En 2016 était lancé l’Economy Security Project (ESP), un fonds de soutien à l’étude du revenu de base aux États-Unis pour deux ans. Il vient de publier les résultats d’une étude mesurant l’opinion des alaskien·ne·s concernant le dividende du fonds permanent.

Le dividende du fonds permanent

En 1976, l’état de l’Alaska inscrivait dans sa Constitution le fonds permanent, dans lequel il s’engageait à investir au moins un quart de sa rente pétrolière. Le but étant que les revenus des énergies fossiles profitent également aux générations futures. Le dividende du fonds permanent (Permanent Fund Dividend, PFD) reverse ainsi chaque année depuis 1982 une partie des bénéfices à l’ensemble des alaskien·ne·s.

La même somme est versée à chaque adulte ou enfant vivant en Alaska depuis au moins un an et déclarant vouloir y vivre. Ce PFD est généralement considéré comme le dispositif actuel le plus proche d’un revenu de base « réel ». Car bien que son montant soit variable et trop faible pour assurer un niveau de vie ne serait-ce qu’au seuil de pauvreté, le PFD est universel, inconditionnel, et versé sous forme monétaire à intervalles réguliers. Il souscrit ainsi à la définition du réseau mondial pour le revenu de base tout comme à celle du mouvement français.

En 2015, le dividende du fonds permanent atteignait le niveau record de 2 072 $, avant de chuter à 1 022 $ l’année suivante après que Bill Walker, gouverneur de l’état, ait fait usage de son droit de veto partiel afin de diviser par deux l’allocation du gouvernement au PFD. Une décision controversée qui a incité le sénateur Bill Wielechowski à intenter un procès pour tenter de rétablir les fonds initialement alloués. Sans ce veto, le PFD aurait été de 2 052 $ par personne en 2016.

Aujourd’hui, la procédure lancée par Wielechowski est en cours d’examen par la cour suprême d’Alaska, après avoir été rejetée par un juge de la cour supérieure en novembre dernier. La cour suprême a tenu une audience le 20 juin, mais sa décision finale n’est pas attendue avant plusieurs mois.

Parallèlement, le gouverneur Walker acceptait le budget 2017 de l’état, cette fois sans exercer son droit de veto. Selon KTOO News, 760 millions de dollars iront au PFD, ce qui représente environ 1 100 $ par habitant·e.

L’enquête d’opinion

En début d’année, l’Economic Security Project a commandé une étude à l’institut de conseil Harstad Strategic Research. Ce sondage de 1 004 alaskien·ne·s représente selon l’ESP « l’enquête d’opinion sur le PFD la plus complète depuis 1984 ».

Les personnes ont répondu à diverses questions autour du fonds permanent. À propos de l’effet du dividende sur leur vie « ces cinq dernières années », 40 % des personnes répondent que le PFD a eu un effet « énorme » ou « sensible ». 28 % ont trouvé cet effet « faible » ou « négligeable », tandis que 8 % déclarent n’avoir ressenti aucune différence. Les femmes sont plus enclines à trouver l’effet du dividende « énorme » ou « sensible » (47 % contre 33 %) et 70 % des personnes ayant décrit leur situation économique comme « extrêmement précaire » voient une grande différence.

Alors que 87 % des sondé·e·s estiment que « la poursuite du dispositif ne doit pas être conditionnée à l’usage qui en est fait par la population », la grande majorité ne croit pas que les fonds du PFD soient utilisés inconsciemment. Ainsi 85 % pensent que « la majorité de la population utilise le dividende surtout pour pourvoir aux besoins essentiels », et 79 % sont d’accord avec l’idée que « le versement du dividende du fonds permanent est un revenu important pour mes concitoyen·ne·s ».

À l’inverse, une minorité importante (43 %) estime que « la population dépense inutilement une part conséquente de son dividende pour acheter de l’alcool ou d’autres drogues ». Quand on les interroge sur leur propre comportement, 27 % des personnes sondées déclarent épargner la plupart de la somme, et 30 % l’utilisent pour rembourser leur dettes, cartes de crédit ou emprunts.

La population est très largement favorable à l’universalité du PFD : 72 % veulent que « toute personne vivant en Alaska » en bénéficie, et 84 % pensent qu’« en tant que propriétaires du fond permanent d’Alaska, les résident·e·s de l’état ont droit à une part égale du bénéfice réalisé ». Par contre, seulement 50 % sont favorables à l’octroi de ce revenu universel aux « millionnaires et multi-millionaires vivant en Alaska », ce qui témoigne d’un possible effet de biais envers l’universalité du dispositif, suivant la façon dont il est présenté.

L’étude révèle aussi un probable changement d’opinion depuis les sondages de 1984. Si demain le gouvernement devait trouver de nouvelles ressources pour financer les services publics, la majorité des alaskien·ne·s préfèreraient l’instauration d’un impôt supplémentaire, plutôt que l’arrêt du fonds permanent. Les catégories les plus favorables à la poursuite du dispositif du PFD sont celle des ménages gagnant moins de 50 000 $ par an (72 %) et les personnes déclarant « avoir grand-peine à joindre les deux bouts » (82 %). Chez les ménages les plus aisés, avec plus de 100 000 dollars annuels de revenu, une majorité serait également favorable au maintien du dispositif (58 %).

L’étude s’intéressait également à d’autres domaines. Pour plus de détails et les représentation graphiques des résultats, voir plus bas.

Pour aller plus loin

Economic Security Project, « Alaska PFD Phone Survey : Executive Summary », 22 juin 2017. Le résumé officiel des résultats de l’enquête, par Harstad Strategic Research.

Autres données fournies par Harstad Strategic Research :

Taylor Jo Isenberg, « What a New Survey from Alaska Can Teach Us about Public Support for Basic Income », Medium, 28 juin 2017. Un article résumant les résultats de l’étude et présentant l’historique du fonds permanent.


Traduction par Maxime Vendé d’un article de Kate McFarland initialement publié sur Basic Income News.

Lisible sur le blog de Maxime Vendé.

Illustration : CC 0 1.0 John Salzarulo.