Envisager le revenu de base comme une juste rémunération du travail utile effectué gratuitement par les femmes et les mères dans la sphère privée est un contresens. Le revenu de base (une somme d’argent “suffisante pour vivre” versée inconditionnellement à chaque membre de la communauté politique) est le contraire d’un « salaire maternel », et c’est justement en cela qu’il est profondément féministe.
Du choix de travailler pour ceux que l’on aime au choix de travailler à ce que l’on aime
Le revenu de base n’est pas un salaire étendu qui aurait pour vocation la reconnaissance des activités « socialement utiles » exercées en dehors de la sphère professionnelle, que seraient notamment les activités domestiques et maternelles [1], mais aussi le bénévolat ou la formation. Le principe du salaire est fondé sur une conception utilitariste, mécaniste de la société, celle d’une grosse machine - la Mégamachine décrite par Ivan Illich - à produire des biens et des services répondant aux besoins sociaux. Il reconnaît la valeur des membres de cette société en tant que rouages de cette machinerie humaine, qui ne méritent leur part de la production collective qu’à mesure qu’ils y contribuent.
Par son inconditionnalité, le revenu de base impulse au contraire le dépassement de cette conception utilitariste de la vie sociale et de nos existences individuelles. Le revenu de base n’est pas un revenu que l’on mérite en vertu de notre utilité sociale ; c’est un droit qui affirme que la vie a une valeur incommensurable qui se "mesure", ou plutôt qui s'éprouve dans notre capacité à lui donner du sens, à s’engager dans des activités choisies. Le caractère choisi d’une activité ne veut pas dire que celle-ci n’est que pur plaisir et totalement dénuée de contraintes ou d’efforts, mais que ces contraintes et efforts sont consentis, acceptés. Autrement dit, le revenu de base n’est pas un dénigrement du travail et une apologie du loisir, mais une condition nécessaire pour que s’épanouisse le travail gratuit, librement choisi, répondant à des motivations personnelles et prenant un sens éminemment singulier voire intime.
Or le travail gratuit est la norme du travail féminin depuis très longtemps. Cette gratuité était surtout synonyme d’exploitation lorsque devenir épouse et mère de famille était presque l’unique destin que la société dessinait pour les femmes, dont la survie dépendait du mariage. Mais en ce début de 21ème siècle, les femmes font des études, occupent un emploi, accèdent à une indépendance financière. Pour la grande majorité des Européennes, se mettre en couple, se marier, avoir des enfants relève théoriquement d’un choix. On se met en couple par amour. On a des enfants parce qu’on le désire. L’amour est devenu le fondement, la légitimation de la vie conjugale et familiale. Ce n’est pas d’abord la nécessité de mutualiser le travail domestique et maternel qui impose de fonder un foyer. Au contraire, c’est parce qu’il y a eu une rencontre et qu’un lien affectif s’est créé que l’on décide de vivre ensemble, ce qui implique ensuite que l’on effectue le travail domestique non plus seulement pour soi, mais aussi pour son conjoint ou sa conjointe et ses enfants. Le travail domestique et maternel est un travail que l’on fait gratuitement non pour des personnes abstraites (pour la société) mais pour des personnes concrètes que l’on aime. Sans cet amour, les services matériels (laver le linge, cuisiner, faire les courses…) et émotionnels (écouter, consoler, complimenter…) que nous rendons à nos proches perdent tout leur sens.
