Une pétition de 2008 demandant l’instauration du revenu de base en Allemagne a été rejetée par le parlement allemand en l’espace de quelques instants, sans débat. Un coup dur pour le mouvement social allemand du revenu de base ?

Une pile de dossiers à voter en moins d’une heure avant la pause estivale : c’est l’exercice auquel devaient se livrer les parlementaires allemands le 27 juin dernier. L’événement aurait pu passer quasi-inaperçu, sauf que parmi les sujets à l’ordre du jour se trouvait une pétition citoyenne en faveur du revenu de base inconditionnel.

Suivant la recommandation de la commission des pétitions, les députés ont voté la clôture de cette pétition. Et c’est ainsi qu’en quelques instants, cette proposition de réforme profonde du système social est envoyée aux oubliettes, ainsi que 610 autres initiatives populaires…

Susanne Wiest accompagné de Enno Schmidt et Dani Häni.
Susanne Wiest accompagné de Enno Schmidt et Daniel Häni.

La pétition demandant l’introduction d’un revenu de base avait été lancée à l’initiative de Susanne Wiest le 10 décembre 2008. Portant pour titre “Propositions de réforme de l’assurance sociale – Revenu de base inconditionnel,” elle demandait au Parlement allemand de “s’engager à mettre en place le revenu de base inconditionnel” à hauteur de 1 500€ par adulte et 1000€ par enfant.”

Le texte appuyant cette proposition introduisait le revenu de base en contestation aux réformes Hartz IV, comme solution face aux échecs du système de redistribution actuel et aux chiffres inquiétants du chômage. Elle suggérait par ailleurs de financer une telle mesure en regroupant les impôts sous forme d’une taxe unique sur la consommation.

Selon la règlementation sur les pétitions publiques en ligne, le texte devait réunir au moins 50.000 signatures de soutien en une période de quatre semaines afin d’obtenir une audience publique auprès de la commission des pétitions du Bundestag. Avec près de 53 000 signatures récoltées entre décembre 2008 et février 2009, la pétition portée par Susanne Wiest avait suscité à l’époque des débats très riches sur le site du Bundestag. Et grâce au succès de la collecte, Susanne Wiest avait même été invitée à défendre le revenu de base devant la commission des pétitions du parlement allemand (voir la vidéo ci dessous).

Déficit démocratique

Jusque là, le processus démocratique semble suivre son cours sans encombres, avec un vote au Bundestag en juin 2013 censé représenter l’avis des députés quant à la clôture ou l’approbation de la proposition de réforme.

Mais, faute d’avoir réuni un quorum de 5% des députés ou d’une demande provenant d’un groupe politque, le débat n’aura pas lieu. Un déficit démocratique que déplore l’initiatrice de la pétition :

La pétition a été une impulsion pour porter le thème du revenu de base inconditionnel, largement discuté dans la société, au Bundestag. Je pars du principe qu’un débat a déjà eu lieu au Bundestag. Mais aucun élément n’a filtré vers l’« extérieur ». Le débat en séance plénière serait une occasion idéale pour présenter de manière compréhensible les arguments et le discours parlementaire à tous les citoyens qui ont cosigné cette pétition, ou qui s’intéressent à la question. J’y invite les députés dans une lettre ouverte.

Une partie des membres de Die Linke (gauche radicale) et Die Grüne (Les Verts) s’étaient déjà prononcés en faveur du revenu de base mais cette mesure est loin de faire l’unanimité au sein de ces deux partis, ce qui explique le maintien du statu quo lors de la séance parlementaire qui a scellé le sort de la pétition 1422.

Rendez-vous à l’automne

Si le rendez-vous manqué au Bundestag est vécu comme un revers, tout n’est pas perdu pour les partisans du revenu de base. En écho aux débats qui ont eu lieu dans la société allemande depuis presque quatre ans, le thème du revenu de base figure parmi les sujets de clivage à l’approche des élections législatives du 22 septembre.

D’ailleurs, une grande manifestation est prévue à Berlin le 14 septembre – la veille des élection en Bavière et une semaine avant les élection fédérales – afin de faire monter la pression sur la classe politique allemande, et exiger l’introduction d’un revenu de base.
Par ailleurs, bien que Die Linke et Die Grüne semblent divisés, leurs programmes prévoient la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le revenu de base et les réformes de la sécurité sociale. Susanne Wiest s’est elle-même portée candidate pour le Parti Pirate dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale avec pour revendication phare le revenu de base.

Depuis fin 2008, partisans et opposants du revenu de base font vivre le débat démocratique en Allemagne en réfléchissant au type de société qu’ils souhaitent construire ensemble. En plus de quatre ans, l’idée s’est diffusée jusqu’à devenir un thème majeur sur la scène politique. La clôture de la pétition lancée par Susanne Wiest ne fait peut être que clore un chapitre… pour mieux remettre l’ouvrage au métier ?


Traduction de la citation et recueil d’informations par Sébastien Desautel
Crédit photo : Paternité enovision.net ; PaternitéPas d'utilisation commerciale Nils Bremer