« Je suis, Tu es, Nous sommes…
Oh ! quel bonheur de me lever ainsi, avec cette sage pensée dans la tête ! Celle-ci ne me quitte quasiment plus depuis ce fameux jour ensoleillé du printemps, cette date inoubliable où j’entendis d’une oreille distraite à la radio nationale, qu’enfin, un revenu équitable de base pour tous, sans distinction sociale venait d’être signé par les principaux dirigeants de ce pays à l’époque ! Sur le moment, crédule, j’ai cru à un poisson d’avril, clin d’œil du calendrier du jour…
Dans l’excitation de la curiosité, j’ai poussé plus loin mon investigation, interrogeant amis et voisins… vérifiant l’information stupéfiante sur tous les réseaux possibles et imaginables ce jour-là.
Sans voix, j’ai senti une forte émotion monter, un sentiment énorme de gratitude universelle…
Émue, j’ai partagé l’heureuse décision partout. Surprise totale sur les ondes ! La Joie se ressentait, délivrée sans retenue après toutes ces années laborieuses, engagées pour faire valoir une qualité de vie digne pour tous, dans un système économique à bout de souffle, chancelant et totalitaire, maintenu d’une main rouillée œuvrant sans pudeur dans un dialogue de sourd sur tous les plans de notre vie quotidienne pour alimenter une surconsommation illusoire. Enfin, la qualité de vie de chaque citoyen était reconnue essentielle, et la possibilité de changer son mode d’existence !
Enfin, l’Être supplantait l’Avoir et le Faire !
Enfin, la liberté de s’exprimer créativement explosait, et tout prenait sens d’un coup.
Tout ce temps tout de même pour une capitulation massive, forcés de constater que leur système ne pouvait plus tenir une population massivement exsangue, dépréciée, sous pression permanente.
L’information tant espérée est passée ! Je me suis sentie reliée. je me suis sentie pour la première fois reconnue, validant ainsi toutes mes valeurs profondes, et ma vie accomplie de femme artiste revêtait une autre écologie : respectueuse, utile et belle pour le bien commun …
Tout était devenu si difficile pour la majorité de la population, à fleur de peau, une crise sans précédent nous maintenant délibérément dans une tension malsaine, une survie conditionnée et sous contrôle.
Aujourd’hui, tout s’est relâché progressivement. Une certaine harmonie bienveillante s’est installée au cœur de nos paysages. La Nature ne m’a jamais parue aussi majestueuse, reconnaissante. Les regards se sont adoucis, se sont agrandis.
Les sourires se sont dessinés sur beaucoup de visages, apaisés. Je ressens là pour de vrai l’instauration pionnière d’un Monde Nouveau plus humain, celui qui nous rassemble au fond.
Oui. Avec émerveillement, je découvre la métamorphose talentueuse d’une société renaissante, plus éveillée, il était temps !
Ce revenu universel est l’augure d’une sécurité intrinsèque pour tous, l’assurance d’une vie prospère plus simple et authentique, où la création se déploie à ciel ouvert dans une certaine légèreté, sans restriction. La créativité se dévoile partout, et je suis plutôt étonnée par cette imagination débordante qui jaillit spontanément de chaque individu ! La peur s’en est allée.
Que cela fait du bien de voir ça ! La frontière entre riches et pauvres s’est amoindrie… Une vraie vie sociale a vu le jour. L’argent est passé au second plan.
Tous les secteurs se sont ravivés, se sont dynamisés d’une étonnante vivacité d’idées audacieuses et innovantes, en ville et à la campagne.
C’est magnifique !
Avec la Vie elle-même j’apprends à regarder mes concitoyens autrement, à les connaître, et j’œuvre ainsi plus aisément dans l’utile et l’agréable, la beauté au premier plan.
Pour la première fois, je déploie toute ma puissance d’Être !
Là, je peux rejoindre la collectivité plus assurée, sans me poser toutes ces anciennes questions emprisonnantes du comment « faire » pour vivre plus dignement en tant qu’être humain ? Le montant de ce revenu de base dit inconditionnel couvre largement mes dépenses usuelles, en plus de mes ressources actives.
Une autonomie concrète se dévoile à grande échelle, bien réelle cette fois. Les langues se délient, s’expriment avec d’autres mots, révélant la richesse créative, l’envie et les compétences de chacun. Hallucinant ! Magique ! Pour la première fois, je suis fière de faire partie de cette société transfigurée. En gouvernance partagée avec plus d’égalité. Les mêmes droits au bonheur pour tous !
J’ose parler de choses qui rehaussent la vision, l’élan d’aller vers quelque chose de plus grand encore. Je n’oublie pas ce qui m’anime depuis longtemps : permettre à chacun de découvrir son autonomie créative, qui décuple l’énergie sans rien forcer cette fois !
