Cela faisait près d’un an que le Revenu de base Québec (RBQ) et le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) préparaient cet événement. Leurs efforts ont porté leurs fruits car l’ensemble des activités préparées par l’équipe franco-québécoise a connu un franc succès. Le revenu de base a occupé une place sans précédent lors d’un Forum Social Mondial (FSM), témoignant de la progression que connaît l’idée actuellement à travers le monde.
Une marche d’ouverture réussie et des « robottes » du revenu de base très remarquées
Les six membres de la délégation du MFRB se sont associés à leurs homologues du Revenu de base Québec pour animer les interventions autour du revenu de base dans le cadre du FSM de Montréal.
Un atelier sauvage, prélude au « Créathon » prévu le mardi 9 août, nous a permis de concevoir deux « robottes » — concept développé par le groupe local MFRB de Lyon — ainsi que des panneaux et des ponchos pour participer à la marche d’ouverture qui s’est déroulée ce même jour, à Montréal, partant du Parc Lafontaine jusqu’à la Place des Arts et qui a rassemblé près de 15 000 personnes.
Marcus Brancaglione, notre invité brésilien de l’association Recivitas, s’est joint à nous et c’est une joyeuse « gang » d’une douzaine d’activistes qui a diffusé allègrement notre programme de la semaine, invitant les passants à venir participer à nos ateliers, conférences et débats.
Les « robottes » ont été particulièrement remarquées et ont fait un tabac, ou un « splash », suivant l’expression québécoise de Luc, co-fondateur du RBQ. Elles ont servi durant toute la semaine de point de ralliement.
Dès le 10 août au matin, nous avons pris possession des deux salles mises gracieusement à notre disposition par l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), et qui nous ont permis d’y accueillir plus de deux cent participants (hors Grande Conférence) motivés pendant ces trois jours.
Créathon : 18 heures de création, 14 histoires des quatre coins du monde
Ce marathon de création était organisé par l’équipe de Revenu de base Québec. Planifié sur deux jours et demi, la journée a commencé par la présentation de Lenny Watson sur les premiers Créathons (Create-a-thon) qui ont eu lieu à San Francisco, à Los Angeles et en Finlande.
Suite à un échange entre les participants, une idée surgit. En rebondissant sur la confidence d’une des participantes racontant l’histoire de sa mère, nous avons commencé à recueillir des histoires de personnes de notre entourage et à expliquer comment le revenu de base changerait leur vie.
Le lendemain, nous avons commencé à tourner, avec Aurélie à la vidéo et Louise à la scénarisation, et avons fini la journée avec 14 témoignages grâce à de nombreux curieux arrivés en cours de route ! Chacun raconte son histoire dans sa langue maternelle : en anglais, en français et en portugais. Nous avons ainsi recueilli des histoires des quatre coins du monde.
Le vendredi, Aurélie et Louise ont extrait des témoignages certains thèmes et mots significatifs. Ces témoignages ont été regroupés en cinq chapitres. Le temps était compté et a manqué pour le montage. Nous avons fait le choix de ne pas nous préoccuper de la répartition des langues ni de l’équilibre et l’alternance homme-femme.
Les thèmes retenus ont été :
- Un revenu de base… lorsque la vie ne fait pas de cadeau
- Un revenu de base… pour se trouver une place
- Un revenu de base… en cas d’extrême pauvreté
- Un revenu de base… pour être libre de choisir sa vie
- Un revenu de base… pour accompagner des êtres chers en fin de vie
Teaser :
Voir les deux premières vidéos :
- …quand la vie ne fait pas de cadeau :
- …pour trouver sa place :
Chaque semaine une nouvelle vidéo sera mise en ligne sur la chaîne YouTube du MFRB jusqu’à la Semaine internationale du revenu de base qui débutera le 19 septembre .
Ğeconomicus
Amener l’idée d’un changement monétaire pour faire advenir le revenu de base sans se perdre dans les méandres des politiques politiciennes et commencer dès aujourd’hui à changer nos comportements hérités de la monnaie-dette, tel est l’objet des ateliers Ğeconomicus.
Carole Fabre et Damien Vasse ont animé deux sessions de jeux dans lesquels différents systèmes monétaires sont testés en jouant avec des cartes. Pour résumer, chaque joueur échange avec les autres des cartes pour constituer des carrés. Chaque carré symbolise une valeur créée et est comptabilisé par la remise d’un bonbon (une nouvelle version sans bonbons est possible, voir site). On compte ainsi à la fin le nombre de valeurs créées.
Le temps de vie humaine est introduit ici pour tester les systèmes d’échange en gardant les mêmes repères introduits dans la Théorie relative de la monnaie de Stéphane Laborde.