Bien-sûr cet idéal est encore relativement théorique et la gratuité du travail féminin conserve sa part d'ambiguïté. La croyance selon laquelle les femmes sont naturellement prédisposées à aimer autrui (en premier lieu leur conjoint et leurs enfants) et la pression sociale qui pèse sur elles pour fonder une famille restent fortes. Parce que l’amour féminin est pensé d’abord comme tourné vers les autres, parce que la conjugalité (hétérosexuelle) et la maternité sont socialement prescrites, le travail gratuit qui en découle est encore loin d’être entièrement un choix, et ce qu’il y a de lourd et de désagréable dans ce travail reste très inégalement partagé. C’est ce constat qui amène la proposition de salaire maternel : puisque la société continue d’assigner aux femmes un travail contraint, dont les hommes profitent injustement, rémunérons-les pour cela. Le salaire maternel valide donc le caractère contraint (à la fois socialement indispensable et pénible) du travail féminin, tout en renforçant cette contrainte puisque la subsistance des femmes dépendrait désormais de ce travail. Et surtout, il ne remet pas en cause l’assignation des femmes à ce travail. En tout cela la proposition de rémunérer les femmes au foyer est très problématique. Ce que propose le revenu de base, c’est à l’inverse de renforcer les conditions qui permettent un choix. Puisque ce revenu inconditionnel n’est lié à aucun contrat, qu’il continue d’être versé aux femmes si ces dernières quittent leur conjoint – bref, puisque ce n’est pas un salaire – le revenu de base réhabilite le don de soi et le travail gratuit en tant qu’il est réellement gratuit, réellement effectué par amour.
Mais on peut fortement douter que le revenu de base soit un levier suffisant pour libérer les femmes lorsque ce qui était au départ un choix est devenu une prison, lorsqu’elles subissent une vie conjugale et familiale qui les étouffe. D’abord, lorsque l’amour a déserté le foyer voire qu’il a cédé la place à la violence, les freins psychologiques (l’emprise, la peur de l’inconnu, de la solitude, du jugement, etc.) pèsent au moins autant que les freins matériels dans les difficultés des femmes à quitter leur conjoint. Sans parler du fait que la première question strictement matérielle qui se pose est celle du logement, question que le revenu de base ne résoudra pas si facilement. Ensuite, si l’on peut quitter un conjoint, on ne peut pas quitter ses enfants ni même faire grève de la maternité: le lien parental, et particulièrement le lien maternel, est quasiment indissoluble. La seule façon souhaitable de libérer les femmes de la charge encore trop lourde de la maternité et du travail domestique - car aimer sa famille n’empêche pas d’aspirer à avoir de l’espace dans sa vie pour d’autres choses - c’est que les hommes assument enfin leur juste part de ces activités. Cela nécessite un profond changement culturel. C’est évidemment l’objectif du revenu de base d'entraîner un tel changement culturel, et d’inviter les hommes à se dessaisir (partiellement) de leurs ambitions professionnelles pour investir le champ du travail gratuit. Mais rien ne dit qu’ils s’orienteront spontanément vers les activités maternelles. On peut sans doute compter sur le fait que le partage de ces activités est autant une question de justice qu’une réponse aux aspirations contemporaines des deux sexes : le soin aux enfants et plus généralement aux autres, par sa dimension affective et relationnelle, apporte ses propres gratifications, auxquelles nombre d’hommes désirent accéder – tout comme nombre de femmes désirent accéder à la reconnaissance sociale permise par le travail professionnel. Mais de toute évidence, le revenu de base ne nous épargnera pas les longues luttes encore nécessaires pour que tout ce travail d’entretien et de soin aux autres ne soit plus majoritairement dédié aux femmes.
Ce que le revenu de base propose essentiellement, c’est de généraliser la norme féminine du travail gratuit effectué « par amour » – alors que la proposition d’un salaire maternel vise au contraire généraliser la norme masculine de la marchandisation du travail en vertu de l’utilité sociale. En effet, pourquoi les individus continueraient-ils à travailler s’ils ont la garantie de percevoir un revenu sans condition, si ce n’est parce que leur travail est intrinsèquement gratifiant ? Parce qu’ils aiment leur travail, parce qu’ils l’ont choisi ? Le revenu de base affirme que le travail n’a de sens que si la personne qui s’y engage le fait pour des bonnes raisons, raisons qui sont toujours personnelles et intimes. Il crée les conditions pour que le libre choix de nos activités prime sur la contrainte de survie sociale, qui piège nombre de personnes dans des emplois qui les aliènent. Que seraient la médecine, la justice, l’enseignement, la culture, la recherche, l’artisanat sans le fort sentiment de vocation qui anime souvent celles et ceux qui s’engagent dans cette voie ? Inversement, que vaut notre travail lorsque nous l’effectuons à contrecœur, ou en appliquant mécaniquement des consignes qui n’ont pas de sens, ou lorsque nous nous levons chaque matin avec la certitude d’œuvrer à une entreprise inutile ou nuisible ? Il ne s’agit pas de dire que tout travail doit être effectué de manière entièrement bénévole, mais que le travail professionnel intègre une part, plus ou moins grande selon la chance de chacun et chacune d’avoir pu choisir son métier, d’engagement subjectif, de « supplément d’âme », irréductible au régime de l’utilité sociale et inconditionnelle au salaire, qui ne peut donc être rémunérée, mais qui doit être soutenue, sécurisée à travers l’octroi d’un revenu inconditionnel. Et que la chance inestimable d’exercer des activités qui convoquent ce « supplément d’âme » doit être donnée à tout le monde, en permanence.
