Le 14 mai dernier, France Inter a consacré son émission Zoom Zoom Zen au revenu universel et reçu pour l’occasion Anne Eydoux, maître de conférences au Cnam, chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise), membre du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), ainsi que des Économistes atterrés.
Anne Eydoux retrace d’abord l’histoire du revenu de base, influencée par des penseurs comme Thomas Paine, puis André Gorz et Michel Foucault, et portée en politique par Benoît Hamon.
Le Revenu de Base est-il une idée utopique ou réalisable ?
Les propositions concernant le revenu de base s’articulent autour de deux grandes visions :
- La vision libérale : insufflée par Milton Friedman, qui proposait un impôt négatif, ainsi que par Marc de Basquiat et Gaspard Koenig, cette approche envisage un revenu de base modeste, accompagné d’un impôt proportionnel ni progressif ni redistributif. Cette vision a été brièvement reprise par Nathalie Kosciusko-Morizet.
- La vision dite “de gauche” : Assimilée à l’ancien RMI, cette perspective, soutenue par Baptiste Mylondo et Jean-Eric Hyafil, prône un impôt très progressif. Benoît Hamon s’en est inspiré, bien que son projet ait été rétrogradé à une “garantie de revenu” lors des élections présidentielles.
En 2017, l’idée d’un revenu universel non stigmatisant a changé la perception des pauvres, bien que la question du financement demeure problématique. Une solution pourrait résider dans des taux d’imposition d’après-guerre, atteignant 80% et plus.
Les expérimentations du Revenu de Base
Plusieurs collectifs, comme le MFRB et le BIEN, défendent le revenu de base à travers diverses expérimentations souvent assimilées à des minimas sociaux :
- en Finlande : une aide de 560 € versée à 2000 chômeurs volontaires, conçue comme un dispositif non généralisable
- en Alaska : un revenu de base financé par un fonds pétrolier permanent, atteignant jusqu’à 3000 dollars annuels en 2022.
Des témoignages de la rue…
Une étudiante de 23 ans n’a jamais entendu parler du revenu de base. Un coiffeur se questionne sur le financement, estimant que “si c’est l’État qui finance, alors c’est nous ?”. Un homme de 63 ans s’interroge sur le sens du travail avec un revenu de base, tandis qu’un jeune chef d’entreprise de 31 ans pense qu’un revenu de base sécuriserait les entrepreneurs, suggérant un montant idéal de 1000 à 1200 €, un peu moins que le SMIC.
La question du travail et du financement du revenu universel
Des enquêtes montrent que le travail est un ingrédient essentiel au bonheur, même s’il n’est pas toujours épanouissant.
Si l’on se penche sur la question du financement du revenu universel, on observe que le modèle de Friedman et la vision de gauche remettent tous deux en question la protection sociale.
L’idée d’un revenu universel, née des craintes de l’automatisation dans les années 60, reste d’actualité, même si les statistiques ne montrent pas de fin du travail imminente.
Le principal obstacle demeure le financement. Donner le même revenu à toutes et tous, riches comme pauvres, serait extrêmement coûteux. Il serait plus efficace de proposer des garanties de revenu, moins onéreuses et mieux ciblées. Revaloriser le RSA et l’étendre à d’autres catégories dans le besoin, comme les jeunes, pourrait être une solution.
Perspectives politiques
Le revenu de base, bien que non partisan, peut être envisagé par la gauche sous l’angle de la revalorisation des garanties de revenu. Mais le climat politique actuel n’est pas propice à la lutte contre la pauvreté, ni aux garanties de revenu ou d’emploi.
En conclusion, si l’instauration d’un revenu universel semble improbable, d’autres solutions pourraient émerger.
On notera que la vision d’Anne Eydoux est avant tout celle d’une économiste, or si effectivement le revenu de base pose la question du financement, il englobe aussi bien d’autres dimensions : politique, sociale, culturelle, éthique, psychologique…qui ne sont pas abordées dans l’émission.
Si tant est qu’on réduise le concept de revenu de base à une idée viable économiquement ou pas, on ne peut que s’interroger sur l’insistance à revaloriser les minimas sociaux, sans jamais toucher aux plus hauts revenus issus du capital.
Par ailleurs, à l’ère du changement climatique et des questions de transition écologique et sociale, on ne peut faire l’impasse sur la corrélation entre activités humaines et impact environnemental, et donc sur la finalité du travail…et sa représentation.
Si l’on ne peut faire abstraction du réel et du système économique dans lequel nous vivons, nous pouvons – et devons- le remettre en cause et le revenu de base fait partie de ce questionnement.
Espérons que le sujet sera traité prochainement par les médias à la hauteur des enjeux qu’il soulève et des espoirs qu’il porte !