« Il y a de toute façon une obligation éthique et intellectuelle d’étudier sa faisabilité et de tenter son expérimentation. » (Cynthia Fleury, Pour un revenu de base universel)
« La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. » (Article 37 – 1 de la Constitution)
Voir le revenu de base pour le croire
« Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » dit Jésus à Thomas son sceptique disciple, celui « qui ne croit que ce qu’il voit », constatant enfin de ses propres yeux la réalité de la résurrection. À la vérité nous sommes pratiquement tous des Thomas et cela comprend l’auteur de ces lignes : et c’est bien parce que j’ai vu de mes propres yeux, sur ma propre personne, les vertus potentielles du revenu de base que j’y crois aussi fort aujourd’hui. Cette vision, dont il me semble important de témoigner pour illustrer concrètement le propos, s’est faite au travers d’une expérimentation personnelle pendant un certain temps d’un dispositif ayant un très très vague air de famille : le RSA.
Après un échec entrepreneurial je me suis trouvé, il y a environ trois ans, dans la pénible situation d’avoir pratiquement épuisé toutes mes économies, d’être sans ressources n’ayant pas droit aux ASSEDIC et de me sentir complètement exclu du marché du travail, sans capacité de rebond et portant les stigmates d’une expérience « atypique » et « échouée » – ce qui est généralement très mal vu et assumé. Sans le soutien inconditionnel de ma famille à l’époque, et toujours aujourd’hui, je serais tout bonnement SDF. Pendant longtemps j’ai considéré le fait de demander le RSA comme infamant et déclassant pour un diplômé d’une Grande École et ancien cadre supérieur. J’ai ainsi fait partie de ce contingent d’un bon tiers environ des bénéficiaires potentiels qui n’ont pas recours au RSA, soit pour mes raisons de l’époque, soit par ignorance du dispositif, soit par rejet d’une expérience qui s’avère humiliante dans sa gestion et très lourde administrativement.
Mais au bout d’un moment je me suis dit que j’étais assez c** de ne pas réclamer un droit inscrit dans la loi. Les effets bénéfiques furent nombreux. Certes un niveau d’un peu moins de 500 euros ne me permettait pas de vivre sans le soutien de fond de ma famille, mais il me donnait un peu d’autonomie et soulageait mes angoisses. Plus qu’assisté je me sentais moralement soutenu par la société. J’ai aussi développé spontanément tout ce que les théoriciens du revenu de base annoncent, à savoir un développement des activités productives socialement mais non-salariées permises par mon nouveau temps libre : accompagnement et soutien de famille en situation de dépendance en ayant le temps de le faire, participation accrue à la vie de la cité en tant que militant et bénévole, formation à un nouveau métier et acquisition de nouvelles compétences pour le long terme, production de connaissances en ligne gratuites, développement d’activités d’entrepreneuriat social et au final recherche d’emploi salarié sans ressentir la moindre incitation à la paresse par ce revenu. Je fus d’ailleurs, pour la petite histoire, radié du dispositif RSA sans motif alors que j’étais à plein par mes actions dans la « valeur travail ». Voilà pourquoi, sur la base de mon vécu, « j’y crois au revenu de base ».
L’heure de l’expérimentation est venue
« Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue » disait Victor Hugo. L’heure de son instauration pleine et entière n’est peut-être pas encore venue : mais celle de l’expérimentation du revenu de base l’est, elle, très certainement, dans une France qui finira tôt ou tard par suivre le sens de l’Histoire. Expérimenté aux quatre coins du monde depuis les années 80, le revenu de base connaît actuellement une importante nouvelle vague d’expérimentations dans des pays très divers, y compris l’Allemagne à partir de mai 2019.
Une Mission d’Information du Sénat avait reconnu en octobre 2016 l’intérêt de l’idée d’un revenu de base et recommandé son expérimentation. Depuis, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a donné un avis favorable à l’instauration d’un revenu minimum social garanti ; la Gironde (pionnière dans le domaine) et 17 autres départements ont manifesté leur souhait d’expérimenter le revenu de base sur leurs territoires et une proposition de loi d’origine socialiste a été enregistrée en décembre 2018 pour permettre ces expérimentations, qui devrait être discutée fin janvier 2019. Les deux principales associations faisant en France le plaidoyer de l’instauration du revenu de base, le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) et l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE), ont toutes deux suggéré le revenu de base comme une des solutions permettant la sortie de la crise actuelle des gilets jaunes.