Le temps imparti pour chaque atelier étant de 2h30, nous avons changé les règles et diminué l’espérance de vie à 60 ans ainsi que la durée de chaque tour de jeu. Nous avons donc joué avec un système monétaire basé sur la dette – c’est à dire notre système actuel – et avec un système monétaire basé sur le revenu de base et les monnaies libres. On peut également tester d’autres systèmes, tels le troc, le crédit mutuel, etc, mais nous n’avons pas pu les pratiquer faute de temps.
Ce jeu permet de se rendre compte de l’influence de la structure du système monétaire sur nos comportements et nos échanges.
Avec la monnaie-dette, c’est bruyant, plein de compétitions, de ruses, de triches. Avec les monnaies libres, les tensions s’apaisent au bout de deux tours, des collaborations naissent, le climat change. Nous avons pu consacrer plus d’une demi-heure à chaque atelier pour discuter et débattre après les jeux. C’était chaque fois très enrichissant : les personnes comprennent que la monnaie-dette nous enferme dans un piège et se rendent compte du pouvoir inouï des banques. Avec le revenu de base en création monétaire, les personnes s’aperçoivent qu’il est toujours possible de créer de la valeur, mais avec un comportement différent.
Co-créer notre revenu de base grâce aux monnaies libres c’est enfin possible, grâce à Duniter, générateur de monnaies libres à présent opérationnel sur lequel les développeurs codeurs travaillent depuis 4 ans ! Les simulations informatiques ayant été réalisées avec succès, place à présent au réel. Le jeu est l’occasion de comprendre que cela fonctionne et qu’il ne tient qu’à nous de le faire.
Assemblée de convergence : de l’utopie réaliste à la politique publique
Les deux assemblées de convergence ont été conçues et facilitées en collaboration avec Pierre Barbès et Gilles Charest, experts en sociocratie à l’Ecole internationale des chefs, dont la méthodologie sera présentée dans un prochain article.
Nous souhaitions que ces assemblées soient les plus participatives possibles et faire découvrir les méthodes de travail que nous utilisons au MFRB, en particulier celle de la sociocratie. Nous avons eu la surprise de voir arriver plus d’une cinquantaine de participants que nous avons répartis en cinq groupes : un groupe d’information, deux groupes de réflexion anglophones et deux groupes francophones avec chacun un facilitateur.
À droite, Pierre Barbès conférencier et auteur, agréé en sociocratie et en développement de l’Esprit communautaire
La conférence s’est terminée par un tour de clôture où chacun a pu dire ce qu’il retirait de cet atelier.
Assemblée de convergence : « Le revenu : un remède non médical ? »
L’idée de cette assemblée est née au sein du comité Espace Santé du Forum, auquel participaient deux membres de Revenu de base Québec. Le comité réunissait des professionnels québécois de la santé. Le RBQ voulait s’assurer que le revenu, comme l’un des « déterminants » de la santé, y soit discuté et que les effets avérés du revenu de base sur les populations où il a été expérimenté y soient connus. Cela a été très bien accueilli par les membres du comité, plusieurs d’entre eux connaissant déjà le concept de revenu de base.
Le RBQ y voit une avancée stratégique importante au Québec. En efffet, l’organisme souhaite que les professionnels québécois de la santé prennent position en faveur du revenu de base comme l’ont fait leurs collègues du Canada anglais, tant au sein de leurs associations qu’individuellement. Ces derniers ont compté pour beaucoup dans la décision du gouvernement ontarien de créer un projet-pilote sur le revenu de base qui est en cours de préparation.
L’assemblée a permis de constater un grand intérêt pour le revenu de base par des gens de différents pays préoccupés d’abord et avant tout par la santé, soit comme professionnels soit personnellement. Des pistes d’action y ont été identifiées.
Atelier : « Pour un partage équitable des richesses : l’allocation universelle et la richesse maximale »
Cet atelier a suscité beaucoup de pré-inscriptions dès que nous l’avons annoncé, et il a fait salle comble. Le partage des richesses est un sujet qui a été abordé de diverses façons au Forum. L’allocation universelle (ou revenu de base) est un moyen souvent mentionné d’effectuer ce partage dans nos sociétés. La richesse maximale vise ce but aussi, mais elle est moins présente dans l’espace public. En conséquence, la majorité des participants sont arrivés à l’atelier avec une meilleure connaissance de l’allocation universelle que de la richesse maximale. La proximité des deux idées a suscité un très grand intérêt et des échanges animés avec les deux animateurs, Alexandre Chabot-Bertrand et Christian Jobin. Ces échanges ont continué longtemps après la fin de l’atelier.
