Un remède de cheval, aujourd’hui s’impose.
Martin-Luther King, le 31 mai 1968, fit une remarquable intervention.
« On ne peut pas aller contre la grande révolution qui se joue aujourd’hui dans le monde. En un sens, c’est une triple révolution : technologique, avec l’impact de l’automatisation et de la cybernétique ; une révolution de l’armement, avec l’émergence d’armes nucléaires et atomiques. Enfin, c’est une révolution des droits de l’homme, grâce au vent de liberté qui souffle sur le monde. Oui, nous vivons une période de révolution et il y a toujours cette voix qui appelle au changement et qui nous dit : « Je veux que tout change, les choses du passé sont révolues. »
En liaison avec un groupe d’économistes et sociologues, il milita pour un minimum garanti. Embryon de revenu de base cherchant matrice accueillante pour harmonieux, généreux développement.
. Philippe Van Parijs.
« Il faut être utopiste, plus que jamais.
Ce que j’aime dans l’utopie c’est l’ambition de transgresser les limites du politiquement faisable de l’époque, de faire exploser la pensée unique qui bride les imaginations en quête d’une société meilleure. Cette ambition Thomas More la réalise avec brio, avec une élégante pédagogie et une fraîcheur qui fait que l’Utopie conserve une lisibilité stupéfiante cinq siècles après avoir été écrite. »
Dans Philosophie Magazine, le3 mars 2010.
Philippe Van Parijs, auteur avec Yannik Vanderborght de Le revenu de base. Une proposition radicale. Ed. La découverte, 2019. Une somme sur la question du revenu de base.
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Rien n’est inscrit dans l’air
Avant de réformer, il faut compter. Toujours. Avons- nous les moyens d’accorder un revenu de base, individuel, inconditionnel, cumulable, depuis la naissance, jusqu’à la migration définitive à chaque résident citoyen ? (l’expression au masculin dans son intention embrasse également les dames. Evidemment.)
Intentionnellement, dans le précédent feuilleton, nous avons laissé quelques pages à deux auteurs « maison ». Jean-Noël Marzo et Guy Valette. Sérieux, les comptes sont valides sur le plan financier.
Ce passage par l’estimation sur le plan des finances est une étape nécessaire pour asseoir la crédibilité des propositions du MFRB.
Pour étoffer le dossier financier, d’autres auteurs auraient pouvaient être cités. Philip Van Parijs qui n’a droit qu’à une citation en exergue, Baptiste Mylondo défenseur décroissant d’un revenu de base chiffré…quelques autres…Nous ne visons guère l’exhaustivité, les plus exigeants des lecteurs, sur le net, complèterons mon insuffisance.
Pour un instant restons sur cette étape dans la finance, nécessaire, non suffisante.
Pour établir un revenu de base durable en consistant une réforme fiscale d’importance serait nécessaire (cf. les précédents feuilletons).
Pour dire vrai, les hyper-riches devront accepter d’écorner quelque peu leurs imposantes cagnottes. L’impôt sur la fortune, les importantes subventions aux entreprises (CICE), l’opportuniste « flat tasks », du côté de la fraude fiscale, des « optimisations » financières, la fiscalité stratégique qui devient de plus en plus légère pour les entreprises…
La guerre en Ukraine est une aubaine pour le complexe militaro-industriel français et plus encore états-unien.
Il y a des trésors cachés et des magots évadés, il est envisageable et nécessaire de les mettre dans le pot commun. La misère n’est pas une fatalité, mais la conséquence de choix politiques.
Nonobstant, l’objet du présent article n’est pas de faire un audit précis.
Simple énumération d’évidences, une perception immédiate de bon sens fait percevoir que le revenu de base, c’est possible, financièrement soutenable, sous réserve de procéder à une autre répartition de la richesse .
Ce ne sera pas simple et facile.
Il faut à notre démocratie vacillante appliquer un remède de cheval.
Les fondements même de l’édifice sont fragilisés.
Nous sommes au seuil d’une disruption dans l’économie. Automatisation et robotisation dopées à l’Intelligence Artificielle (IA) vont nous contraindre à réexaminer la place, l’importance réévaluée du travail tant à l’échelle de la vie, que dans la société globale.
Présentement, la surproduction, l’abondance jetable pour une partie des consommateurs, sur un autre versant plus sombre, la « frugalité » subie par les millions de personnes sous le seuil de pauvreté, cette bipolarisation insupportable est lourde de dangers, d’opportunités pour les démagogues extrémistes.
Les tiédeurs, timidités ne sont plus de circonstances. Quand au dérèglement économique, politique vient s’ajouter le dérèglement climatique, il nous faut constater : l’heure est grave.
Il s’agit bien ce concevoir et de mettre en œuvre des mesures innovantes, positives, radicales.
Une utopie réaliste est à mettre à l’ordre du jour.
Il ne sert à rien de fouetter un cheval mort. C’est bien avant qu’il faut agir.