Comme le définissait une précédente publication, en reprenant les termes du MFRB, le revenu de base est « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »
Pour ceux qui s’en font les défenseurs, comme le MFRB, un revenu de base serait un outil pertinent pour :
- éradiquer la grande pauvreté qui touche neuf millions de personnes soit 14% de nos concitoyens ;
- redistribuer la nouvelle richesse produite par les progrès de la robotisation et de l’intelligence artificielle qui, selon des études convergentes, supprimeraient 50% des emplois actuels dans un horizon de temps très court ;
- émanciper notre relation au travail en rééquilibrant le rapport de négociation employé-employeur et en offrant plus de choix de vies professionnelles ;
- promouvoir des activités non salariées aujourd’hui (soutien de famille, bénévolat, participation citoyenne, créativité) qui pourtant ont une valeur sociale très forte ;
- émanciper des populations comme les femmes et les jeunes ;
- pallier les déficiences de certains dispositifs sociaux comme le RSA qui s’avèrent être des trappes à précarité ;
- contribuer à créer une société plus frugale au plan de la consommation dans une perspective de développement durable. Son instauration universelle exigerait une refonte du système socio-fiscal.
Bref, on l’aura compris, le revenu de base est beaucoup plus qu’un RSA amélioré à la marge : il s’agit ni plus ni moins, dans sa forme forte, d’une nouvelle philosophie économique et sociale. C’est ce qu’on appelle en sciences un changement de paradigme, une nouvelle représentation du monde, à l’instar du changement qui nous a fait passer avec Copernic d’un univers tournant autour de la terre à une terre tournant autour du soleil. Vu l’ampleur de la révolution socio-économique envisagée il ne serait pas raisonnable de vouloir instaurer un réel revenu de base sans une phase d’expérimentation qui permettrait de démontrer ses avantages et mettre en évidence ses effets induits. Toute nouvelle théorie scientifique ne peut faire l’économie de l’expérimentation et elle doit se risquer à des contextes expérimentaux qui pourraient la réfuter car c’est à ce prix qu’une théorie peut être dite scientifique.
Le Sénat propose…
« Seule une mise en œuvre concrète expérimentale est de nature à permettre de mieux examiner les effets potentiels de l’introduction d’un revenu de base » : dans sa grande sagesse, la Mission d’Information du Sénat a jugé que le revenu de base était une théorie « intéressante » et qu’au vu de l’urgence sociale de l’éradication de la grande pauvreté et de la précarité il était raisonnable et pragmatique de faire cette théorie de l’ « utopie » à la pratique, en faisant le premier petit pas de l’expérimentation. Tout comme ce fut le cas du RSA et actuellement de l’initiative « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». La Mission a en effet estimé qu’il serait irréaliste de souhaiter instaurer un revenu de base dans la mesure où les études prospectives actuelles restent trop théoriques, et où les incidences sociologiques et comportementales ne peuvent être déterminées que de manière empirique, les expériences étrangères à ce jour (même si elles donnent des résultats encourageants, nous y reviendrons dans une future publication) n’ayant pas été assez probantes et conduites dans des contextes très différents de la France (un point tout à fait valide).
S’agissant de l’expérimentation préconisée, la Mission recommandait :
- qu’elle prenne place, pour une durée de trois ans, sur plusieurs territoires situés dans des départements volontaires ;
- qu’elle soit centrée sur la lutte contre la précarité et l’insertion dans l’emploi, donnant lieu à une évaluation au moyen d’indicateurs définis par un comité scientifique ;
- qu’elle permette de tester et de comparer les effets concrets de plusieurs modalités d’un revenu de base sur plusieurs segments de la société, en particulier les 18 – 25 ans et les 50 – 65 ans ;
- qu’elle concerne un nombre de bénéficiaires suffisant pour que les données récoltées soient signifiantes, c’est‑à-dire entre 20 000 et 30 000 personnes, ce qui représenterait un coût de l’ordre de 100 à 150 millions d’euros par an, pris en charge par l’État.
… Quelque chose de pas si simple
On notera chez la Mission la recommandation, conforme à l’exigence scientifique, de tester plusieurs variantes du revenu de base. On objectera cependant trois éléments suggérés par cette Mission : le montant proposé équivalent au RSA actuel autour de 500 euros ; le fléchage vers les personnes en précarité ; l’absence de volet fiscal à l’expérimentation.