Grande conférence : « Le revenu de base : une innovation sociale pour le XXIe siècle ? »
Voir la vidéo de la conférence (en anglais) :
L’organisation de nos activités s’est clôturée par une grande conférence qui a réuni près de 500 personnes, le vendredi 12 août au soir. Les intervenants, tous venus de pays différents et ayant travaillé sur la question du revenu de base sous divers angles ont fait forte impression par leur prestance, leur passion pour le sujet et leur humour.
La conférence s’est ouverte avec la vidéo de notre partenaire d’Afrique du Sud, N’kateko Chauke, coordinatrice de la campagne pour un revenu de base dans la SADC (South African Development Community — Communauté de développement sud-africaine, regroupant une quinzaine de pays allant de la Tanzanie à l’Afrique du Sud), qui n’avait malheureusement pas pu se joindre à nous, faute de moyens. Voir la vidéo ici.
Rutger Bregman, journaliste et auteur hollandais ayant dernièrement publié son livre Utopie pour réalistes (« Utopia for Realists : a case for universal basic income, open borders and a 15 hour-work week ») a ouvert la discussion en abordant le revenu de base sous l’angle du travail. Il a ainsi questionné l’obligation morale de travailler dans un monde qui promeut la création de ce que David Graeber appelle les bullshit jobs, se référant à ces emplois jugés inutiles, tant pour celui ou celle qui l’exerce que pour la société plus généralement.
Karl Widerquist, co-président du réseau mondial Basic Income Earth Network (BIEN) et originaire des États-Unis, a par la suite présenté les trois vagues de revenu de base qui se sont historiquement succédées : une première vague a émergé réellement au XXe siècle (même si l’idée avait déjà été émise précédemment par des personnalités telles que Thomas Paine), notamment dans les pays anglo-saxons, avec des défenseurs tels que Bertrand Russell, Henry George ou Virginia Woolf. À l’époque, les arguments portaient avant tout sur des principes de justice sociale et de justice agraire. La deuxième vague est apparue dans les années 1960, où le revenu de base était porté principalement par les mouvements de droits civiques, dont Martin Luther King en est l’exemple le plus connu. Nous vivons à présent dans la troisième vague, qui est celle du questionnement du système actuel, de la conditionnalité de la protection sociale et de l’évolution du travail. Ces changements ont permis une acceptation plus large de l’idée, qui attire à présent de plus en plus de monde, dont des politiques et des journalistes.
Enfin, pour illustrer la possibilité de mise en place d’un revenu de base, Marcus Brancaglione, président de l’association ReCivitas, nous a présenté le projet d’expérimentation mené dans le village de Quatinga Velho au Brésil, depuis 2008. Bien plus qu’un projet-pilote, le revenu de base est, pour Marcus Brancaglione, un véritable droit humain, car la pauvreté n’existe selon lui que parce que nous la laissons exister dans nos sociétés. Le Brésil est le premier pays à l’avoir inscrit dans sa Constitution comme objectif à long terme. Il est temps maintenant de l’appliquer.
Ces trois interventions ont été très bien accueillies par l’audience, qui s’est montrée très curieuse et enthousiaste. De fait, au moment du débat, des centaines de mains se sont levées, chacun y allant de sa question ou de son témoignage sur de ce qu’un revenu de base pourrait représenter pour lui.
Toutes ces belles initiatives diverses et variées ont ainsi contribué à diffuser l’idée du revenu de base à travers le monde et auront très certainement marqué cette édition du Forum Social Mondial à Montréal.
Merci à toutes celles et ceux qui ont contribué à faire de cet événement un succès pour le revenu de base à travers le monde !
Article rédigé par l’équipe organisatrice MFRB-RBQ : Aurélie Hampel, Carole Fabre, Christian Massault, Damien Vasse, Nicole Teke, Sylvie Denisse, Luc Gosselin, Louise Allaire, Lenny Watson et Sylvia Bissonette.
Encore un grand merci aux 35 donateurs qui nous ont permis de récolter 1175 € sur la cagnotte Colleo, ainsi qu’au sénateur Jean Desessard pour sa subvention parlementaire de 1 500 € accordée au MFRB et qui a permis la réalisation de cet événement !
Ils parlent de nous :
RFI : http://www.rfi.fr/emission/20160812-namibie-kenya-revenu-base-generalise-forum-social-mondial-2016
Interview Marcus Brancaglione (ReCivitas – Brésil) – FSM : http://www.forumsocial.info/spip.php?article556
Interview Alexandre Chabot-Bertrand, co-fondateur du RBQ – FSM : http://www.forumsocial.info/spip.php?article546
Conférence de presse de Rutger Bergman : https://www.facebook.com/revenubaseuniverselquebec/videos/1032094216909159/
Grande conférence : Le revenu de base comme une innovation sociale du 21e siècle : https://fsm2016.org/grande-conference-le-revenu-de-base-comme-une-innovation-sociale-d-21e-siecle/