La députée britannique Caroline Lucas, seule représentante du parti écologiste à la Chambre des Communes, a déposé une motion demandant au gouvernement la formation d’une commission d’étude sur les modèles de revenu de base possibles. Son adoption demanderait un soutien sans précédent outre-Manche.
Mercredi 20 janvier, la députée Caroline Lucas a déposé une Early Day Motion, sorte d’appel ouvert et concis ayant pour but d’inscrire un sujet à l’agenda parlementaire. La motion appelle le gouvernement à « financer et commander des études sur les possibilités offertes par les différents modèles de revenu de base, leur faisabilité, leur capacité à assurer une aide supplémentaire à ceux qui en ont le plus grand besoin, et sur la façon de résoudre les complexités économiques et sociales d’instauration d’un revenu de base ».
La motion justifie la nécessité d’un revenu de base par « l’évidente impossibilité, pour le système social britannique, bureaucratique, dépendant des niveaux de revenu et parfois injuste, de fournir un revenu minimal adéquat ». Elle se poursuit ainsi : « Le revenu de base, un revenu inconditionnel, inaliénable, versé à tous, peut potentiellement offrir à l’ensemble de la population une protection sociale réelle, tout en favorisant l’entreprenariat et la création de petites entreprises ».
Succès incertain
C’est la première fois qu’une telle motion est soumise au Parlement, et ses chances de réussite sont minces. Selon la procédure parlementaire britannique, les députés peuvent soumettre des Early Day Motions (EDM) pour inviter débat à la chambre des représentants, mais ils ont besoin de l’appui d’autres députés pour ouvrir un réel débat.
En pratique, peu de motions de ce type aboutissent à un débat parlementaire, même avec un soutien important. Mais elles peuvent contribuer à susciter le débat public et l’intérêt médiatique. Et même lorsqu’une EDM parvient au débat, cela se traduit rarement par l’inscription dans la loi. C’est néanmoins une bonne façon de jauger du soutien politique d’une éventuelle réforme.
Le Parti vert de l’Angleterre et du pays de Galles a ajouté le revenu de base à son programme l’an dernier, avant les élections générales de mai 2015. Mais à l’époque même Caroline Lucas n’était pas convaincue par l’idée, y voyant plus « une aspiration à long terme » qu’un engagement électoral clair.
La vue des habitants de sa circonscription de Brighton, durement affectés par les coupes successives dans la protection sociale et les sanctions arbitraires qui les accompagnent, semblent l’avoir convaincue d’apporter son soutien à la démarche.
« Je ne prétends pas une seconde qu’instaurer un revenu de base serait simple. Mais dans une économie en mutation rapide, il est urgent que le gouvernement explore d’autres voies pour assurer la sécurité matérielle de la population. J’espère que des députés de tout bord se joindront à moi pour demander une étude de cette réforme ambitieuse », a déclaré Lucas à The Independent.
Un défi intéressant pour le gouvernement
La motion de Caroline Lucas aura effectivement besoin d’un appui sans précédent dans la classe politique pour déboucher sur un débat parlementaire. Comme le relate le site web du parlement britannique, « en moyenne lors d’une session seules six ou sept EDM dépassent les deux cent signatures. Soixante-dix à quatre-vingt atteignent cent signatures. La plupart n’obtiennent qu’une ou deux signatures ». Et même en cas de soutien massif, un débat parlementaire n’est pas garanti.
Jusqu’ici la motion n’a recueilli qu’une douzaine de signatures : dix députés du Parti national écossais et un député travailliste, outre Lucas elle-même.
Après les avancées récentes en Finlande, aux Pays-Bas et en Suisse, l’idée du revenu de base est depuis peu soutenue par deux think tanks britanniques, la Royal Society of Arts et Nesta. L’attention médiatique inédite qui s’est ensuivie a suscité un début d’intérêt dans l’opinion publique du pays. Cette motion est une excellente occasion de rassembler un soutien élargi.
Article initialement paru sur basicincome.org.
Adaptation française : Maxime Vendé.
Illustration : CC Parlement Britannique.