Yoland Bresson, économiste précurseur du revenu d’existence en France, s’est éteint pendant l’été. Nous tenons à lui rendre hommage pour l’infatiguable combat qu’il aura mené pour faire avancer l’idée, en France et dans le monde.
Texte écrit par Jacques Berthillier, pour l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence.
En 1971 Yoland Bresson, associé aux études commerciales sur l’avenir de Concorde, constate un fait surprenant auquel on ne s’attendait pas. Ce sont précisément ceux qui disposent le plus de la maîtrise de leur temps et de son emploi qui simultanément disposent des ressources monétaires les plus élevées. Les revenus s’élèvent d’autant plus et d’autant plus longtemps que ce temps libre permet d’obtenir des promotions, d’accéder à des fonctions qui libèrent mieux du temps social contraint, à la condition évidemment de bien l’exploiter.
Yoland s’est alors attaché à découvrir la loi théorique reliant revenu et temps disponible qu’il publia dans la Revue d’économie appliquée en 1981, reprise dans L’Après salariat paru en 1984. De cette loi une conclusion s’imposait : la valeur temps est le revenu minimum, le seuil de pauvreté à partir duquel l’individu est économiquement intégré. Il faut donc lui distribuer au minimum l’équivalent monétaire de la valeur de l’unité de temps.
C’est en 1986 que Philippe van Parijs, de l’Université de Louvain (Belgique), décide de réunir les économistes qui comme lui, mais par des voies différentes, proposent le versement périodique par le biais de l’État d’une allocation inconditionnelle à tout membre d’une collectivité, sans autres considérations que celle de son existence. Il s’agit, outre lui-même pour la Belgique, de Claus Offe pour l’Allemagne, Keith Roberts pour l’Angleterre, Hermione Parker pour l’Irlande et Yoland Bresson pour la France. Et c’est ainsi que, réunis à Louvain, ils décident de fonder le BIEN (Basic Income European Network, devenu depuis, en raison de son assise mondiale, le Basic Income Earth Network). Ils décident en outre de se réunir en congrès tous les 2 ans pour discuter de l’avancement de l’idée.
Création de l’AIRE
Henri Guitton, économiste reconnu et membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, est très enthousiaste à la lecture de l’Après salariat. Il contacte alors Yoland Bresson. Ils décident de concert de créer un groupe de réflexion pour approfondir le sujet. C’est ainsi que, lors d’une réunion à l’ancienne école polytechnique, réunion faisant suite à plusieurs autres, ils créent l’AIRE (Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence). Le mot ‘revenu’ est préféré à celui d’allocation, car pour les économistes un revenu est une dotation reçue en contrepartie d’une participation à la création de richesses, tandis qu’une allocation est une attribution d’assistance. Or, tout échange de temps est un facteur de richesses, comme l’a démontré Yoland.
À sa création, l’Aire est présidée par Henri Guitton puis, à son décès survenu peu après, par Yoland Bresson. Elle s’est donnée pour objectif l’instauration d’un revenu d’existence, l’exploration de l’idée, pour que les citoyens se l’approprient et que les politiques en fassent un projet collectif.
Depuis, l’AIRE n’a cessé de diffuser son projet sous l’autorité et l’audience de ses présidents. Parmi les manifestations publiques les plus notables qu’elle a organisées, tout particulièrement sous l’impulsion de Yoland Bresson, citons le congrès du BIEN à Paris St-Maur en 1992, un colloque au Cedias le 12 juin 1996, un colloque à l’Assemblée nationale le 26 novembre 1998 qui réuni près de 300 personnes, et enfin un nouveau colloque à l’Assemblée nationale en collaboration avec Christine Boutin le 23 juin 2004.
En 2012, lorsque l’initiative citoyenne sur le revenu de base se prépare, il soutient immédiatement les efforts déployés par une nouvelle génération de militants. Il associe l’AIRE au lancement de la plateforme revenudebase.info en la cofinançant à hauteur de 50%, ainsi qu’à la création du Mouvement Français pour un Revenu de Base qui rassemble largement tous ceux qui, sous une forme ou une autre, militent pour un revenu d’existence. Avec ouverture d’esprit, il a su faire confiance en la jeunesse du mouvement qui grandit.