Il est frappant d’entendre des personnes très engagées dans un métier choisi dire qu’elles sont « passionnées par leur job » et qu’elles « ne font pas ça pour l’argent » alors même que leur métier est fortement rémunéré ; tandis que d’autres (souvent des femmes d’ailleurs), également très engagées mais dans un métier trop faiblement rémunéré doivent se battre pour pouvoir en vivre dignement. Les premières comme les secondes s’engagent bien au-delà du « besoin de percevoir un salaire », salaire qui est trop élevé dans un cas et trop faible dans l’autre. Le revenu de base pose clairement la question de la justice salariale : qu’est-ce qui mérite d’être rémunéré, et à hauteur de combien ? Mais il ne donne aucune réponse. Il ouvre le débat. Surtout, il « arme » fortement chaque membre de la société pour faire vivre ce débat très concrètement, en permettant de quitter un emploi aliénant, en augmentant la capacité de faire grève pour réclamer de meilleures conditions de travail, en sécurisant les périodes incertaines de création de sa propre activité. Or, ce que la crise de la Covid a exposé au grand jour, c’est que les femmes sont majoritaires dans les emplois qui aujourd’hui sont à la fois les plus nécessaires et les plus pénibles, les plus invisibles et les moins bien payés. Elles ont donc énormément à gagner dans ce processus de remise en question du sens, de l’intérêt et de la rémunération de nos emplois, qui devrait aboutir à une revalorisation symbolique et financière, et surtout à une répartition bien plus équitable des emplois les plus dégradés.
Mais si le revenu de base menace le fonctionnement de la machine économique, en permettant à chacun et chacune de ne pas y contribuer, comment alors s’assurer que les besoins sociaux seront comblés par une production suffisante des biens et services nécessaires ? Le problème de cette objection fréquente contre la proposition de revenu de base, outre le cynisme dont elle fait preuve, c’est qu’elle tient pour acquis qu’il existe des besoins sociaux facilement identifiables. Or, le travail domestique et maternel interroge profondément cette notion, et montre à quel point la définition de ce qui est « socialement utile » est difficile et problématique.
Le travail domestique et maternel, rempart contre la marchandisation généralisée du travail
Rapatrier la reproduction des générations dans la catégorie des besoins sociaux et donc le travail maternel dans celle du travail socialement utile est particulièrement dangereux. Car si la maternité était avant tout une réponse à un besoin social, pourquoi la société ne chercherait-elle pas à socialiser voire à industrialiser la production des enfants ? Elle pourrait créer une institution publique, la Maternité Nationale, qui rémunèrerait des mères porteuses (après tout cela créerait de l’emploi). Elle pourrait aussi investir massivement dans la recherche sur l’utérus artificiel et le développement technique de l’exogenèse (la maturation du fœtus hors du corps maternel), préalable à la création d’usines de production d’enfants. Les enfants « nés » (ou plutôt « arrivés à terme de maturation ») seraient alors pris en charge dans des structures collectives par des parents professionnels, sélectionnés et formés jusqu’à obtention du diplôme attestant de leurs savoirs-faire, savoirs-être et aptitudes à la parentalité.
