Le mouvement français pour un revenu de base est né en mars 2013 à la suite de l’Initiative Citoyenne Européenne de 2012, première tentative pour mesurer le degré de connaissance et d’acceptation d’un projet de revenu universel.
Nous recueillons depuis 5 ans diverses propositions et réflexions au sujet des revenus garantis afin d’alimenter, et accompagner le débat public jusqu’à l’instauration d’un revenu de base correspondant à notre définition et nos valeurs, définies dans notre charte.
Le Mouvement Français pour un Revenu de Base définit le revenu de base ainsi : “c’est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.”
Quelle appellation pour un tel revenu ? Revenu de base, revenu universel, revenu d’existence, allocation universelle… S’il existe différentes appellations, celles-ci se rejoignent pour décrire une idée reposant sur trois piliers incontournables : l’universalité, l’inconditionnalité et l’individualité.
Nous avons choisi, au MFRB, le terme “revenu de base” du fait de notre attachement à la nécessité de penser ce revenu non seulement à l’échelle locale, mais également à toutes les échelles continentales ou mondiales, qui se traduit par notre appartenance aux réseaux européen (UBIE – Universal Basic Income Europe) et mondial (BIEN – Basic Income Earth Network), et qui justifie le choix “de base” non comme un minimum, mais comme la traduction de l’intitulé utilisé pour tous les projets et expérimentations sur l’ensemble de la planète.
Nous récusons d’ailleurs, à cet égard, les intitulés mensongers de “revenus universels” réservés à quelques uns, et autres hold-up sémantiques et exercices de novlangue néolibérale.
Il est par ailleurs important de clarifier que le revenu de base, tel que nous le défendons au sein du Mouvement Français pour un Revenu de Base, doit venir renforcer la protection sociale existante et non pas être un outil de sa déconstruction.
À ce titre, nous sommes attaché·es aux assurances collectives de notre modèle social – assurance chômage, maladie et retraite – et considérons qu’elles doivent être renforcées plutôt que d’être dévitalisées et transférées aux régimes privés d’assurances volontaires. Nous soutenons un retour à une gestion paritaire et proposons que le revenu de base soit la branche complémentaire du projet initial inabouti.
Nous veillons à ce que le revenu de base soit instauré pour une amélioration de ce modèle au profit de toutes et tous, notamment des personnes les plus démunies.
Nous considérons que :
- L’éradication de la pauvreté et la lutte contre la précarité sont des enjeux de civilisation,
- Notre société doit reconnaître à chaque personne l’utilité de sa libre contribution au bien commun et à la création de la richesse sociale, ainsi que la liberté de chacun de choisir son mode de vie,
- Nous devons aller vers un modèle de société fondée sur l’inclusion, la participation, l’épanouissement et l’émancipation de la personne humaine et des citoyens.
- Que les engagements pris dans la déclaration universelle des droits de l’homme, en particulier dans les articles 22 à 27, dans le programme “les jours heureux” du Conseil national de la résistance, dans le préambule de la constitution de la République française, ne doivent pas rester des déclarations d’intention mais devenir une obligation autant morale que légale de l’Etat et de ceux que la “démocratie représentative” porte à sa tête.
Ainsi militer pour un revenu de base, avant de militer pour un revenu, c’est d’abord militer pour donner à chacune et chacun le droit et les moyens de vivre dignement. C’est à dire pouvoir se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner, se déplacer, accéder à l’eau et l’énergie ainsi qu’à une éducation de qualité et des activités culturelles et sociales. Mais aussi pouvoir faire des choix : lieux de vie, rythme familial, profession exercée, etc.
Nous pouvons permettre à chacune et chacun d’accéder au minimum pour vivre dignement en donnant à tous une allocation financière ou en favorisant la gratuité des biens et services essentiels.
C’est d’ailleurs ce que proposent les militants pour une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie (DIA). Ainsi en accordant les premiers kWh et m3 d’eau gratuitement, l’accès à un logement et des transports gratuits, ainsi que d’autres services indispensables tels que la scolarisation, on permet à chacun de mener une vie digne.
Cependant l’extension de la gratuité des services publics aujourd’hui n’assure pas le minimum pour vivre puisque cela ne concerne que les transports humains et du courrier, l’eau et l’énergie, l’enseignement, la santé, la justice, les pompes funèbres et certaines formes de culture. Des champs essentiels tels que le logement et l’alimentation ne sont pas concernés pas une telle extension de gratuité. Sauf donc à abolir la monnaie ou à socialiser les logements, l’agriculture et la production des biens de première nécessité, un revenu financier reste nécessaire pour garantir à chacun de quoi vivre dignement, de façon transitoire et sur une durée non mesurable à ce jour. En effet la majorité des produits sont issus d’un système de production nécessitant encore la rémunération de chacun de ses acteurs : artisans, agriculteurs, restaurateurs, manufacturiers, etc. Certaines activités peuvent s’inscrire dans une économie locale et leurs acteurs peuvent donc être rémunérés en monnaie alternative.
