Le 30 octobre dernier, le Premier Ministre demandait au député M. Christophe Sirugue de rédiger un rapport sur des réformes possibles des minima sociaux (revenu de solidarité active, allocation spécifique de solidarité, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation adulte handicapé, etc.). L’objectif annoncé est de mieux répondre aux objectifs d’équité, d’insertion, et d’efficacité, ainsi que de réduire la complexité des dispositifs afin de réduire le non-recours. M. Sirugue devra rendre son rapport courant mars.

Dans ce cadre, le MFRB a remis sa contribution au rapport de la Commission Sirugue jeudi 11 février (consultable ici), contribution rédigée par Robert Cauneau, spécialiste en finances publiques, Jean-Éric Hyafil, enseignant chercheur à Paris 1, Jean-Marie Monnier et Carlo Vercellone, respectivement professeur et maître de conférence en économie à la Sorbonne.

Compte tenu des métamorphoses du travail liées notamment à la transformation numérique, cette contribution du MFRB suggère de remplacer le RSA, allocation d’assistance stigmatisante versée au nom d’une situation de pauvreté, par une prestation justifiée par un principe d’autonomie et de droit universel.

Pour autant, la mise en oeuvre immédiate d’un revenu de base ne peut se faire sans aller de pair avec une vaste réforme fiscale. Or la réforme fiscale dépasse le cadre restreint de la mission attribuée à M. Sirugue, concentrée sur la réforme des minima sociaux.

Réformer le RSA à court terme

Prenant en compte cette contrainte dans la commande du Premier Ministre, le MFRB formule dans un premier temps des propositions de réforme du RSA qui permettraient, étape par étape, de le rapprocher d’un revenu de base, notamment :

  • supprimer la condition de recherche d’emploi pour toucher le RSA
  • modifier la règle relative à l’obligation alimentaire et le principe de subsidiarité qui en découle
  • automatiser le versement du RSA à tous ceux qui y ont droit
  • individualiser le RSA
  • verser le RSA ex-ante pour réduire à zéro les délais d’activation

La mise en œuvre de ces propositions permettrait de rendre le RSA plus efficace dans sa mission de réduire la pauvreté. Cependant, même en mettant en œuvre chacune de ces propositions, on se rend vite compte de la nécessité d’une réforme globale qui intègre l’autre mécanisme redistributif, à savoir l’impôt sur le revenu. Une première limite concerne le versement ex-ante du RSA : celui-ci est possible si l’on peut prélever les éventuels indus de RSA à la source des revenus, mais un semblable processus devrait être intégré au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Une deuxième limite concerne la question de l’individualisation du RSA : on ne peut envisager une individualisation complète du RSA – c’est-à-dire le verser à une personne sans revenu même si elle vit en couple avec une personne disposant de revenus suffisants – sans réfléchir aux moyens d’aménager le quotient conjugal – c’est-à-dire de réduire la possibilité pour la personne avec des revenus de réduire son impôt du fait qu’elle est en couple avec une personne sans revenu.

Introduire le revenu de base avec une réforme de l’impôt sur le revenu à moyen terme

Le MFRB a donc formulé une seconde série de recommandations : il s’agit de plusieurs propositions de mise en œuvre d’un revenu de base allant de pair avec une réforme de l’impôt sur le revenu. Ces propositions pourraient être applicables à moyen terme, en même temps qu’une nécessaire réforme permettant la mise en oeuvre du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source.

Suivant cette logique, le MFRB formule une diversité d’options afin de montrer l’éventail des possibles au décideur politique. Avec l’introduction du revenu de base, une multitude de réformes de l’impôt sur le revenu sont possibles, notamment des propositions de fusion de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et de la contribution sociale généralisée (CSG). En effet, les modalités de la réforme fiscale génèrent des enjeux concernant l’avenir des dépenses fiscales – aussi appelées « niches fiscales » – sur l’IRPP d’une part, et la question du maintien ou non d’une conjugalisation de l’impôt d’autre part.

Les dépenses fiscales sont largement utilisées par les ménages aisés pour réduire leur impôt sur le revenu. Il peut donc sembler judicieux de réduire leur portée. Pour autant, certaines d’entre elles jouent aussi un rôle de protection sociale, notamment pour les ménages modestes : le crédit d’impôt ouvert par le recours à la crèche ou encore pour les cotisations aux associations sportives ou culturelles, par exemple. Ainsi, toutes les dépenses fiscales ne devraient pas être supprimées, celles qui seraient maintenues pouvant être aménagées.

Le MFRB formule donc des propositions pour recalculer les dépenses fiscales de sorte que, avec une fusion de l’IRPP et de la CSG, ainsi que le prélèvement à un taux relativement élevé (20% à 30%) dès le premier euro, ces dépenses fiscales continuent à ouvrir droit à des réductions d’impôt sur le revenu autour de 34 milliards d’euros (leur poids en 2014) pour les ménages français. En outre, les propositions formulées permettraient de redistribuer l’avantage procuré par ces dépenses fiscales vers les ménages modestes.

Le MFRB a aussi formulé des propositions permettant de basculer certaines dépenses fiscales vers des mécanismes de « chèque service universel », dans le même esprit que les droits de tirages développés par les défenseurs de la dotation inconditionnelle d’autonomie. Une telle proposition permettrait d’ailleurs d’absorber les droits connexes qui sont aujourd’hui associés au RSA (réductions dans les transports ou pour certains services comme la cantine, l’accès à la culture ou l’inscription sportive).

Individualiser l’impôt ou maintenir un quotient conjugal ?

Le second enjeu est celui de l’individualisation de l’impôt. Aujourd’hui, l’IRPP est un impôt familialisé (donc conjugalisé). Faudrait-il alors individualiser l’impôt en même temps que l’on met en œuvre un revenu de base individuel ?

Dans ce rapport le MFRB a considéré deux solutions alternatives. La première consiste à fusionner l’IRPP et la CSG en un impôt purement individuel. La seconde consiste à intégrer le revenu de base dans le revenu imposable pour maintenir le quotient conjugal. Cette dernière proposition permet d’éviter une explosion de l’impôt sur le revenu pour les couples dont un conjoint aurait des revenus très importants et l’autre des revenus très faibles.

Enfin, le MFRB a envisagé des scénarios permettant de basculer certaines subventions à l’emploi vers le revenu de base, notamment l’exonération de cotisations patronales ciblée sur les bas salaires dites « exonération Fillon ».

Avec cette multitude d’options proposées, le MFRB a souhaité restituer la réforme des minima sociaux dans la perspective d’une réforme plus générale et plus ambitieuse du système redistributif français, qui associerait la mise en œuvre d’un revenu de base à une réforme fiscale.

Le MFRB se réjouit que la question du revenu de base soit désormais pris en compte par les instances décisionnaires de notre pays. D’une part à travers ce rapport, dans sa réflexion sur les minima sociaux, et d’autre part à travers celui du Conseil National du Numérique, dans sa réflexion sur l’avenir du travail et de l’emploi avec la révolution numérique. Les expertises qu’il apporte en répondant à ces considérations placent toujours plus au centre du débat, les différentes opportunités offertes par le revenu de base.

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Photo Roger Dubien – MFRBLicence CC-BY‑2.0