Un niveau de 500 euros serait en effet trop bas pour répondre à la Mission première même du revenu de base telle que l’envisage la Mission, à savoir l’éradication de la grande pauvreté. Si ce montant est déterminé à ce niveau, ce n’est pas pour des raisons budgétaires vu la petite taille de de l’expérimentation, c’est parce qu’un niveau plus élevé conduirait à une incitation à ne plus travailler. Or, précisément, dans la mesure où c’est une des principales objections faites a priori au revenu de base, il est important d’établir un niveau de revenu qui puisse tester les arbitrages éventuels qui pourraient être faits par les bénéficiaires. Au final un niveau de 1000 euros (quelque part entre seuil de pauvreté et smic), comme le propose aujourd’hui le mouvement Génération.s, constituerait assurément au plan expérimental un bien meilleur niveau.
Un fléchage vers les personnes en précarité (comme cela a été récemment fait en Finlande, qui a d’ailleurs mis fin à l’expérimentation, comme quoi elle ne devait pas être très probante) ne permettrait pas de valider les conséquences d’un de ces piliers – l’universalité – et nous priverait de la possibilité d’observer les incidences sociologiques et comportementales sur l’ensemble de la population. Dans ce sens il faudrait être en mesure d’évaluer le comportement de ceux – personnes et entreprises – qui seraient des contributeurs net dans le cadre d’une refonte du système socio-fiscal. La Mission a considéré que l’expérimentation de ses modalités de fonctionnement par l’impôt apparaît juridiquement « délicate » de par le principe constitutionnel général d’égalité devant l’impôt, tout en suggérant qu’une expérimentation fiscale pourrait se faire théoriquement sans inconstitutionnalité manifeste : c’est un point essentiel qui reste à creuser.
Paradoxalement l’une des principales critiques à l’approche expérimentale est venue de Philippe Van Parijs, professeur à l’Université catholique de Louvain et l’une des principales voix dans le monde pour l’instauration d’un revenu de base, qui a souligné lors d’une audition les biais scientifiques d’une telle démarche ainsi que l’impossibilité d’en tirer une évaluation réellement incontestable. « Selon lui, une expérimentation du revenu de base se heurte en effet à trois difficultés :
- d’une part, sa durée nécessairement limitée qui fausserait les comportements des bénéficiaires, puisque ces derniers intégreront le fait que la mesure est de nature temporaire. Dès lors, il ne serait guère possible d’évaluer si, véritablement, le revenu de base peut agir comme un élément moteur pour mieux choisir son emploi ou ses modalités d’exercice ;
- d’autre part, l’impossibilité de mesurer véritablement la dynamique créée à long terme sur le marché de l’emploi par cette mesure. Il estime ainsi qu’une série d’emplois, qui augmentent considérablement le capital humain mais qui génèrent, dans le même temps, des revenus incertains, devrait se développer, mais dont les effets réels ne pourront être détectés du fait du caractère nécessairement restrictif de l’échantillon de personnes bénéficiaires de cette expérimentation par rapport au marché du travail global ;
- enfin, le fait que, en pratique, l’on ne pourra pas mettre dans l’échantillon des bénéficiaires au titre de l’expérimentation des personnes qui, le cas échéant, seraient perdantes en cas d’introduction d’un revenu de base. Aussi, dès lors que tous les contributeurs nets, suite à la reforme, seront nécessairement exclus de l’échantillon, ceux qui sont opposés à la mesure, quelle qu’en soit la forme, pourront toujours réfuter une quelconque valeur méthodologique à l’échantillon.
Le dernier point de Van Parijs rejoint l’observation précédente qu’il serait plus que souhaitable qu’une expérimentation soit aussi celle d’une expérimentation d’une réforme fiscale appliquée localement. Concernant la durée de trois ans proposées par la Mission d’Information est probablement trop courte pour pouvoir mesurer à long terme les effets d’une telle mesure et Guy Valette a sans doute raison de considérer cinq ans comme un minimum. Des auteurs du revenu de base comme Robert Cauneau ont rejoint tout à fait les avertissements de Van Parijs sur les limites et les risques d’une approche expérimentale. Il considère que, telle qu’elle est envisagée par les départements, l’expérimentation du revenu de base est assise sur une vision d’un simple outil d’ingénierie sociale, qu’elle connaîtra d’importants biais méthodologiques, qu’elle ne permettra pas d’expérimenter la faisabilité politique, et qu’elle ne concerne pas un revenu ni universel, ni inconditionnel, ni individuel, donc un avatar du « vrai » revenu de base universel. « A‑t-on expérimenté la Sécurité Sociale », entend-on parfois ? Mais bien sûr dans ce cas précis, les conséquences sociologiques étaient bien plus prévisibles que dans le cas du revenu de base où nous sommes davantage en territoire inconnu, notamment sur le marché de l’emploi et l’effet (à la hausse comme à la baisse) sur les salaires.
