Dans la ville de Cherokee en Caroline du Nord, les habitants reçoivent tous un chèque financé depuis 1996 par le casino local.
Traduction et adaptation par Arthur Mignon.
Dans le cadre d’une enquête pour CNN, le journaliste John D. Sutter s’est rendu dans la petite ville de Cherokee, en Caroline du Nord, au coeur du territoire des anciennes tribus d’Indiens d’Amérique.
Malgré les réticences de la tribu Cherokee et du gouverneur de l’État de Caroline du Nord sur l’ouverture d’un casino à Cherokee, la cour de justice fédérale a imposé aux parties de trouver un compromis. Du coup, écrit CNN : « Le casino en question est détenu par la Bande orientale de la Nation cherokee, à qui appartient aussi la terre en contrebas de la petite ville de montagne. En 1996, aux dires de Larry Blythe, vice-chef de la tribu, le conseil tribal local a voté pour faire quelque chose d’assez hétérodoxe : il a décidé de répartir la moitié des bénéfices du casino uniformément parmi ses membres, dont le nombre s’élève aujourd’hui à 15 000. Le but : permettre à la communauté de prendre une part de la richesse que le jeu générerait. »
La mise en place d’un revenu minimum garanti dans cette petite ville isolée a pu longtemps rester inaperçue car le montant de celui-ci a d’abord été modeste : « autour de 500 dollars par personne et par an » d’après Larry Blythe. Un montant qui représente aujourd’hui 10 000 dollars par personne tous les ans. Il faut dire que plusieurs millions de personnes passent dans ce casino chaque année.
Le journaliste de CNN a recueilli des témoignages d’habitants de Cherokee : « Faites un tour en ville et vous y rencontrerez des gens comme Kaitlin Blaylock, 23 ans et libérée de dettes, qui a utilisé l’argent pour financer ses études. “Sincèrement, je ne pense pas que j’aurais été capable d’aller à la fac sans ça” m’a-t-elle confié. Ou James Sanders II, un homme chauve et barbu de 34 ans. Il m’a dit avoir dépensé l’argent pour ses deux jeunes garçons et dans un business de soudure et de réparation auto dont il se sert pour compléter son travail d’agent de sécurité. […] La sœur de James, Lori Sanders, 46 ans, tient un salon de beauté, le Lori’s Beauty Box, dans une caravane sur les terres de la famille. Elle économise le versement “par tête”, comme les habitants nomment la distribution semestrielle, pour envoyer son fils en Europe dans le cadre d’un voyage scolaire. »
Bien sûr, la façon dont le casino de Cherokee est géré n’est pas un modèle viable pour un revenu de base à l’échelle d’un pays, reconnait le journaliste. Mais l’important est que cela constitue une expérimentation utile de ce qui se passe quand on donne de l’argent gratuitement aux familles pauvres. La chercheuse Jane Costello a étudié les effets du revenu de base local. En comparant les parcours scolaires des enfants ayant reçu le revenu de base et les autres, elle a trouvé que ceux qui bénéficiaient du versement d’argent avaient en moyenne un niveau d’avance dans leur scolarité à leur 21 ans. Par ailleurs, les problèmes de comportement chez les enfants concernés par le revenu de base ont baissé de 40% tandis que le taux de chance de commettre des crimes mineurs a également baissé de 22%.
La chercheuse conclue :
Arrêtons de micro-surveiller les pauvres et de les diviser entre les “pauvres méritants” et ceux qui ne le sont pas. Donnons-leur simplement de l’argent.