Je ne me sens plus seule dans ce débat intérieur à la sonorité quantique. Renforcée, soutenue, je délivre sereinement ma puissance pour faire partie de ce Monde, aux multiples possibles fertiles.
Ce soir, j’ai rendez-vous avec mes voisins dans l’éco-lieu où je réside actuellement. Mon rêve s’est enfin réalisé. Je l’attendais depuis si longtemps celui-là ! Vivre dans une maison créative, pleine de couleurs, inspirante et vivante.
Un moment sacré, convivial et joyeux se prépare dans la bonne humeur. Ma voisine d’en face s’affaire en mijotant un plat de son cru, cuisinière talentueuse avec les produits du jardin potager.
Voici l’art d’habiter ensemble sur tout un territoire vibrant et solidaire pour de vrai, pour de bon, hi hi ! »
bea.testet@orange.fr
“L’être supplante l’avoir et le faire”… Pour être, il faut manger, boire, satisfaire ses besoins élémentaires (alimentaires au moins…)… ce qui nécessite, quand même, de “faire”… quelques petites actions minimales (planter, cueillir, convertir la récolte… ou acheter la nourriture…)… et “d’avoir”… quelques biens propres, au moins ce que l’on consomme et ce dont on se vêt…
Certes, un revenu minimal équitable pour tous permettrait, peut-être, de “faire” et “d’avoir” ce minimum, mais s’il épanouit à ce point “l’être”, s’il provoque, instantanément, cette béatitude extrême, cette plénitude, il faut l’imposer dans l’heure, ce revenu universel !
Chaque individu capable d’empathie espère “permettre à chacun de découvrir son autonomie créative”. Mais tant d’individus autonomes sont-ils capables de gérer le quotidien “bassement” matériel de la collectivité : la collecte et la conversion des ordures, la production des fluides essentiels (eau, gaz, électricité), le ramassage des feuilles mortes, l’assistance aux personnes dépendantes, l’éducation des enfants, le retraitement des cadavres…
L’autonomie créative, même dans une gouvernance plus proche des gens, ça ne fait pas l’économie des “détails” du quotidien : l’impermanence des choses et des êtres vivants, la maladie, la mort.
Passé le moment de fête et d’enthousiasme… comment tourne ce monde ? L’intérêt de votre texte, totalement ciblé sur l’enthousiasme, suite à une décision qui vient “d’en haut”, est de décrire cette jouissance physique et mentale qu’on ressent, quand on est enfant et qu’on reçoit le cadeau qu’on attendait depuis longtemps. Recevoir perpétuellement un cadeau permettrait de donner un sens à sa vie ? Cela permettrait de développer l’altruisme ? Cela permettrait la prise de conscience d’une action individuelle et collective à mener pour mieux préserver notre biotope ?
Chaque adulte sait, au fond de lui-même, que les enfants gâtés ne développent ni autonomie, ni maturité, ni générosité, ils restent des enfants gâtés, ils deviennent souvent des adultes amers et cruels, desséchés du cœur.
Chaque individu sait, au fond de lui-même, qu’il n’éprouve pas tant d’empathie que ça pour ses voisins, pour l’ensemble des habitants de son lieu de vie, pour l’ensemble des citoyens de son pays.
Mais vous avez raison de planter le décor d’une utopie où la majorité des gens serait altruiste, prête à la communication, à l’échange, au partage, car c’est bien dans ce genre de collectivité qu’un revenu universel serait un engrais utile pour libérer des énergies. Un revenu universel qui sortirait d’où, d’ailleurs ? Car on ne peut faire ni l’économie du “comment”, ni l’étape de la transition entre hier et demain, dans la réalité.
“Je suis, tu es, nous sommes…” Belles affirmations dont on ne peut garantir qu’un tiers : “je suis”. Nous n’avons pas totalement prise sur “tu es”, et, si nombreux, si entassés sur cette planète, si loin des cercles de pouvoir, nous n’avons quasiment plus de prise du tout sur “nous sommes”. Je n’ai pas mis de majuscules à ces pronoms personnels, car, dans la réalité, ils sont infimes et minuscules, dans le temps, dans l’espace. Juste une étincelle et, tant mieux si c’est une étincelle d’intelligence, de créativité, de positivité. Et d’humilité quand même.
Merci pour votre texte de conviction quasi mystique, il est “euphorisant” comme une communion religieuse dans l’un des lieux sacrés des religions de cette planète. Quand l’on quitte le texte ou le temple… on regarde le ciel, vide, la terre, trop peuplée, l’eau, polluée, les feux, allumés… et l’on se dit que l’imagination, c’est quand même bien plus facile que l’action… Être, plus facile que faire ? Merci d’avoir illustré une réponse à cette question…
Merci pour cette réflexion aux multiples résonances. j’ai délibérément appuyé le style sur l’enthousiasme, dans une certaine légèreté d’Être et d’agir. Nous en manquons cruellement encore, surtout aujourd’hui !