Un comité scientifique est nécessaire…
Une expérimentation ne pourra certes jamais remplacer au plan de l’analyse une expérience grandeur nature, mais elle reste un mal nécessaire dans ce cas précis, qui se heurte à de fortes résistances dans l’opinion, sagement conclu la Mission. Celle-ci a néanmoins entendu ce type d’objections méthodologiques et a ainsi mis au centre du dispositif d’expérimentation un comité scientifique, national et pluridisciplinaire, garant de la qualité scientifique de la démarche, et chargé de définir les modalités techniques de l’expérimentation. Selon la Mission, « il lui reviendrait de sélectionner, parmi les territoires proposés par les départements, ceux qui présentent les caractéristiques économiques et sociales les plus pertinentes scientifiquement pour participer à l’expérimentation, et de définir les territoires de contrôle idoines. Lui incomberait également de proposer les conditions de mise en œuvre pratique des différentes variantes expérimentées. Il serait également chargé de piloter les travaux d’évaluation de l’expérimentation, par l’exploitation des données recueillies. Dans ce cadre, il serait souhaitable que des partenariats puissent être noués avec des instituts de recherches publics ou privés qui pourraient ainsi mener en pratique les mesures d’évaluation. »
Un tel comité scientifique est un point crucial de toute expérimentation du revenu de base pour qu’elle puisse être jugée probante et préparer le terrain de son instauration. Il devrait compter parmi ses membres des représentants du MFRB et de l’AIRE, organisations affiliées au Basic Income Earth Network (BIEN) animé Philippe Van Parijs, qui au vu de son expertise a émis le plus de commentaires méthodologiques éclairés sur le sujet. Face aux sceptiques de l’expérimentation comme Guillaume Allègre, Clément Cayol du MFRB défend l’idée que les expérimentations de revenu de base sont un chemin possible vers l’instauration et recommande une méthodologie sur l’application à des communautés permettant de mesurer les effets globaux d’une telle mesure… à commencer par l’acceptabilité politique d’une telle mesure par les plus riches en faveur des plus pauvres.
A ce titre nous pouvons émettre un commentaire à l’égard de l’ambitieuse et bienvenue proposition de loi sur le sujet qui sera prochainement l’objet d’un débat parlementaire. Cette proposition en son article 7 fait référence à un comité scientifique : « Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique réalise un rapport d’évaluation de la mise en place du revenu de base » dit la proposition. C’est insuffisant. Le comité scientifique doit être présent dès le départ de l’expérimentation (et de fait bien avant) pour s’assurer que ses paramètres permettent de réaliser une expérience scientifiquement probante. Espérons que ce point sera débattu dans le sens des recommandations de la Mission d’Information du Sénat, et qu’il sera donné au comité scientifique la place centrale qui lui est nécessaire d’occuper pour évaluer la faisabilité de ce véritable changement de paradigme socio-économique qu’est le revenu de base.
… Tout comme une participation active des citoyens dans l’expérimentation
Mais après tout, « nous ne sommes pas des cobayes ! » pourrait être la réaction spontanée et légitime du citoyen moyen qui se verrait imposer un protocole expérimental lourd « par le haut » de la part de technocrates et de scientifiques. Une participation réellement démocratique au processus de décision de la part des citoyens ne saurait se limiter à compléter des questionnaires de satisfaction ou répondre à des interviews scriptées. Il faut aussi relativiser les approches scientistes qui mettraient l’économie comme discipline absolue, alors qu’elle a maintes fois montré ses limites tant prédictives qu’ analytiques. Dans la mesure où le revenu de base est censé développer les vertus civiques, il serait plus que cohérent que l’expérimentation soit aussi appropriée « par le bas » par les citoyens eux-mêmes dans des forums d’expression libre. Un comité citoyen souverain pourrait coexister aux côtés du comité scientifique avant et durant toute la durée de l’expérimentation pour créer véritablement les conditions d’un débat politique global dont on ne peut pas faire l’économie sur ce sujet. Pourquoi pas un référendum en fin d’expérimentation ?