Préventivement, un traitement sévère mais efficace, la mise en branle de grands moyens sont nécessaire pour combattre le mal. Un remède de cheval, en formulation populaire.
L’animal libéral ne partira plus, ou – et c’est pire – pour nous entraîner, dans un dernier sursaut, cahin-caha vers l’abîme.
Il nous faut refuser la vie au jour le jour, et assurer à toutes et tous une suffisance économique, fut-elle modeste, sans laquelle l’exercice effectif, politique d’une vie digne est une illusion, un mensonge au service des ploutocrates globalisés.
Un revenu qui met à l’abri des soucis pécuniaires est une condition nécessaire – non suffisante – cette question est à mettre à l’ordre du jour, expressément.
Le financement d’une telle impérative nécessité, ne doit pas être considéré comme vaine et généreuse dépense, mais comme investissement pour progresser vers le changement de société nécessaire. Il nous faut innover ou subir.
L’utopie ou le désastre, l’échéance est proche où il nous faudra choisir l’itinéraire de la bifurcation.
Nous avons les moyens, reste à choisir le moment.
En deçà de la finance, l’utopie constructive, toujours, et depuis Thomas More (cf. feuilleton n° 1), se conçoit et s’appuie sur une vision, une volonté, une rupture culturelle.
Ce qui était irréaliste en mai 1936, le Front Populaire historique, qui de haute lutte institua, les congés payés, l’augmentation conséquente des salaires et des retraites, les comités d’entreprises, les nationalisations,… l’impossible de mai, s’actualisa en juin.
Les économistes calculateurs, les réalistes patentés, les privilégiés retranchés, bref, les récitants du bréviaire réaliste, qui sourdement, de fait, plaident pour une soumission au réel, cette cohorte en meute s’indigna : 15 jours de loisirs, payés pour s’en aller pédaler en tandem vers la Normandie !
Ajoutons les initiatives joyeuses des plus audacieux du prolétariat en voie d’émancipation, qui d’assaut prirent les trains propulsés par les locomotives à vapeur, alimentées en charbon par des mineurs syndiqués chez les rouges.
Avant les privatisations, la SNCF avait les moyens d’accorder une réduction de 30 % congés payés à tous les ouvriers échappés des usines pour prendre le grand air.
Après juin 1936, mai 1968, quand le Smig devint Smic
Il y eu en mai 68 quelques agitations au quartier latin. Défiants toutes la lois de la pesanteur de nombreux pavés s’envolèrent dans la direction des forces de l’ordre capitaliste.
Un autre moment, opportunité où l’on vit l’impensable prendre corps, l’utopie, s’incarner quelque peu, avec des effets concrets dans la vie quotidienne.
Insuffisante énumération.
. Le Smig devint Smic. Le Salaire minimum Interprofessionnel Garanti se transforma en Salaire Minimum de Croissance. Une augmentation immédiate de plus de 25 % enrichit immédiatement les Smicards en pétard. (Je crois me souvenir que les bouseux attardés n’avaient droit qu’à un Smag, salaire minimum agricole.)
. Le minimum vieillesse crû d’un montant de même grandeur.
. La quatrième semaine de congés payés fut conquises en cet imprévisible mois printanier.
. Les comités d’entreprises s’installèrent durablement.
…
Ce que mai vit éclore, n’était en avril qu’ inconcevable, improbable germination.
Epoque épique et complexe où sourdement, guère audibles en cette lointaine époque, les Décroissants fourbissaient leurs armes critiques, La Gueule Ouverte devint dès 1972, l’évangile des plus vertueux essayant la simplicité volontaire. Le sauvage en 1973, offrit ses colonnes à André Gorz qui posait les premières pierres pour Bâtir la société du temps libéré. Ce n’est qu’en 1997, dans Misères du présent, Richesse du possible, qu’il se fit défenseur d’un revenu de base suffisant.
Quelques lignes de cet ouvrage pour conforter l’urgence du remède de cheval, le pas de côté pour rencontrer l’utopie, réaliste et nécessaire.
« Il faut apprendre à discerner les chose non réalisées qui sommeillent dans les replis du présent. Il faut vouloir s’emparer des choses, s’emparer de ce qui change.
Il faut oser rompre avec cette société du travail qui meurt et ne renaîtra plus. Il faut oser l’Exode.
[…] Il faut oser l’exode hors la « société du travail » Il faut que le « travail »perde sa centralité dans la conscience, la pensée, l’imagination de tous : il faut apprendre à porter sur lui un regard différent, ne plus le penser comme ce qu’on a ou qu’on a pas, mais comme ce que nous faisons. »
A.G.
Comme il a été dit plus haut : il convient de penser le revenu de base, non comme une dépense, mais comme un investissement. A minima pour permettre l’Exode hors la société du travail.
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Ce feuilleton n°10 est le dernier de cette série.
Terminons sur une note révolutionnaire et lyrique qui fut énoncée et ressassée durant la période « soixanthuitarde » évoquée plus haut :
Soyons réalistes, exigeons l’impossible !