Fort heureusement, nous sommes encore loin de telles dystopies. Bien qu’une société ne puisse se perpétuer sans renouvellement des générations, nous considérons que les enfants doivent être désirés et aimés par leurs parents. Nous préférons donc accueillir les enfants librement « donnés » par les femmes. Certaines n’en ont pas quand d’autres en ont quatre, cinq ou plus. Et alors qu’elles font cela gratuitement, alors même qu’elles sont pénalisées sur le marché de l’emploi lorsqu’elles deviennent mères, de très nombreuses femmes continuent de faire des enfants. Elles le font parce que cela a du sens pour elles, parce qu’elles ont personnellement envie d’être mères. Le renouvellement des générations reste donc (quasiment) assuré sans qu’il soit nécessaire de constituer un secteur d’activité marchande dédié à la reproduction biologique.
Plus largement que la maternité, c’est l’ensemble du travail domestique qui ne peut être phagocyté par la sphère productive marchande, soumis au critère de l’utilité sociale et de la performance sans être entièrement dévoyé.
Autrefois, l’économie était essentiellement domestique, on travaillait et on vivait dans le même espace-temps. L’industrie a pris en charge les besoins des foyers en produisant plus efficacement les biens et services destinés à la consommation, accroissant le niveau de vie global de la société. Cette libération bénéfique des « corvées domestiques » a eu pour contrepartie que nous dépendons tous et toutes de la consommation de produits industriels et de services publics « socialement utiles », c’est-à-dire conçus pour la société, pour des personnes abstraites. Le travail domestique a un sens bien différent, voire contraire à celui du travail marchand, puisqu’il s’agit de faire soi-même ce que l’on juge nécessaire pour soi-même, selon sa créativité, sa sensibilité, son éthique. Même les tâches domestiques au sens le plus strict, les tâches « inévitables » et a priori les plus rébarbatives – laver le linge, faire le ménage – sont celles par lesquelles chacun entretient le lieu de sa propre intimité, selon son organisation et ses goûts personnels.
La logique marchande affirme que nous sommes chez nous dans les logements dont nous sommes propriétaires, ou qui au moins sont meublés d’objets qui sont à nous, que nous avons achetés. La logique du travail domestique affirme que nous sommes chez nous à l’endroit où nous vivons, où nous déployons les activités qui répondent à nos propres besoins, où finalement la distinction même entre « produire » et « vivre » est abolie. Le critère d’utilité sociale y est donc sans fondement. Ce que produit le travail domestique, c’est notre capacité à nous sentir chez nous : nous sommes chez nous là où nous créons des relations personnelles, affectives avec les choses et avec les autres, là où nous prenons soin des espaces et de leurs habitants. Un soin qui n’est pas professionnel, technique, performant, mais qui est simple, quotidien, à la portée de chacun et chacune, qui consiste essentiellement à porter une attention bienveillante à tout ce et tous ceux qui comptent dans notre vie. Il est vital que les femmes, puisqu’elles en sont les premières artisanes, revendiquent la singularité de ce travail de soin et de « production » de la vie pour elle-même, et dénoncent l’absurdité d’en tirer une évaluation financière.
On pourrait d’ailleurs étendre la notion de travail domestique bien au-delà de l’espace dessiné par les murs de notre maison. Lorsque l’on fait des courses pour sa voisine âgée, lorsque l’on prête main forte à un ami qui déménage, n’est-ce pas une certaine forme de travail domestique ? L’espace public, ne devrions-nous pas nous y sentir « chez nous », collectivement, et donc le concevoir et l’entretenir nous-même, plutôt que de déléguer ce travail aux « services publics » et de le laisser envahir par la « publicité », qui justement nous dessaisissent de nos besoins personnels en nous imposant des besoins sociaux ? La Terre elle-même n’est-elle pas « notre maison », ne sommes-nous pas liés à tout le vivant par un intérêt commun, celui de vivre ensemble de la façon la plus harmonieuse possible ? Car c’est aussi cela, finalement, le sens du travail domestique : soutenir le développement de la vie commune, produire le sentiment d’un destin commun, et donc abolir l’opposition entre « faire pour soi-même » et « faire pour les autres », puisque ce que nous y faisons nous le faisons pour tous et toutes. Mais comment trouver le temps, l’énergie de travailler gratuitement pour nous-même et notre famille ou notre communauté, quand nous sommes accaparés par la nécessité de gagner de l’argent pour payer notre logement et notre nourriture, nos vêtements et notre abonnement internet, et tant d’autres choses ?