Un comité scientifique, un comité politique (associations, élus …}, des groupes de paroles mensuels (bénéficiaires): comme dans un protocole médicinal.
Je crois que la mise en place du Revenu de Base ne peut et ne doit pas rester contingentée dans le carcan l’économie de la monnaie dette dans laquelle fonctionne notre économie.
A ce jour, nous raisonnons le Revenu de Base comme un ressource fournie aux ayants droits en Euros ( c’est à dire une devise qui s’évalue par rapport au Dollar US sur le marché FOREX ). Ressource qu’il va falloir emprunter ( et/ou pour laquelle il va falloir trouver des économies de fonctionnement) .
Si l’on imagine un le Revenu de Base de 1000€ par mois le Revenu de Base par an pour 67 millions de français couterait plus de 800 milliards € !
Dès lors, il faut et il est possible de repenser la rôle et le fonctionnement de la monnaie pour générer une Monnaie Numérique Sociale (MNS) qui soit une monnaie spécifique permettant de multiplier et d’accélérer les échanges sans recourir au crédit bancaire .
Il faut aussi que la MNS ne soit pas une devise qui s’échange et fluctue sur le marché des changes (FOREX) Notez que c’est la situation du Yuan chinois par exemple.
Pour être compréhensible et évaluable par tous les utilisateurs la valeur de l’unité de compte de MNS doit être équivalente à la valeur de l’Euro. De sorte que les prix et les montants échangés ne requièrent pas de la part de l’utilisateur qu’il se livre à des calculs compliqués.
Mais la MNS ne fonctionne que comme un véhicule d’échange entre détenteurs autorisés, identifiés et authentifiés.
Par contre il doit être possible de changer des unités de MNS en Euros ( ou en dollars ) . Cette opération est totalement régulée et opérée par l’autorité d’émission . (contrôle de change)
Ainsi La MNS ne nécessite d’emprunter que les sommes résultants d’une demande de change par un détenteur de compte. Cette opération de change s’effectue à l’extérieur de l’écosystème de la MSN et n’affecte pas la masse monétaire et la quantité de monnaie en circulation qui restent stables .
En outre, les opérations de change donne lieu à des frais collectés sur le demandeur du change ( à l’instar du restaurant qui paye une (forte) commission pour changer en Euros les tickets restaurants qu’il a encaissé.
Bien entendu l’autorité monétaire pourra ( comme toute banque qui fait du crédit aujourd’hui ) marger sur son change pour non seulement ne pas creuser sa dette à fonds perdus mais pour commencer à la rembourser la dette précédemment accumulée.
Quelques observations sur les objectifs et services attendus du Revenu de Base :
Le Revenu de Base devrait d’abord servir à satisfaire les besoins de base – Logement, transport, éducation, santé, alimentation, culture, salaire, retraite micro paiement et transfert, aide intergénérationnelle :
Pour réaliser cette capacité il faut bâtir un Revenu de Base en monnaie affectée – comme le sont le chèque déjeuner, le chèque vacance ou les points de fidélité .
En d’autres termes l’argent alloué ne peut être utilisé pour autre chose que pour des dépenses sociales et locales, des échanges entre particuliers, pour financer la création d’emplois de proximité – même pour des micros taches à la volée – , pour des achats chez les commerçants affiliés, pour l’accueil et les échanges avec les touristes ou pour le paiement de salaires etc… .
La ressource allouée en Revenu de Base ne doit pas pouvoir être épargnée, ni servir à acheter des écrans plats chinois , de la drogue ou des vacances à l’étranger.
De plus le Revenu de Base doit impérativement circuler et ne doit pas pouvoir servir de réserve de valeur.(sinon l’argent alloué dépensé par ceux qui en ont le plus besoin sera rapidement accumulé par ceux qui en ont le moins (ou pas) besoin .)
Les règles d’attribution (exemple si vous ne dépensez pas tout le montant d’allocation du mois vous ne recevez qu’un complément d’allocation le mois suivant) , l’obligation d’échanger interdisant l’accumulation en réserve d’épargne ou pire en ressources pour la spéculation financière.
