À l’heure où le revenu de base est de plus en plus présent dans le débat public, où de nombreux médias s’y intéressent et où un nombre croissant de personnalités politiques se positionnent pour ou contre, il semble pertinent de s’intéresser en détail à la formation politique qui a inscrit depuis plusieurs années le revenu de base dans son programme : les écologistes.

En novembre 2013, 70% des militants EELV se prononçaient en faveur d’un revenu de base. Le revenu universel était déjà au programme de la présidentielle de 2007, ainsi que des élections européennes de 2009. Au printemps dernier, Jean Desessard, sénateur écologiste, avait proposé une résolution pour l’instauration d’un revenu de base en France. Régulièrement, des adhérents d’EELV organisent des débats, locaux ou nationaux sur ce sujet et la question a été largement abordée durant les journées d’été d’EELV à Lorient en août 2016. Aujourd’hui, la primaire organisée par Europe Ecologie-Les Verts met en avant quatre candidats qui proposent tous dans leur programme la mise en place d’un revenu universel. Une position commune émerge-t-elle au sein d’EELV ? Quelles divergences peut-on observer entre les positions des différents candidats ? Si certains d’entre eux s’étaient déjà prononcés pour un revenu de base avant la primaire, le débat organisé par LCP et Public Sénat le 27 septembre entre les quatre candidats a été l’occasion de placer la question du revenu universel au centre de l’attention.

Pour Yannick Jadot, député européen écologiste, la solution est dans un premier temps de mettre en place un revenu de base de 524€ par mois. C’est l’une des propositions que le MFRB avait mise en avant dans le cadre de sa contribution au rapport Sirugue sur la réforme des minima sociaux. Le revenu de base répond pour le député à trois objectifs : lutter contre le non-recours aux minima sociaux, revaloriser le bénévolat et s’adapter aux transformations de l’économie liée à la robotisation. Il propose de le financer par une augmentation de la fiscalité sur le revenu et le patrimoine.

Michèle Rivasi, également députée européenne, propose quant à elle un revenu de base plus élevé, entre 800 et 1000€, pour favoriser une réelle autonomie des personnes. Pour les mineurs, le revenu de base serait égal à un demi revenu de base adulte. Financé par l’impôt sur le revenu, il fusionnerait les allocations familiales et les minima sociaux et réduirait les allocations chômage.

Cécile Duflot, députée et ancienne ministre, développe l’idée de mettre en place ce revenu de base par étape, qui se traduirait en premier lieu par un revenu inconditionnel ciblant prioritairement les personnes qui en ont le plus besoin – les jeunes, les retraités, et les agriculteurs – pour ensuite l’élargir à tous les citoyens. Un revenu de base pour les agriculteurs permettrait selon elle de les rendre plus autonomes et de participer à la transformation du modèle agricole, ce qui rejoint les idées développées par le MFRB sur la question. En termes de justice sociale et de financement du revenu de base, elle souhaite appliquer le principe proposé par Cécile Renouard et Gaël Giraud dans leur livre Le facteur 12 : Pourquoi il faut plafonner les revenus : « on ne peut pas gagner plus en un mois que ce que d’autres gagnent en un an ».

Pour Karima Delli, eurodéputée qui avait déjà publié une tribune pour un revenu de base en janvier 2014 et vient d’en publier une nouvelle, le revenu de base permet d’anticiper la question de la numérisation et des emplois qui sont en train de disparaître. Elle y voit un outil émancipateur, redonnant du pouvoir au salarié dans le travail, permettant à chacun de se projeter et de réaliser ce qu’il souhaite faire de sa vie. Engagée notamment dans la défense d’un revenu de base européen, elle a rappelé lors du débat son attachement à l’inconditionnalité de la mesure, que l’on soit riche ou pauvre.

Le revenu de base fait désormais partie intégrante de l’actualité des différents élus écologistes. Le dernier livre du porte-parole d’EELV Julien Bayou en témoigne également : dans Kerviel : une affaire d’Etat, il propose que les deux milliards d’euros de l’affaire Kerviel soient réutilisés afin d’expérimenter un revenu de base.

Enfin, sur la question des expérimentations, les verts ont également été pionniers en France, puisque c’est une conseillère régionale EELV, Martine Alcorta, qui est à l’origine du projet d’expérimentation dans la Région Nouvelle Aquitaine. Une première journée d’étude a eu lieu à l’Hôtel de Région le vendredi 30 septembre. D’autres suivront jusqu’à la remise d’un rapport avant l’été 2017 et le lancement de l’expérimentation à l’horizon 2018. La démarche entamée par la région Nouvelle Aquitaine offre l’opportunité de construire de façon collaborative une expérimentation de revenu de base réellement universel et émancipateur.

Antoine Stéphany


Illustration : EELV.