et on entre dans le cercle vicieux d’aujourd’hui ; soit on peut choisir son métier et on s’y épanouit.
Elle, 55 ans, travaille dans la santé et voit aussitôt comment elle-même pourra prendre soin de sa propre santé ! Moins d’angoisse pour le lendemain, les moyens d’acheter une nourriture plus équilibrée pour se requinquer moralement et physiquement !
Sa collègue, 47 ans, pense que l’argent ne fait pas le bonheur, mais qu’il peut y contribuer ! Notamment en diminuant le stress de la fin du mois ! Sa Valeur Travail était très élevée il y a longtemps mais elle a chuté avec sa motivation pour aller travailler chaque matin car les changements de ses conditions de travail ne sont plus en accord avec ses valeurs. C’est difficile d’aider les autres quand on n’est pas bien soi-même. Elle se sent même collabo d’un système maltraitant, pour les patients comme pour les soignants.
Eux, 28 et 26 ans, sont au chômage et cherchent du travail. Avec leur revenu de base, ils auront au moins des perspectives de vie plus claires et moins de pression que ces allocations qui se terminent dans 6 mois ! La Valeur Travail ? Aujourd’hui, c’est le travail qui fait la valeur car les politiques considèrent l’emploi comme ce qui est de plus important dans la société. Ils pensent plutôt que le travail peut créer de la richesse mais q’il permet aussi de se sentir accompli dans une tâche, même un hobby. Idéalement, le travail peut être n’importe quelle activité dans laquelle on se retrouve, sans aliénation.
Lui, 59 ans et bientôt retraité ne changera rien à sa vie. Par contre, il pourra sécuriser son gamin. La Valeur Travail, ça n’existe pas : le travail a une valeur mais l’inverse est un non sens !
Elle, 40 ans et en formation, voyagera plus parce que c’est ça qui l’épanouit ! Sa Valeur Travail, c’est l’intégrité de croire en l’autre comme en soi-même 🙂
Lui, 40 ans et prof, prendra soin de sa santé. Aujourd’hui, à cause du jour de carence, il ne s’arrête pas quand il est malade. Il rêve de pouvoir stopper quand c’est nécessaire. Mais il continuera de travailler comme avant parce qu’être prof, ça a du sens : accompagner les élèves dans le monde…
Sa Valeur Travail, c’est mettre ses compétences, son énergie, au service d’un projet, d’un service. C’est faire un effort pour les autres, la communauté, pour quelque chose qui nous dépasse. Mais de façon choisie, parce que ça a du sens, une utilité : on n’est pas tout seul au monde. C’est aussi une démarche de coopération.
Lui, 38 ans et salarié, ne changera pas grand-chose parce que son emploi lui suffit. Mais il anticipe plus d’émancipation pour ses proches qui pourront mieux profiter de la vie. Un revenu de base permettra de travailler dans quelque chose qui a du sens et non à cause d’une épée de Damoclès à la fin de chaque mois. Il n’y aura plus de SDP ni de personnes démunies. Enfin, il se réfère à Marx pour définir la Valeur Travail comme ce qu’on produit pour la société et qui a de la valeur au sens noble du terme : pour le bien commun. Contrairement à la valeur marchande d’aujourd’hui qui vise les profits d’une minorité. Le RB finalement augmenterait la Valeur Travail !
Elle, 38 ans, artiste salariée et auto-entrepreneuse, ne se lèvera plus tous les matins pour bosser avec des personnes qu’elle ne supporte pas ! Elle pourra créer plus, acheter de meilleures matières premières, avoir plus de liberté, lire, tricoter… Elle n’aura plus besoin de son emploi salarié pour assurer son activité artistique ! D’ailleurs, elle n’a pas de Valeur Travail, elle ne l’a jamais eue. Le monde du travail la fait gerber, elle n’est pas faite pour être salariée. Elle préfère galérer et vivre de façon précaire pour être libre et travailler sans hiérarchie ! En fait, elle se rend compte qu’elle pourrait adorer son travail de formatrice si ça n’était pas dans un cadre salarié, avec des personnes et dans une structure qui ne partagent pas ses valeurs !
Lui, 42 ans et intermittent du spectacle avec de longs contrats se sent privilégié par rapport à d’autres, même si son horizon s’arrête à 2 ans et que ça ne suffit par pour les banques. Avec son RB, il gagnera encore en sécurité et sera moins stressé. Pour lui, la Valeur Travail, c’est faire quelque chose de ses mains pour que ce quelque chose existe. Est-ce que c’est bien ou pas ? De toutes façons, on a besoin de le faire pour, a minima, survivre et plus avec du sens et de l’utilité.
Et vous ? Que répondez-vous ?
Que ferez-vous avec votre revenu de base ? Comment définissez-vous la Valeur Travail ?
Avez-vous exploré et peut-être déconstruit en rencontrant ces manifestant.es ?
Valeur Travail ou Valeur Emploi ? Utilité sociale ou épanouissement individuel ? Production de valeur rémunérée ou bénévole ?
Une conclusion ressort de ces échanges : discuter du revenu de base libère déjà l’imaginaire et ouvre de nouvelles réflexions économiques (quelle production pour quelle consommation ?…), sociales (quelle utilité et quel projet de société ?…), écologiques (quels besoins réels et à quel prix pour toutes les formes de vie ?…) et même philosophiques (quel sens à ma vie et quelle interdépendance ?…)
Alors, imaginez l’émancipation que provoquera son instauration !!! 😉