Quelques observations sur la forme de la Monnaie et les services qu’elle peut rendre :
Le lecteur trouvera une présentation du rôle et des formes de la monnaie en général (fiduciaire – électronique – numérique) ici http://www.forumatena.org/files/presentation-atena-etat-plateforme-levy-dreyfus-11 – 05-18.pdf .
Pour garantir la durabilité et les échanges du Revenu de Base, la monnaie ne doit en aucun cas être délivrée sous forme fiduciaire – ( billets et pièces) mais uniquement sous forme de monnaie dématérialisée gérée via des comptes régulés .
Ce qui permettra non seulement d’éviter que les billets s’échouent dans les cassettes et les matelas et donc arrêtent de circuler.
Le fait que les transactions soient dématérialisées permet de vérifier les détails de l’usage qui est fait de chaque centime alloué en Revenu de Base,
Pour autant la MNS ne doit pas fonctionner en monnaie électronique dont l’utilisation implique des véhicules de paiement et d’encaissement physiques – Cartes et Terminaux de Paiement et souffrent de risques de sécurité et de fraude sur les transactions en ligne.
A la différence de la monnaie électronique une monnaie numérique fonctionne sans objets physique (cartes, terminaux) directement en temps réel sur un serveur Internet .
De ce fait il possible d’analyser et d’autoriser chaque transaction selon des règles d’utilisation tant pour celui qui paye que pour celui qui encaisse.
En pratique, il existe sur le marché des applications de porte-monnaie en monnaie numérique :
les néo banques comme N26, Revolut, Lydia Swich en Europe ou PayTM en Inde et Alipay en Chine Ces applications démontrent la simplicité, la facilité et le coût fonctionnel très bas des échanges en monnaie numérique.
Pour autant ces solutions imposent que chaque détenteur d’un compte dispose de son propre smartphone sur lequel il aura chargé l’application fournie par la néo banque, qu’il se trouve couvert par un réseau 4G ou wifi et qu’il ait la compétence d’utilisation.
En fait par construction ce type d’application ne concerne qu’une partie des ayants droit au Revenu de Base .
Or pour que le Revenu de Base fonctionne, il faut et il suffit que chacun, chaque ayant droit puisse l’utiliser facilement et simplement sans aucun pré requis – de mêm que tout le monde sait et peut utiliser la monnaie fiduciaire.
Ce que propose l’architecture de server Fone4 qui permet d’opérer de manière très facile des paiements et des transferts d’argent par de simples coups de fil depuis n’importe quel téléphone.
N’hésitez pas à me contacter pour une démonstration fonctionnelle.
jmld@fonetopay.com
Il peut être intéressant de rappeler que les recettes publiques ne sont pas toutes d’origine fiscale et qu’une allocation inconditionnelle ne doit pas forcément être financée par l’impôt.
En France, l’Etat pourrait verser chaque mois aux résidents légaux un dividende social mensuel (allocation inconditionnelle de montant variable) financé par une part de ses recettes non contributives et versé en EURO, donc en monnaie pérenne. Les collectivités régionales pourraient alors verser à chaque résident un décompte en monnaie complémentaire fondante pour un montant équivalent au seuil de pauvreté (chômeur)/salaire décent (travailleur) moins le montant de dividende social perçu. Dans cette optique, je préconise que le seuil de pauvreté ne soit jamais fixé à moins de 1000 EUR/mois et le salaire décent pour un travailleur à temps plein à moins de 150% du seuil de pauvreté soit 1500 EUR/mois minimum.
Ensuite, il faut tenir compte qu’une allocation inconditionnelle peut être mise en oeuvre en conjonction avec l’octroi de deux types d’aide à l’embauche pour les entreprises :
‑La déductibilité fiscale du salaire : elle consiste à permettre à une entreprise bénéficiaire (donc non fictive) de déduire fiscalement une partie du salaire, le montant du salaire ou le montant du salaire avec une majoration pour chaque salarié répondant aux conditions fixées.
‑La déductibilité salariale de l’allocation inconditionnelle : Elle consiste à permettre à l’employeur de ne verser effectivement au salarié que la différence entre le salaire contractuel et un certain montant d’allocation inconditionnelle, allant du montant minimal perceptible au montant effectivement perçu. J’ai découvert cette modalité en étudiant la proposition de revenu de base inconditionnel du Belge Roland Duchâtelet, le fondateur de l’ancien parti VIVANT.