Puisque le travail domestique est ce que nous faisons par nous-même, pour nous même, il n’y absolument aucun sens à le rémunérer, sauf à considérer que ce travail doit être pris en charge par une fraction de la société (une sorte de « classe domestique ») au bénéfice d’une autre, qui doit être déchargée de ces activités pour pouvoir se consacrer à autre chose. Cette logique injustifiable est déjà largement à l’œuvre, comme l’a admirablement montré André Gorz. Ce qu’il nous reste de travail domestique, les foyers suffisamment aisés peuvent le déléguer à des femmes de ménage ou des aides maternelles rémunérées, et ainsi évacuer de leur vie les activités inhérentes à la vie domestique jugées désagréables. Le personnel employé par ces foyers est presque entièrement féminin, souvent racisé, peu ou pas diplômé et donc en position de grande faiblesse sur le marché de l’emploi. On demande à ces femmes d’effectuer le travail traditionnellement féminin d’entretien et de soin, mais dépouillé de tout le sens dont il peut être chargé lorsqu’il est réalisé pour son propre logement et sa propre famille, et pour une rémunération et une reconnaissance symbolique très faibles. Alors que les épouses ont longtemps été contraintes d’assumer le travail domestique pour permettre à leur mari de se consacrer au travail rémunéré, les travailleuses domestiques d’aujourd’hui sont employées pour permettre aux hommes et aux femmes les plus diplômées de se consacrer à leur profession. Ces professions qualifiées étant à la fois bien plus reconnues et bien mieux payées que celles des travailleuses domestiques, elles offrent la possibilité de déléguer le travail perçu comme moins épanouissant à des femmes qui, elles, n’ont pas accès à ces professions qualifiées et sont rendues disponibles par la contrainte de survie. On peut espérer qu’avec un revenu de base ces emplois ne seraient plus pourvus à moins d’être très fortement revalorisés. La société devra donc se réorganiser pour que chacun et chacune prenne en charge le travail qu’il juge nécessaire pour lui-même. On pourra ainsi remettre en question la pertinence d’une grande partie des emplois de service à la personne, qui ne répondent pas à des besoins sociaux mais à des besoins tout à fait personnels.
***
Par son caractère inconditionnel, le revenu de base réhabilite culturellement le travail gratuit, celui qui se confond avec la vie elle-même, dont le travail domestique et maternel est un pan essentiel. Il pose une limite forte à l’extension de la marchandisation du travail en lui opposant la logique traditionnellement féminine du don et de la gratuité, tout en installant les conditions pour que cette gratuité ne soit pas une exploitation d’un travail contraint mais bien le libre don d’un travail choisi, effectué pour des raisons d’abord personnelles, « parce que l’on aime ce que l’on fait ». Dans le même mouvement, par son caractère universel, il contribue à remettre en question l’assignation aux femmes du travail de soin et d’entretien, de production de l’intimité et de l’affectivité. Il pose des bases solides pour remettre en question la division sexuelle du travail et le partage inéquitable des tâches contraintes, d’abord dans la sphère marchande, puis peut-être, par répercussion, dans la sphère privée – mais cela n’adviendra pas sans des luttes complémentaires en ce sens.
[1] Nous employons le terme de “travail maternel” ou de “maternité” à dessein. Alors que le terme de “travail parental” ou de “parentalité” neutralise la dimension féminine des activités de reproduction de la vie (élever ses enfants, et bien plus largement toutes les activités de soin et de transmission), donc les désexualise, le terme de “travail maternel” rend visible cet apport spécifique de la féminité. Il ne s’agit évidemment pas de revendiquer la prise en charge exclusivement par les femmes de ce travail, mais plutôt d'interroger la difficulté des hommes à s’approprier cette féminité de la vie et les activités maternelles.