Aux manifestations publiques organisées par nous-mêmes ou en co-participation s’ajoutent toutes les interventions auprès d’organisations, d’associations, d’instances, de personnalités publiques, universitaires et politiques auprès desquelles Yoland était le principal intervenant, ou notre caution, quand ce n’était point lui. Rappelons aussi ses nombreuses prises de parole à l’étranger, notamment en Afrique francophone, tout dernièrement en Bulgarie et, si le destin ne l’avait pas frappé, en Pologne devant le parlement et des universitaires.
Son apport en tant qu’économiste ne serait pas complet si, pour conclure, on ne mentionnait pas sa dernière proposition : la création d’un euro-franc (monnaie non convertible en euros pour rester dans le cadre du traité de Lisbonne), pour le co financement du revenu d’existence, en complément de l’impôt, dans une phase transitoire de lancement. Si cette proposition tout-à-fait innovante et même révolutionnaire était adoptée dans le contexte économique actuel, l’instauration du revenu d’existence serait facilitée et, simultanément, l’activité économique relancée au bénéfice du plus grand nombre et des comptes publics. C’est un prochain débat en perspective auprès des économistes et des politiques dans la ligne de pensée de Yoland Bresson.
À la suite du décès de Yoland Bresson, nous avons reçu de nos membres et de nos sympathisants un très grand nombre de témoignages de sympathie, d’estime et de reconnaissance adressés à son épouse et à sa famille. Nous ne pouvons les reprendre tous mais il en est un que nous voulons vous communiquer, celui de Philippe van Parijs :
« Yoland était présent lors de l’assemblée fondatrice du BIEN à Louvains la Neuve en 1986. Il était l’organisateur principal du Congrès du BIEN à Paris St Maur en 1992. Et il est resté au cours de ces 30 années un fidèle compagnon de pensée et de combat. Comme d’autres avant et après lui, il sera mort sans avoir vu la réalisation d’une proposition à laquelle il n’a cessé de croire. Si cependant, dans son pays comme ailleurs, elle finira par se réaliser, ce sera à lui et à des personnalités comme la sienne qu’elle le devra. » — Philippe van Parijs.
Yoland disparu, pour l’Aire le combat continue. Tous ses membres, en se joignant à la douleur de sa famille, s’engagent à poursuivre le juste combat que Yoland a mené pendant 30 ans pour préparer l’instauration d’un revenu d’existence en France.
Quel gâchis ! ‚cette proposition (juste, plein de bon sens et pourtant qui semble si efficiente économiquement ) date de plus de 30 ans et toujours rien !
. Tout cela parce que les politiques restent ancrés dans leurs certitudes idéologiques stériles. Nous payons les conséquences aujourd’hui.
Ah ! si seulement nous avions eu des personnes de cette qualité au gouvernement !
2017 aux primaires de la gauche, benoît Hamon propose le revenu d’existence, qui n’a rien de commun à part le nom, avec le projet de Yoland Bresson, d’ailleurs yoland Bresson n’est pas cité, et l’esprit, le génie de yoland bresson, sa métamorphose de l’Etre Social, cette nouvelle approche de l’économie, qui sous-tend une connaissance du fonctionnement de notre société, ne doit pas être dénaturé. La simple distribution à chaque français d’une part égale de la richesse de la France est une traduction simpliste du revenu existentiel tel qu’il a été pensé, élaboré par yoland Bresson. je le cite : ” l’échec le plus patent est celui de l’aide internationale au développement où l’on doit reconnaître que la lutte contre la pauvreté a complètement échoué malgré les milliards de dollars affectés à ce projet.les pays riches connaissent les mêmes échecs chez eux dans la lutte contre l’exclusion”. A moins que benoit Hamon connaisse le vrai projet du revenu existentiel ?
Il était un de mes enseignants à Paris XII. C’était un pur bonheur de suivre ses cours tant il était intéressant à écouter