Imaginons l’impact d’un revenu minimum garanti composite comme celui que j’ai évoqué plus haut. Etudions par exemple les deux cas de figure suivant :
-Premier cas de figure / mutualisation des salaires pour les travailleurs à temps partiel rémunéré comme des temps plein sans plus value fiscale :
Chaque résident légal salarié reçoit l’équivalent de 1500 EUR/mois d’allocation inconditionnelle de l’Etat et de sa région.
Chaque salarié reçoit 1500 EUR/mois minimum de son employeur pour un travail à temps plein.
Chaque entreprise bénéficiaire (non fictive) peut appliquer la déduction salariale de la totalité l’allocation inconditionnelle (1500 EUR/mois) pour chaque salarié employé à 20h/semaine au plus (temps partiel donc) si son salaire contractuel s’élève à au moins 1500 EUR/mois.
-Deuxième cas de figure / Mutualisation des salaires pour les travailleurs à temps partiel rémunérés comme des temps plein avec plus-value fiscale :
Chaque résident légal salarié reçoit l’équivalent de 1500 EUR/mois d’allocation inconditionnelle de l’Etat et de sa région.
Chaque salarié reçoit 1500 EUR/mois minimum de son employeur pour un travail à temps plein. Chaque entreprise bénéficiaire peut appliquer la déduction salariale de la totalité l’allocation inconditionnelle (1500 EUR/mois) pour chaque salarié employé à 20h/semaine au plus si son salaire contractuel s’élève à au moins 1500 EUR/mois.
En outre, chauqe entreprise bénéficiaire peut déduire fiscalement 1700 EUR/mois par salarié lui donnant droit à la déduction salariale.
Dans le premier cas de figure, les entreprises bénéficiaires peuvent embaucher autant de travailleurs à temps partiel qu’elles le veulent sans débourser d’argent, ce qui leur permet d’ouvrir 24h/24 toute la semaine. A 20h semaine et 1500 EUR/mois, les travailleurs ne sont pas opprimés et peuvent soutenir la consommation, donc les recettes. S’ils perdent leur emploi ou veulent en changer (mobilité professionnel), ils ont 1000 EUR/mois garanti cumulable avec des indemnités d’assurance ou les dividendes d’un porte-feuille d’action.
Dans le deuxième cas de figure, les avantages sont les mêmes mais la plus-value fiscale permettrait par exemple à l’employeur de consacrer 100 EUR par salarié en incitant et avantage (assurance-groupe par exemple). Et en plus de majorer les dividendes versés aux actionnaires de 100 EUR par salarié ce qui calme l’Assemblée générale et n’incite pas à l’automatisation. Dans le même ordre d’idée, le recours aux vrais salariés est valorisé par rapport à l’emploi aux faux travailleurs indépendants, aux intérimaires, au travail au noir.
A noter que si l’Etat met en oeuvre les bonnes mesures incitatives, ils peut encourager les entreprises à céder des actions représentatives de voix aux salariés, leur permettent de participer à la gestion de l’entreprise et aux bénéfices.
Il existe des tas de courants au sein des distributistes avec des approches variées des allocations inconditionnelles et des objectifs visés. Ce n’est pas parce que l’approche libertarienne fiscaliste de l’allocation universelle mènerait à un catastrophe sociale que c’est la seule façon de mettre en oeuvre une allocation inconditionnelle ou un bouquet d’allocations inconditionnelles. Ma vision du distributisme suppose une certaine connaissance du sujet, une certaine vision du développement durable, la volonté de promouvoir l’intérêt général et un certain temps de réflexion. Autant dire que la plupart des économistes et des politiciens ne produiront jamais ce genre de proposition.
En conclusion, il ne faut surtout pas réserver le débat à des comités scientifiques conservateurs qui ont de toute façon condamné toute proposition dallocation universelle d’avance. Faisons participer les citoyens à la réflexion, grâce aux civictech par exemple et après les avoir correctement informé. Les critiques des opposants devraient être soigneusement étudiées à cette occasion et non rejetée par réflexe d’un retour de main.
En fin, Mr. Serrano, la définition parfaite et unique du UBI : le revenu de base est « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »
Cela fait le lien entre l’UBI et la théorie dont il est naturellement issu et qui est celle de la troisième voie du développement humain que je défends depuis de nombreuses années.
Mes felicitations !