Ainsi en associant gratuité et revenu financier en monnaie locale et en euros, on accorde à chacun les moyens de vivre selon ses besoins et envies, mais aussi de mieux participer à la vie sociale, politique, culturelle et à toute action collective œuvrant pour le développement des communs.
Car faire baisser la pression financière capitaliste sur les individus c’est donner du temps !
D’abord “du temps de cerveau disponible”, non pour la consommation, mais pour pouvoir développer une réflexion critique, parce-qu’on libère nos pensées des difficultés financières quotidiennes, permettant ainsi de questionner la société dans laquelle nous vivons et d’en imaginer une nouvelle.
Les études sociologiques montrent que les préoccupations financières tout comme la faim impactent négativement notre capacité de jugement. La réduction, voire la suppression, de ces pensées parasites crée donc un contexte favorable à une démocratie de qualité, donnant à chacune et chacun d’entre nous le temps de réflexion nécessaire au débat social et politique. Nous pensons que la qualité d’une démocratie doit dépasser les systèmes représentatifs actuels qui renforcent l’oligarchie, et permettre le développement de toute forme souhaitable de démocratie directe.
Ensuite parce-que libérés de l’obligation de vendre notre force de travail combien d’entre nous accepterons encore des emplois aliénant et néfastes ? Ne préférerons-nous pas nous investir dans des activités plus utiles socialement mais peu ou pas rémunératrices : aide familiale, action sociale, culturelle et environnementale, etc. ?
Après le burn-out, pathologie abondamment documentée, les phénomènes actuels de bore-out et de brown-out, produits par la perte de sens au travail, nous montrent que la valeur sociale d’un emploi est souvent plus importante pour l’individu que le salaire associé. En effet, comme l’explique David Graeber (anthropologue et professeur à la London School of Economics), le néo-libéralisme crée de nombreux emplois inutiles, connus désormais sous le nom de bullshit jobs, dont les agents eux-même ne savent pas expliquer le sens : back office quality manager, corporate marketing coordinator et autres intitulés ronflants renvoient bien souvent à des emplois qui pourraient disparaître sans dommage. La disparition de certains emplois étant même bénéfique au plus grand nombre : fonctions marketing, audit hors de prix, etc.
Un nombre croissant d’actifs sont donc en quête de sens, et un revenu de base pourrait nous permettre de mener cette quête sereinement.
De plus, face à la croissance exponentielle du phénomène de métropolisation accélérée, qui provoque l’anomie croissante de grandes portions du territoire rurales et péri-urbaine, marquée par la disparition de commerces, services publics, médecins, etc, un revenu pour tous faciliterait la revitalisation de ces zones en déshérence.
Ces déplacements professionnels subis ont vidé les campagnes, et beaucoup sont toujours attachés à leur région de cœur, mais empêchés de s’y installer pour des raisons économiques et d’accessibilité aux services indispensables (éducation, santé, culture, etc.). La garantie d’une vie décente, y compris dans une perspective de décroissance, pourrait décider certaines et certains à s’installer dans de plus beaux paysages, économiquement déserts, et redynamiserait ainsi nos territoires.
Aussi, si nous n’avons plus besoin de courir après le moindre euros pour pouvoir vivre, nous serions vraisemblablement plus généreux, acceptant ainsi de donner plutôt que de vendre certains produits et services, contribuant ainsi à l’essor d’une économie du don et du partage à plus grande échelle, signe de l’avènement d’une société plus solidaire. Le revenu de base s’inscrit donc dans un refus de la marchandisation de toute activité humaine.
En conclusion, la garantie du revenu inconditionnel, quelle que soit sa forme : extension de gratuité et allocation financière, en euros et en monnaie local/complémentaire/citoyenne, est non seulement un outil solidaire de redistribution des richesses dans la lutte contre la pauvreté, et pour l’émancipation de toutes et tous, mais également un outil pour la relocalisation des activités, la décroissance, la participation citoyenne, le temps libéré, les activités choisies.
Lydie Passot (membre du comité d’éthique du MFRB) et les Inconditionnel.le.s de Lyon
Bonjour,
L’idée du revenu de base me plaît. Mais concrètement comment le financer ? Quel doit être le montant ?
Avez-vous des réponses ?
Merci d’avance.
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